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Le casse-tête des reclassements

SANS | publié le : 13.01.2004 |

France Télécom, Giat Industries, DCN : ces trois entreprises publiques engagées dans une politique de réduction d'effectifs négocient le départ de leurs salariés de droit public et leur intégration dans les administrations de l'Etat et dans les collectivités. Avec plus ou moins de réussite.

Ils sont 105 200 fonctionnaires chez France Télécom, 550 fonctionnaires détachés et 3 100 ouvriers sous décret chez Giat Industries, 3 000 fonctionnaires et 10 400 ouvriers d'Etat à la DCN (Direction des chantiers navals) : ces personnels, dont le maintien dans l'emploi est garanti par leur statut, compliquent la tâche des directions de ces entreprises qui cherchent à réduire leurs effectifs.

Chez France Télécom, qui ne recrute déjà plus de fonctionnaires depuis 1997, les derniers agents bénéficiant de ce statut ne partiront à la retraite qu'en 2035. L'entreprise cherche, aujourd'hui, à accélérer le mouvement. En 2003, l'opérateur s'est séparé de près de 700 agents. Ils seront, ainsi, plusieurs milliers à être encouragés par la direction à rejoindre d'autres administrations dans les prochaines années.

Négociations chez Giat

Engagé dans un plan de restructuration, Giat Industries, société depuis 1990, prévoit 3 750 suppressions de poste sur un total de 6 250. Son plan de sauvegarde de l'emploi, suspendu depuis le 20 octobre dernier, sur décision du TGI de Versailles, fait encore l'objet de négociations. Au total, 450 fonctionnaires détachés et 1 200 ouvriers sous décret quitteraient l'entreprise, les autres licenciements concernant les ouvriers de droit privé. La DCN devenue entreprise nationale de droit privé le 1er juin 2003, poursuit un objectif de 800 départs d'ouvriers d'Etat, de fonctionnaires détachés et de contractuels.

L'exercice peut se révéler délicat alors que « le gouvernement s'est fixé comme objectif de restreindre le coût de ses administrations en réduisant leurs effectifs, note Bernard Lhubert, secrétaire général de l'Union CGT des fédérations de fonctionnaires. Quant à la fonction publique territoriale, elle s'apprête à absorber des dizaines de milliers de fonctionnaires de l'Etat dans le cadre de la décentralisation. »

Espaces d'information chez France Télécom

C'est chez France Télécom que le dossier avance le plus vite. L'entreprise a mis en place, en juin dernier, des espaces d'information mobilité et s'appuie sur deux structures externes : la délégation interministérielle aux restructurations et une mission mobilité créée auprès du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Celle-ci est l'artisan de deux conventions avec les ministères de l'Education nationale et de l'Equipement (lire page 28) et a engagé des discussions avec le CSFPT (Conseil supérieur de la fonction publique territoriale). « Ce qui n'engage en rien les collectivités et leur président, rappelle Evelyne Boscheron, représentante CGT au CSFPT. L'article 72 de la constitution garantit leur libre administration. Cela dit, elles sont confrontées à des difficultés de recrutement et certains élus ont déjà fait état de leurs besoins, notamment en ingénieurs. » « Tout dépendra des profils disponibles, remarque François Descamps, attaché de communication auprès de la présidence du CSFPT. Les collectivités seront intéressées par des profils techniques, des spécialistes des technologies de l'information, des réseaux de fibre optique, de télévision locale ou du génie civil. »

Convention signée avec le CNFPT

France Télécom a également signé une convention avec le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale). « Nos délégations régionales travaillent avec les responsables mobilité de France Télécom pour les informer sur les métiers dans la FPT. Ultérieurement, nous pourrions envisager d'informer en direct les personnels et nous prévoyons également d'ouvrir aux cadres de France Télécom la bourse à l'emploi que nous réservons à nos cadres », explique Claire Cornet, directrice générale adjointe du CNFPT, chargée de l'emploi. Selon elle, le CNFPT a, pour le moment, reçu peu de demandes d'informations de la part des collectivités, « hormis celles qui abritent un site de Giat Industries, avec qui une convention similaire a été signée ».

