logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

Les femmes, oubliées des politiques de prévention

SANS | publié le : 10.02.2004 |

En France comme presque partout en Europe, les politiques de santé au travail et de prévention des risques professionnels ne prennent pas en compte les spécificités des femmes.

Les femmes sont-elles les grandes oubliées des politiques de santé au travail ? C'est la conclusion de l'ouvrage consacré à la santé des femmes au travail en Europe du Bureau technique syndical (BTS) de la Confédération européenne des syndicats (CES). En cause : la division du travail entre hommes et femmes. « Les métiers qui réclament un engagement basé sur la force, l'effort physique ou la prise de risques sont encore traditionnellement exercés par des hommes, comme, par exemple, les métiers du bâtiment. Or, dans ces métiers, les atteintes à l'intégrité physique du salarié sont immédiatement visibles. C'est pourquoi les priorités des politiques de santé et de prévention des risques au travail vont aux activités et aux secteurs spécifiquement masculins. Conséquence : les risques encourus par les femmes sont soit ignorés, soit sous-estimés », explique Laurent Vogel, auteur et chargé de recherche au BTS.

Risques moins visibles

Au cours de son enquête, le BTS a examiné plus de 150 questionnaires axés sur une description des recherches et des pratiques existantes, adressés à des acteurs de la santé au travail : institutions scientifiques, comme l'INRS en France, autorités administratives, comme l'inspection du travail, acteurs internes aux entreprises, tels que les organisations syndicales, services de prévention ou encore médecins du travail. La plupart évoquent la santé des femmes au travail, avant tout sous l'angle de la grossesse et de la maternité. « On imagine que c'est à ce seul moment que les femmes sont susceptibles d'encourir des risques spécifiques dans leur vie professionnelle. En fait, les atteintes à l'intégrité corporelle des femmes sont moins immédiates et moins visibles que pour les hommes. Au point qu'elles passent inaperçues », commente Laurent Vogel.

Pourtant, elles existent. « Les femmes peu ou pas diplômées sont les salariés qui exercent les travaux les plus contraires au fonctionnement humain, à savoir, des travaux répétitifs sous cadence, donc sous contrainte de temps. Ce sont, par exemple, les postes d'ouvrières spécialisées dans l'agroalimentaire, le textile ou encore le montage de composants électroniques, où les pathologies ostéo-articulaires des mains et des avant-bras sont courantes », explique Philippe Davezies, ancien médecin du travail et enseignant-chercheur au Laboratoire de médecine du travail de l'université de Lyon-1. Selon lui, les postes de travail ouvriers occupés par des femmes seraient soumis à davantage de contraintes que des postes similaires occupés par des hommes.

Facteurs psychosociaux

Dans la grande distribution, le commerce ou dans les métiers de la santé, du social et de l'éducation, les atteintes à la santé liées aux facteurs psychosociaux du travail restent, elles aussi, invisibles. D'ailleurs, elles sont quasiment absentes des listes de maladies professionnelles, qui reflètent d'abord des expériences de travail masculines. « En Grande-Bretagne, moins de 10 % des personnes qui se voient reconnaître le caractère professionnel d'une maladie sont des femmes », indique Laurent Vogel. « En France, dans les statistiques d'accidents du travail et de maladies professionnelles, hommes et femmes ne sont pas différenciés. C'est dommage, ce serait certainement très instructif », déplore Philippe Davezies.

D'une manière générale, les connaissances sur la dimension de genre dans la santé au travail sont encore réduites, hormis en Suède, au Danemark et en Finlande, où les études sur ce thème intègrent cette dimension depuis quinze ans. Dans les entreprises et les branches professionnelles, la question est ignorée. « Dans la négociation collective, les partenaires sociaux sont presque tous des hommes », note Laurent Vogel. En Espagne, la filière de la métallurgie en a récemment pris conscience. Des séminaires ont, ainsi, été organisés pour permettre à des femmes d'exposer à leurs délégués syndicaux leurs propres perceptions des risques encourus au travail.

L'essentiel

1 Les femmes ne sont pas prises en compte dans les politiques de prévention des risques professionnels. Telle est la conclusion d'une étude menée dans les quinze pays de l'Union européenne par la Confédération européenne des syndicats (CES).

2 A de rares exceptions près (Suède, Danemark, Finlande), les connaissances sur la dimension de genre dans la santé au travail sont encore très réduites.