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Les entreprises jouent les prolongations

SANS | publié le : 24.02.2004 |

Suppression des préretraites progressives, renchérissement du coût des préretraites maison, dispositif Casa ou Cats réduit... Malgré des conditions plus restrictives, les entreprises continuent à recourir aux préretraites. Au grand dam du gouvernement qui fait le forcing pour garder les seniors au travail.

Les entreprises vont-elles pouvoir faire un trait sur vingt ans de préretraites ? Nés au début des années 1980 pour calmer les douleurs sociales des grandes restructurations dans la sidérurgie, les chantiers navals et les charbonnages, les départs anticipés se sont révélés une arme radicale pour lutter contre le chômage. Plébiscitées à la fois par les employeurs et les syndicats, les préretraites constituent toujours la mesure phare des plans sociaux.

Tous les efforts des gouvernements successifs pour ralentir le flux sont, jusqu'ici, restés vains. La nouvelle loi Fillon fera-t-elle mieux que les autres ? La loi sur les retraites, votée en août dernier, durcit, en effet, les conditions d'accès. Le dispositif de départs anticipés Cats (cessation d'activité de certains travailleurs salariés) subsiste, uniquement, pour les salariés âgés de 57 ans qui ont exercé des métiers pénibles (travail à la chaîne, posté ou de nuit) ou qui sont menacés par un licenciement. Les préretraites maison sont encore possibles mais seront soumises à une contribution spécifique à la charge de l'entreprise de 23,85 % sur les allocations versées à l'ancien salarié à compter du 1er juin 2008 (12 % pour 2004), au lieu de 8,4 % auparavant.

Enfin, les préretraites progressives disparaîtront le 1er janvier 2005. Les entreprises sont-elles prêtes à changer d'attitude ? Difficile. Si, en théorie, tout le monde s'accorde sur le maintien en activité des salariés âgés, ces mesures restrictives tombent mal, car la réalité économique vécue quotidiennement par les entreprises va à contre-courant des intentions prônées ici et là.

Préretraite maison

Avec la multiplication des plans sociaux, les préretraites connaissent, actuellement, un regain d'intérêt. Et ni les futures perspectives du papy-boom, ni les pénuries de main-d'oeuvre qui se profilent ne semblent inciter les entreprises à agir autrement. Alcatel CIT, qui avait négocié, en 2003, (avec la CFDT, FO, la CFTC et la CGC) un dispositif de préretraite maison pour favoriser 700 départs de salariés à 53 ans, devrait renouveler, cette année encore, l'expérience pour "adoucir" les 470 suppressions d'emploi annoncées. C'est aussi ce qu'aimerait faire Kodak, confronté à « une baisse d'activité ». L'an dernier, lors des fermetures des laboratoires d'Annecy, d'Antibes et de Bordeaux, l'entreprise avait même proposé des départs à 50 ans. « La nouvelle taxation est dissuasive, mais pour l'entreprise, il n'existe pas d'autres solutions, indique Yves Douchot, président de Kodak et DRH du groupe. Notre seule marge de manoeuvre consiste à retarder le départ pour proposer des préretraites plus tardives. »

C'est aussi ce constat qui prévaut chez Nestlé Waters France (NWF) ; 971 salariés employés chez Vittel, Contrex, ou encore Perrier, quitteront, cette année, l'entreprise à 55 ans. L'aide de l'Etat ne concernera que les salariés âgés de 57 ans exerçant des métiers pénibles, soit 330 personnes environ. « En tant qu'entreprise responsable, face à un marché de l'eau en pleine ébullition, nous avons la responsabilité de gérer nos effectifs le mieux possible, indique André Embellie, directeur de la communication de NWF. Nous devons moderniser notre ligne de production et privilégier la carte compétences. Deux cents embauches seront prévues en contrepartie. » Giat ne devrait pas agir autrement. Les mesures d'âge devraient figurer dans son sixième plan social et concerner près de 400 salariés de droit privé. C'est notamment le voeu de Florian Narboux, délégué général FO de l'entreprise d'armement.

Négociations

Côté branches professionnelles, le discours n'est pas très différent. Les fédérations professionnelles tentent de négocier des accords pour faciliter les départs anticipés. La banque et la fédération des travaux publics se réjouissent d'avoir un dispositif qui court jusqu'en 2006. L'UIMM, la puissante fédération des métiers de la métallurgie, a élargi, quant à elle, le 19 décembre dernier, la liste des entreprises ayant accès aux préretraites Casa (cessation d'activité des salariés âgés). Douze nouveaux employeurs (dont GHM et Supra) s'ajoutent, ainsi, aux 1 000 sociétés éligibles jusqu'à présent, selon l'avenant à l'accord Casa, de juillet 1999, signé par les organisations syndicales (FO, CFTC, CFDT et CGC). Elles pourront recourir aux préretraites jusqu'en 2005, la durée de l'accord restant inchangée (cinq ans). Depuis son institution, 25 000 salariés sont partis en préretraite Casa.

