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« Dans l'entreprise, l'enjeu majeur n'est pas celui de la religion »

SANS | publié le : 24.02.2004 |

E & C : Alors que le débat sur le port des signes religieux à l'école a mobilisé l'opinion, le monde du travail semble globalement épargné. Pourquoi ?

K. H. : Les anciennes générations de musulmans pratiquants embauchés dans les années 1970 ne posent pas la question de la religion sur le lieu de travail. Dieu impose une mise à l'épreuve de leur foi, une forme de mortification. Ils ne souhaitent donc pas forcément demander des aménagements, d'autant moins à un chrétien ou à un athée. Dans l'entreprise, l'enjeu majeur n'est pas celui de la religion. Les enfants français d'origine musulmane revendiquent un acquis social plus que religieux : l'égalité de traitement, c'est-à-dire l'abandon de toute discrimination.

Sur ce terrain social, il faut d'ailleurs inscrire les débats actuels dans l'histoire et se souvenir que la France a une longue tradition du contrat de travail pour les musulmans. Lorsqu'elle était encore une puissance coloniale, il existait une forme d'apartheid, avec des contrats spécifiques pour les musulmans, y compris sur le territoire métropolitain. La France a construit sa tradition dans ce domaine sur un contrat colonial dans lequel l'inégalité était la règle.

E & C : Pourquoi la France éprouve-t-elle aujourd'hui tant de difficultés sur ce sujet des discriminations, dans le monde du travail en particulier ?

Certains mécanismes de raidissements culturels sont à l'oeuvre. Ici, les choses sont restées dans l'oralité, comme toute sorte de petits aménagements dans les entreprises. Les Anglo-saxons et certains de nos voisins européens gèrent ces problèmes avec une facilité déconcertante pour nous. En Grande-Bretagne, on cherche à assurer non pas une égalité des chances, mais une égalité de traitement en fonction des spécificités, par le droit et le contrat. On a mesuré ce que peut être le phénomène de discrimination, on en a inscrit les détails dans le droit du contrat de travail, on a missionné une commission chargée de veiller à cette égalité de traitement, et qui peut être facilement saisie. Les Britanniques ont aussi aménagé la charge de la preuve ; l'employeur doit être en mesure de prouver qu'un refus d'embauche ou de promotion n'est pas discriminatoire. Il ne s'agit pas de principes, mais d'outils faits pour restaurer une libre concurrence. Résultat : 2 000 procès par an depuis 1976, et des sanctions lourdes.