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Gaz de France et le BTP, un partenariat innovant

SANS | publié le : 23.03.2004 |

Depuis 2001, Gaz de France et l'OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics) travaillent de concert pour juguler le nombre d'accidents du travail dans les chantiers engagés par la direction transport de l'entreprise publique.

L'évolution du taux de fréquence* des accidents du travail enregistrée par les entreprises de BTP évoluant sur les chantiers Gaz de France (GdF) est de 10,1 en 2003 contre 14,5 en 2002, 17,2 en 2001 et 28,2 en 2000. Rénovation de terminaux méthaniers, travaux sur des stations de compression, chantiers de stockage souterrain, pauses de canalisation..., au total, la direction transport de GdF commande à ses sous-traitants du BTP, chaque année, quelque 700 000 heures de travail. Lesquelles sont assurées par une multitude de corps de métiers et de prestataires, allant de l'entreprise de premier niveau (généralement celle avec qui GdF passe le contrat), jusqu'au locatier (une personne qui travaille avec du matériel loué), en passant par les sociétés de BTP de deuxième, voire de troisième rang, qui agissent pour le compte de la première. Sans compter le recours massif à l'intérim.

« Si nous pouvons avoir une certaine maîtrise de l'entreprise titulaire, nous ne pouvons pas contrôler toute la chaîne de la sous-traitance. C'est une des tendances lourdes observées : les entreprises de BTP avec qui nous travaillons n'accueillent plus que des cadres et des contremaîtres. L'essentiel de leur mission consiste à encadrer les personnels des sous-traitants », constate Michel Romanet, responsable qualité, sécurité, environnement de la direction transport de GdF.

125 000 accidents

A la difficulté de gérer cette sous-traitance en cascade, s'ajoute celle, pour Gaz de France, de faire face à une accidentologie élevée, marque de fabrique du BTP. Malgré les efforts consentis par la profession, ce secteur enregistre encore, chaque année, 125 000 accidents du travail, dont plus de 10 000 entraînent une incapacité permanente partielle.

En 2002, 162 salariés ont perdu la vie sur des chantiers, évoque la fédération CGT de la construction. « Sur certains chantiers de canalisation, poursuit Michel Romanet, nous avons connu des taux de fréquence supérieurs à 50. Notre objectif est de ne pas jouer avec la santé des salariés, et ce, quel que soit leur employeur. » Pour l'entreprise publique, la prévention des risques professionnels en direction de ses prestataires du BTP revêt également des enjeux plus pragmatiques : « Une prévention rondement menée a une influence majeure sur le professionnalisme des équipes et sur la qualité du travail », affirme Philippe Chaumont, directeur de projet à la direction transport. En outre, la hantise du donneur d'ordres d'être considéré comme l'unique responsable d'un accident grave pèse de tout de son poids dans les politiques de prévention. Lors de l'effondrement de la passerelle du Queen Mary 2, les projecteurs se sont braqués sur les Chantiers de l'Atlantique et non sur la PME, filiale de Suez, qui était pourtant responsable du montage du matériel, rappelle-t-on chez GdF.

Démarche de progrès

C'est dans ce contexte délicat qu'un accord de coopération a été conclu, en 2001, entre GdF et l'OPPBTP. L'originalité du dispositif consiste à aider les entreprises du BTP à s'engager dans une démarche de progrès, l'OPPBTP jouant un rôle d'interface entre le donneur d'ordres et les sociétés intervenantes. A l'origine, ce partenariat est né sur l'imposant chantier de stockage de gaz de Chemery (41), au cours duquel l'OPPBTP était intervenu en tant que conseiller auprès du maître d'ouvrage. « GdF nous a alors demandé de formaliser ces conseils. Puis, ce travail a finalement débouché sur cet accord d'envergure nationale », indique Michel Stadler, secrétaire régional de l'OPPBTP pour la région Grand Centre. Appliqué, dans un premier temps, aux chantiers les plus accidentogènes, l'accord a été, par la suite, décliné dans l'ensemble des régions. Avec plus ou moins de succès. « Il monte progressivement en puissance. Mais, c'est vrai, admet Michel Romanet, en fonction des régions, le niveau d'adhésion de nos ingénieurs et cadres n'est pas le même. C'est une piste d'amélioration. »

