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Une place pour la p rière dans l'automobile

SANS | publié le : 24.02.2004 |

L'industrie automobile a eu largement recours à la main-d'oeuvre immigrée, notamment d'origine maghrébine, dans les années 1970. Elle a, généralement, accepté de ménager une place à la religion de ces salariés, par exemple à Renault Flins ou PSA Aulnay.

Des mosquées près des chaînes de montage : au début des années 1980, la solution est apparue aux directions des usines automobiles de Renault à Flins (78), ou de Citroën à Aulnay (93). Aujourd'hui, les musulmans, pratiquants ou non, représentent encore quelques centaines de personnes sur 5 000 à la production dans l'usine de Flins, dont l'effectif était de 9 000 personnes il y a cinq ans. La proportion de musulmans a sans doute baissé, vingt ans après les vagues de recrutements de main-d'oeuvre immigrée des années 1960 et 1970, venant notamment du Maghreb. Et ces ouvriers ont été stratégiques pour la production automobile française.

Organisation du travail et de l'espace

Résultat : les salles de prière, aujourd'hui moins pleines, apparaissent comme l'aménagement le plus spectaculaire de l'organisation du travail - et de l'espace - de ces sites. Les directions se sont efforcées, depuis longtemps, de prendre en compte les particularités liées à la religion de leurs ouvriers. Abdellali Mamoun, technicien de vente à la Régie, peut en témoigner. Personnalité reconnue de la communauté musulmane, il est imam itinérant après avoir été celui de Mantes-la-Jolie (78). Il fut aussi celui de Renault, chargé du prêche du vendredi dans la grande salle de prières de Flins, de 1995 à 2002. « La hiérarchie est rodée, explique-t-il aujourd'hui. Il n'y a pas de conflits, pas de xénophobie. Je n'ai pas été sollicité pour une médiation depuis plus de trois ans.

Travailler autrement

Renault a, ainsi, appris à travailler autrement, chaque année, pendant le mois du ramadan. Les temps de pause sont alors modifiés pour permettre aux musulmans pratiquants de s'alimenter dès le coucher du soleil. Au moment de la rupture du jeûne, la pause est, en effet, doublée. C'est un des compromis qu'a acceptés l'entreprise pour s'assurer des conditions de production optimales : ce temps de pause ne s'est pas fait en substitution d'un autre, mais en surplus, sans quoi, il aurait été impossible de les modifier, selon Abdellali Mamoun.

Qu'il s'agisse des salles de prière ou des temps de pause du ramadan, la direction a réagi à des dysfonctionnements plutôt qu'à des conflits ouverts. Au moment de la prière, les ouvriers pratiquants s'agenouillaient sur le bord de la chaîne et les sanctions pour un travail mal effectué s'étaient multipliées pendant la période du ramadan à la fin des années 1970 : le mois de jeûne tombait, ces années là, pendant les longues journées d'été et les ouvriers mangeaient sur les chaînes à la tombée de la nuit.

Les imams, équivalents des prêtres ouvriers catholiques, avaient relayé les demandes, avec le soutien de certains syndicats. Non sans quelques débats internes dans ces organisations. « Il n'était pas simple pour un syndicaliste laïque de prendre position sur des sanctions imposées à des gens qui n'ont pu prendre leur poste parce qu'ils mangeaient », se souvient un ancien cégétiste de Renault.

Chez PSA, les aménagements sont passés à la faveur d'un conflit social plus large, en 1982, sur les salaires, les élections et la reconnaissance syndicale. Sur les chaînes de montage, la hiérarchie a, depuis longtemps, intégré cette dimension interculturelle. « Les chefs d'atelier n'oublient jamais d'aller saluer les salariés qui reviennent du pèlerinage de la Mecque, car ce sont, en général, des personnalités influentes de la communauté musulmane », explique, par exemple, un cadre de PSA. De la même façon, les prises de congé pour le pèlerinage ou les fêtes religieuses non chrétiennes doivent être facilitées.

Discrétion

Chez Michelin, la direction appelle la hiérarchie à une vigilance accrue au moment du ramadan, pour la sécurité du personnel concerné.

Mais, partout, il ne s'agit que de consignes orales et informelles. Tout au plus, les prises de poste et les pauses sont-elles discutées en comité d'établissement et affichées. Le statu quo semble requérir une discrétion de tous les instants pour se perpétuer.