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« Le pouvoir des femmes ne se cache plus »

SANS | publié le : 02.03.2004 |

Entretien avec Jacqueline Laufer, sociologue et professeur à HEC

E & C : Ces cinq dernières années ont été marquées par une éclosion de nombreux réseaux professionnels féminins. Pourquoi ?

J. L. : Le développement de ces réseaux accompagne l'avènement des femmes dans les sphères du pouvoir. La loi sur la parité s'est adressée à la question de la place des femmes en politique ; reste à traiter de la sphère économique. Les réseaux professionnels sont une façon de réagir face à la rareté des femmes en position de pouvoir. Dans une société qui se veut égalitaire, une telle rareté pose problème. Dans les jeunes générations, les femmes cadres sont plus diplômées que les hommes, elles constituent, désormais, un tiers des cadres administratifs et commerciaux dans les entreprises et, pourtant, elles demeurent minoritaires au sein des équipes dirigeantes. Il y a là quelque chose de choquant. A travers leur participation à des réseaux, les femmes revendiquent de sortir de cette discrétion si "féminine" qui les caractérisait. Auparavant, les réseaux professionnels se conjuguaient au masculin. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, signe que le pouvoir des femmes ne se cache plus.

E & C : Qu'est-ce qui caractérise ces réseaux féminins ?

J. L. : Le fait que les femmes s'associent est un phénomène ancien. Il y a eu d'autres formes de regroupements : associations féministes, syndicats de femmes, associations de diplômées, etc. Ce qui est nouveau, c'est que ces réseaux concernent des femmes en position de responsabilité. Quand celles-ci étaient minoritaires, elles demeuraient isolées et elles n'avaient pas d'autre choix que de s'aligner sur des normes masculines. Désormais plus nombreuses, elles peuvent se rendre plus visibles et s'affirmer plus solidaires, mais ces réseaux sont aussi ouverts sur le débat public. Ainsi, ils ont un rôle important dans la diffusion de nouveaux comportements et de nouvelles aspirations en matière d'égalité professionnelle. Ces questions de l'égalité et de la mixité au sein des sphères du pouvoir ne concernent pas que les femmes mais aussi les hommes et la société dans son ensemble.

E & C : La carrière repose de plus en plus sur l'individu. L'apparition de réseaux ne témoigne-t-elle pas d'une prise de conscience par les femmes de cette nouvelle donne ?

J. L. : La réussite professionnelle tient désormais à un ensemble de facteurs et, notamment, à une capacité à mobiliser des réseaux dans et hors de l'entreprise. Il est souhaitable et normal que les femmes, comme les hommes, en prennent conscience.