logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

Le poids de l'histoire

SANS | publié le : 20.01.2004 |

Paternalisme, syndicalisme officiel et sans pouvoir de négociation, absence de représentation des salariés : le modèle hérité des grandes entreprises d'Etat continue de peser lourd.

La structure des entreprises chinoises commence tout juste à évoluer. Les sociétés d'Etat sont appelées à connaître de profonds bouleversements avec l'entrée de capitaux privés. Mais le mouvement est lent, tant les restructurations sont coûteuses pour l'emploi.

A côté de ces sociétés, se développe un secteur privé, toujours sans reconnaissance ni protection dans la Constitution chinoise. Il représenterait - entreprises étrangères cependant comprises - 35 % à 40 % de la production industrielle.

Dans les sociétés d'Etat comme dans le privé, la réforme du management des ressources humaines en est à ses prémices. La situation qui prévalait depuis 1949 était celle de l'emploi à vie. Tout, de l'attribution d'un logement à l'autorisation de mariage, était régi par l'unité de travail (danwei). La permission de l'employeur pour convoler en justes noces vient seulement d'être levée à Shanghai ! Les rémunérations peu élevées étaient compensées par des primes et des avantages en nature aujourd'hui drastiquement réduits.

Paternalisme

Gilles Guiheux, le directeur du Centre d'études français sur la Chine contemporaine, note la persistance d'une forme de "paternalisme" dans des sociétés privées, anciennes entreprises collectives, situées dans des régions isolées. Indice du changement cependant en cours : le recrutement en contrat à durée déterminée par les sociétés d'Etat.

La gestion administrative du personnel demeure la norme. « Le secteur privé est davantage orienté vers l'évaluation individuelle, mais il n'existe généralement pas de réelle structure RH », résume Stella Hou, du cabinet Hewitt à Shanghai.

Le Parti toujours présent

Les augmentations de salaire demeurent collectives. Dans les entreprises, l'emprise de l'appareil politique se fait encore sentir au travers de la présence d'un membre du Parti, qui joue de son pouvoir dans le recrutement à des postes hiérarchiques élevés. Les salariés sont représentés par un seul syndicat, officiel, qui n'a pas de pouvoir de négociation. Représentant du syndicat et responsable des ressources humaines sont, d'ailleurs, parfois, une seule et même personne ! Ainsi, en cas de licenciements collectifs, de plus en plus fréquents dans les sociétés d'Etat au bord de la faillite, il n'existe pas de contre-pouvoir favorable au personnel. Et ce système n'a rien perdu de sa rigidité, comme le montre l'arrestation, en décembre dernier, de salariés d'une entreprise d'artillerie. Ils encourent jusqu'à cinq ans de prison pour avoir formé un groupe de défense d'employés licenciés.

Stratégies de management occidentales

- Les entreprises étrangères sont face à des modes de management déterminés par un fort respect de la hiérarchie et un esprit d'initiative entravé par l'idée de conformité au groupe. « Nous retrouvons les problèmes classiques d'interculturalité qui mènent à des incompréhensions, note Bernard Ganne, du Groupe lyonnais de sociologie industrielle (université Lyon-2). Par exemple, contrairement à la pratique française, la réunion de travail chinoise est souvent exhortative. Elle ne laisse pas de place au débat, mais a pour fonction de rappeler au groupe ses objectifs. » Le sociologue du CNRS, qui a suivi l'implantation de PME françaises en Chine, nie l'existence de recettes : « Les entreprises qui réussissent le mieux sont sans doute les plus pragmatiques. Une organisation souple permet de saisir les opportunités sans idée préconçue, tout en tenant compte des particularités locales. Shanghai n'a rien à voir avec une ville de l'Ouest. »

- Dans ce contexte, L'Oréal, implantée à Shanghai et dans sa région, met l'accent sur la diffusion de la culture maison et sur un mode de management à l'occidentale, tout en s'adaptant aux spécificités locales. Les recrues chinoises sont choisies en fonction de leur potentiel d'« autonomie, de créativité et d'autodiscipline ». Les managers sont évalués, notamment, sur leur capacité à s'adapter à une forme d'organisation qui peut laisser perplexes des salariés habitués à travailler dans un environnement encadré. Ann He, la responsable formation Chine, reconnaît que l'adaptation à une telle structure demande « davantage de temps, mais est, au final, plus stimulante ».