A la Défense, le travail de partenariat semble moins systématique. « La direction n'anticipe pas, dénonce Yannick Perronet, délégué syndical CFDT de la DCN. Les postes disponibles ne sont pas affichés, alors que nous avions demandé leur recensement par bassins d'emploi et par compétences. » « Nous avons mis en place un espace information dans chacun de nos neuf sites. Il est chargé d'accompagner individuellement les salariés candidats au départ, se défend Philippe Caillard, qui dirige le projet Plan d'évolution des effectifs de la DCN. Des pistes existent au ministère de la Défense, où de nombreux agents vont partir à la retraite, sans compter le transfert de certaines activités militaires au civil. » A ce jour, 200 fonctionnaires détachés et agents contractuels et une centaine d'ouvriers d'Etat, principalement des établissements de Brest, Toulon et Cherbourg, ont déjà quitté la société. La plupart ont rejoint la Marine, quelques autres sont entrés à la DGA (Direction générale de l'armement). « La plupart sont restés dans leur bassin d'emploi d'origine », précise Philippe Caillard.

Dispositif For-Mob

Les candidats au départ bénéficient, par ailleurs, du dispositif interministériel ForMob (Formation-Mobilité), qui prévoit des aides financières en cas de changement de résidence administrative et/ou familiale, au-delà de 20 km, et des formations d'adaptation. Ce dispositif s'appliquera également aux salariés de Giat Industries. Là aussi, les syndicats s'inquiètent du nombre, de la nature et de la localisation des postes qui seront proposés. Dans son plan suspendu, la direction faisait état d'une offre de 1 400 postes pour les ouvriers sous décret et de 888 pour les fonctionnaires détachés. « Les postes proposés se situent, pour la plupart, à plusieurs dizaines de kilomètres des usines de Giat. Par exemple, sur la Loire, nous avons listé 49 postes dits de proximité basés à... Lyon ! », note Jean-Pierre Brat, délégué syndical central CGT de Giat Industries. « Il faut également que les postes proposés correspondent aux compétences des personnels concernés. Reclasser un tourneur fraiseur hautement qualifié en serveur au mess, ça ne passera pas ! », prévient André Golliard, délégué syndical central CFDT de Giat. Réponse du ministère de la Défense : « On y verra plus clair au cours du premier semestre 2004. Nous cherchons à identifier les postes vacants dans la fonction publique territoriale par l'intermédiaire des préfets des bassins d'emploi concernés », indique François Le Pulo'ch, adjoint au directeur de la fonction militaire et du personnel civil.

Difficultés techniques

Quelles que soient les solutions retenues, la mobilité de ces agents vers l'Etat ou vers la fonction publique territoriale ou hospitalière s'accompagne de difficultés techniques. Les personnels concer- nés ne sont pas prêts à accepter une diminution de salaire. France Télécom s'est, ainsi, engagée à le maintenir en finançant le différentiel jusqu'à ce que le fonctionnaire ait retrouvé son niveau de rémunération antérieur par le jeu de l'avancement. « Les salaires de la fonction publique sont inférieurs de 25 %, en moyenne, précise Jean-Pierre Brat, de la CGT chez Giat. C'est pourquoi nous réclamons la création, dans la fonction publique d'Etat, d'une allocation temporaire dégressive et la revalorisation de celle qui existe dans la FPT. » Autre difficulté : éviter, sur les postes ouverts à l'avancement, une mise en concurrence entre ces personnels reclassés et les agents en fonction. « Il faut veiller à ce que ces retours, s'ils devaient être massifs, ne perturbent pas l'évolution normale des fonctionnaires en poste dans leurs administrations ou collectivités », note Marie-Claude Karvella, secrétaire générale de l'Union CFDT des fédérations des fonctions publiques et assimilés.