L'Union des industries textiles (UIT) aimerait également reconduire, pour deux ans, son accord qui doit s'éteindre en avril prochain. Mais, aucune réponse n'a, pour l'heure, été apportée par le ministère du Travail. L'Union des industries chimiques (UIC) a, elle, essuyé une fin de non-recevoir. L'accord qui prend fin, en décembre 2004, ne pourra pas être reconduit. Au grand dam de la fédération.

Gestion de carrière

Au total, selon une enquête de Towers Perrin, réalisée entre mi-avril et mi-mai dernier, auprès de 30 entreprises françaises représentant plus de 400 000 salariés, les entreprises ne sont pas prêtes à changer d'attitude. Seule une entreprise sur quatre envisage de faire disparaître les préretraites et 29 % jugent nécessaire de maintenir des me- sures individuelles de départ anticipé. Parmi les sociétés interrogées, sept sur dix disposent, en effet, d'un tel programme de départs. « Pour l'heure, la loi Fillon ne change rien. Les entreprises n'ont pas encore repensé leur politique de gestion de carrière vis-à-vis des seniors, indique Philippe Burger, partner chez Towers Perrin. D'ailleurs, beaucoup d'entre elles entendent conserver les mesures d'âge comme moyen de gestion de l'emploi pour faire face à d'éventuelles restructurations. »

De fait, les DRH, soucieux de disposer d'un outil susceptible de les aider, le cas échéant, à « gérer leurs effectifs », ne sont pas prêts à renoncer à la retraite anticipée. Ce dispositif conserve, d'ailleurs, un double avantage. Financièrement, d'abord, les allocations versées aux préretraités Cats ou Casa sont exonérées de charges sociales patronales et salariales, seules s'appliquent la CSG et la CRDS. Socialement, ensuite, la disparition de ces régimes de préretraite est très difficile à faire accepter, les salariés et les syndicats étant parfois tentés de considérer la préretraite comme un droit acquis.

Financement de l'Etat

Du coup, sous la pression, le gouvernement a dû revoir sa "feuille de route". En dépit de ses intentions de remonter le taux d'activité des 55-59 ans, l'Etat continuera de financer sensiblement autant de préretraites cette année qu'en 2003. C'est, en tout cas, ce qu'indique la loi de Finances 2004. Les entrées dans le dispositif Cats, soumises à des conditions de pénibilité, augmenteront légèrement, de 9 000 en 2003 à 10 000 en 2004. Le dispositif d'AS-FNE est maintenu avec 7 000 départs budgétés comme en 2003. Preuve que les préretraites ne sont pas totalement mises à l'index.

L'essentiel

1 La loi sur les retraites, votée en août dernier, durcit les conditions d'accès aux préretraites.

2 Mais, avec la multiplication des plans sociaux, les départs anticipés ont le vent en poupe : le dispositif Cats (cessation anticipée d'activité de certains travailleurs salariés) a connu une progression de +122,5 % en 2002 par rapport à 2001, selon le ministère du Travail.

3 Socialement, la disparation de ces régimes est très difficile à faire accepter, les salariés et les syndicats étant parfois tentés de considérer la préretraite comme un droit acquis.

Les nouvelles dispositions

Préretraites Cats (Cessations anticipées d'activité de certains travailleurs salariés) ou Casa (Cessations anticipées des salariés âgés). La loi sur les retraites prévoit un recentrage sur les salariés exerçant des métiers pénibles (postés, à la chaîne, de nuit) ou dans le cadre d'un plan social. La prise en charge partielle par l'Etat ou par le Fonds national de l'emploi (ASFNE) de l'allocation (65 % du salaire brut antérieur) n'intervient qu'à partir du 57e anniversaire du salarié et se poursuit jusqu'à l'âge où il réunit les conditions de validation d'une retraite à taux plein, dans la limite de 65 ans maximum. La loi limite les exonérations de char- ges sociales à ces deux dispositifs.

Préretraites progressives : le dispositif de PRP est supprimé à compter du 1er janvier 2005. Les conventions conclues avant cette date continueront à produire leurs effets.

Préretraites maison : l'article 17 met à la charge des employeurs ayant recours aux préretraites d'entreprise une contribution spécifique, de 23,85 % des allocations versées le 1er juin 2008 (12 % pour l'année 2004, puis augmentation de 2,5 points par an pour atteindre 23,85 % en 2008). Cette contribution est affectée au Fonds de solidarité vieillesse.

Contribution Delalande : les entreprises embauchant un candidat de plus de 45 ans seront exonérées de son paiement si elles le licencient à plus de 50 ans.

BNP-Paribas utilise toujours les préretraites maison

Le Plan d'adaptation de l'emploi (PAE) de BNP-Paribas prévoit encore 1 000 départs en préretraite pour la période 2004-2005. Mais, contrairement aux années précédentes, ces départs anticipés ne concerneront que les salariés âgés de 58 ans et demi (au lieu de 57 ans), justifiant de trente ans de maison. « La taxe instaurée par la loi Fillon est certes dissuasive, explique Jean-Pierre Coiffé, de la DRH groupe. Cependant, les préretraites sont complémentaires des départs aidés (pour création d'entreprise, projet personnel ou professionnel), et correspondent à une vraie demande de la part des collaborateurs. »