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Un feuill eton judiciaire de plus de trois ans

SANS | publié le : 03.02.2004 |

Depuis mars 2001, le groupe Danone n'en finit pas de devoir justifier du plan de restructuration de sa branche "biscuit" devant les juges.

Lorsque le groupe Danone a lancé la restructuration de sa branche "biscuit", il ne se doutait pas qu'elle serait encore soumise à l'appréciation des juges près de trois ans plus tard. L'affaire remonte au 29 mars 2001. Danone annonce, alors, à l'occasion d'un comité de groupe, à Genève, son projet de restructuration de sa filiale LU, prévoyant, entre autres, la fermeture des sites français de Calais (62) et de Ris-Orangis (91). Au total : 794 salariés sont menacés.

La procédure s'enclenche, mais c'était sans compter certaines résistances, en particulier celles de la CGT-Agro, des élus du comité central d'entreprise (CCE) et des comités d'entreprise de LU-France, qui interpellent la justice en décembre 2001.

Nombreux motifs

Leurs motifs sont nombreux. Il y aurait, tout d'abord, un délit d'entrave. Les membres du CCE dénoncent, ainsi, le silence de la direction concernant ses intentions lors des consultations pluriannuelles sur l'évolution de l'emploi et des qualifications, en 2000, alors que Le Monde révèle, dans un article publié en janvier 2001, un projet de restructuration. Puis, la procédure serait entachée d'irrégularités en matière de consultation des CHSCT, précisément celles des sites de Cestas (33) et de La Haye-Fouassière (44), qui n'ont pas été mis au courant des transferts d'activités les concernant. Enfin, et surtout, ce projet n'aurait pas de justification économique. « D'entrée, nous avons porté le débat sur le fond : peut-on licencier quand on est une entreprise qui réalise des bénéfices ? », explique Patrick Régnier, de l'intersyndicale LU et délégué CFTC.

L'affaire tourne court : le 18 février 2002, le tribunal de grande instance d'Evry (91) déboute le CCE de sa plainte, une décision qui sera confirmée par la cour d'appel de Paris, onze mois plus tard.

Quelques mois après, la CFTC décide de reprendre l'affaire et assigne la filiale de Danone devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer (62). « On a tout remis à plat, déniché d'autres vices de procédure et l'on est bien décidé, chiffres à l'appui, à faire valoir l'absence de motif économique », prévient Patrick Régnier. Cette fois, c'est Me Brun qui représente le syndicat demandeur. L'avocat est, désormais, connu des employeurs. Et pour cause, il a fait annuler, en octobre dernier, en appel, le plan de sauvegarde de l'emploi de Wolber (Michelin).

Procédure nulle

« Pour pouvoir et devoir réaliser un plan de sauvegarde de l'emploi, il faut un motif économique. L'article 321-1 du livre iii en définit les causes. A défaut, la procédure est nulle et dépourvue d'effet, avance Me Brun. Lorsque l'on sait que LU-France produit 19 % des tonnages, réalise 32 % du chiffre d'affaires et 45 % du résultat net du groupe, la preuve est faite que le taux de productivité d'un salarié LU-France est de 600 % supérieur à celui d'un salarié non européen du groupe et 35 % supérieur à celui d'un salarié européen. Expliquez-moi la pertinence d'une restructuration qui supprime des emplois là où l'efficacité est la plus grande. »

Mais le TGI de Boulogne-sur-Mer a préféré botter en touche, en invoquant la fermeture du site de Calais et donc sa non-légitimité territoriale. Au TGI d'Evry, dont dépend le siège de LU-France, de se prononcer, « pendant le printemps », selon Patrick Régnier.

Qu'importe ce contretemps, « cette première confrontation devant la justice a fait office de tour de chauffe », déclare, serein, Me Brun. Confiant également, le groupe agroalimentaire, qui fait valoir, depuis l'annonce du projet de fermeture des sites, plus d'une centaine de réunions de CCE et de CE et un plan économique et social déjà juridiquement validé. Cela n'empêche pas la direction du groupe Danone de dénoncer l'acharnement judiciaire. Accusation injustifiée, selon Philippe Brun : « C'est la première fois que j'attaque Franck Riboud. »

DANONE

> Secteur d'activité : agroalimentaire.

> Effectifs : 92 209 salariés dans le monde, en 2002, dont 12 236 en France.

> Plan social : 794 salariés concernés.

L'affaire LU en quelques dates

- 11 janvier 2001 : un article paru dans Le Monde révèle une prochaine restructuration du pôle "biscuit".

- 29 mars 2001 : annonce officielle de la restructuration.

- 18 février 2002 : le TGI d'Evry rejette la procédure d'annulation du CCE.

- Janvier 2003 : le CCE est débouté par la cour d'appel de Paris.

- Mars 2003 : fermeture des usines de Calais et de Ris-Orangis.

- 2 décembre 2003 : le TGI de Boulogne-sur-Mer se déclare incompétent et renvoie le dossier au TGI d'Evry.

- Fin 2003 : 68 % des salariés sont reclassés ou ont mis en oeuvre un projet personnel.