Parmi les actions concrètes décidées par les deux partenaires : l'organisation, chaque année, de Trophées sécurité, récompensant des actions de prévention déployées par les entreprises, la participation des relais locaux de l'OPPBTP au suivi des ouvrages, la mise en place de tableaux de bord de prévention, la formation des chefs d'équipe ou encore la remise de documents de sécurité accompagnés d'une présentation plus attractive. Autre mesure phare prise en concertation avec les entreprises de travail temporaire : la délivrance, pour les intérimaires, d'un passeport sécurité.

Pour faire vivre cet accord, GdF dégage un budget annuel de 10 000 euros, auquel il convient d'ajouter la prise en charge d'un tiers du coût des passeports sécurité. Un investissement somme toute modeste au regard de l'enjeu. Et les résultats sont au rendez-vous, comme le montre la courbe du taux de fréquence, en baisse constante depuis trois ans. « Ce qui est sûr, note Michel Stadler, c'est qu'il y a une amélioration au niveau de l'organisation des chantiers et du suivi de la démarche de prévention. Nos remarques sont prises en compte. De plus, les entreprises réagissent positivement, ce qui prouve bien qu'elles avaient conscience des dysfonctionnements. »

Entreprises intéressées

Le partenariat, qui a été reconduit en janvier dernier, devrait déboucher sur de nouvelles actions. Un site Internet, destiné à compiler les meilleures pratiques de prévention, doit, par exemple, être opérationnel en 2005. La démarche engagée par GdF et l'OPPBTP est, en tout cas, en train de faire des émules. EDF, les Autoroutes du Sud de la France, Aventis, les Chantiers de l'Atlantique, ainsi que plusieurs collectivités locales, seraient très intéressés. « Ces entreprises doivent gérer une contradiction : elles ne peuvent pas faire d'ingérence dans la cuisine interne de leurs prestataires mais, dans le même temps, elles entendent améliorer la sécurité et la qualité de l'ouvrage. Un organisme indépendant comme le nôtre peut, de son côté, créer une émulation autour de la notion de sécurité », affirme François Liet, responsable du département développement et prestations de l'OPPBTP

* Taux de fréquence : nombre d'accidents x 1 000 000/nombre d'heures travaillées.

L'essentiel

1 La direction transport de Gaz de France commande quelque 700 000 heures de travail, chaque année, à ses sous-traitants du BTP. Pour limiter les accidents, l'entreprise publique a noué, en 2001, un partenariat, avec l'OPPBTP.

2 Parmi les actions mises en place : l'organisation d'un concours sécurité, des formations et la délivrance d'un passeport sécurité pour les personnels intérimaires.

3 Depuis 2000, le taux de fréquence des accidents enregistré par les sociétés du BTP évoluant sur les chantiers GdF est en baisse constante. Ce type de partenariat séduit de plus en plus d'entreprises.

Attention à l'overdose !

Saint-Chamond/La Fouillouse, 20 km de canalisation de gaz dans le département de la Loire. C'est pour la réalisation de ce chantier que la Spac, une filiale du groupe Colas, a été primée lors de la remise, le 22 janvier dernier, des "Trophées sécurité" GdF/OPPBTP.

Pour Magali Boutet, responsable qualité, sécurité, environnement de l'agence pipeline de Spac, l'accord GdF/OPPBTP impose des dispositifs de prévention supplémentaires. « GdF est un client très pointilleux sur la sécurité », dit-elle. Jusqu'à l'écoeurement ? « C'est l'écueil à éviter. Si ce partenariat nous a permis de nous améliorer, le piège de ce type de démarche est l'accumulation des mesures de prévention. En voulant trop en faire, on crée un phénomène de rejet chez les salariés. »

Autre danger soulevé par Magali Boutet, l'inadéquation entre les procédures de sécurité et les cadences. « Si ces deux paramètres ne sont pas harmonieusement imbriqués, vous multipliez les risques d'accident. »

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