Elle met également en garde contre les difficultés d'ordre administratif dans le cas d'un passage d'une fonction publique à une autre. « D'expérience, nous savons que la transmission des dossiers administratifs peut prendre des mois, ce qui retarde d'autant le paiement des salaires. Le passage d'une caisse de retraite à une autre peut aussi générer de grandes difficultés. » France Télécom, Giat et la DCN n'en ont pas fini avec le casse-tête des reclassements.

L'essentiel

1 France Télécom, Giat Industries et DCN, qui ont annoncé d'importantes réductions d'effectifs, cherchent des solutions de reclassement dans les administrations de l'Etat et les collectivités territoriales.

2 France Télécom a engagé des discussions avec le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et a conclu deux conventions avec les ministères de l'Equipement et de l'Education nationale.

3 Les personnels de Giat Industries et DCN dénoncent le manque d'anticipation de leurs directions et s'inquiètent du nombre, de la nature et de la localisation des emplois qui seront proposés.

Giat : les hypothèses

- Ouvriers sous décret. Ces anciens ouvriers d'Etat, qui ont conservé leur statut lors de la transformation du Giat en société, en 1990, se verront proposer quatre possibilités d'emploi, dont l'une au ministère de la Défense et une autre au sein des autres administrations ou de la fonction publique territoriale ou hospitalière, comme agent non titulaire de droit en CDI. Ils continueront à bénéficier du régime des pensions d'ouvriers d'Etat, mais perdront leurs autres garanties statutaires.

- Fonctionnaires détachés. Ils seront réintégrés au sein du ministère de la Défense. Ils peuvent également postuler auprès d'une autre administration.

DCN : le sort réservé aux...

- Ouvriers d'Etat. Ils peuvent revenir à tout moment au sein du ministère de la Défense ou continuer à travailler à la DCN jusqu'à leur retraite, dans le cadre d'une mise à disposition sans limitation de durée, sauf s'ils optent volontairement pour un contrat de travail relevant de la convention collective de la métallurgie applicable à la DCN. Leur situation est inchangée en matière de salaires, d'indemnités et de régime social. Un dispositif d'indemnité de départ volontaire (IDV) est proposé aux ouvriers d'Etat âgés de plus de 53 ans exerçant un métier de support, non stratégique pour l'entreprise. L'IDV peut atteindre 91 000 euros pour trente ans de carrière ; 1 000 personnes pourraient partir dans le cadre de ce mécanisme.

- Fonctionnaires détachés. Ils sont mis à disposition durant une période maximale de deux ans, jusqu'au 31 mai 2005. Au-delà, ils pourront continuer à servir au sein de la DCN dans le cadre d'un CDI, en conservant toutes leurs garanties statutaires dans le cadre d'un détachement renouvelable, sans limitation de durée. La société pourra également proposer un contrat dans le cadre de la convention collective aux personnels qui le souhaitent, et qui se placeront, dans ce cas, en situation de disponibilité.

- Contractuels. Ils sont également mis à disposition de la société pour une durée de deux ans. Au-delà, ils se verront proposer un CDI. S'ils l'acceptent, ils pourront bénéficier, durant un an, d'un congé pour convenance personnelle dans le cadre de leur actuel contrat de droit public, ce qui leur permettra éventuellement de reprendre une activité au sein du ministère de la Défense à l'issue du délai d'un an. En outre, pendant une période de cinq ans à compter de leur recrutement par la société, ils auront la possibilité de revenir sur un emploi vacant correspondant à leur qualification dans un établissement du ministère de la Défense susceptible de les accueillir.

- Les fonctionnaires détachés et les contractuels qui refuseraient le CDI proposé par la DCN à l'issue de la période de mise à disposition se verront proposer trois affectations dans un service de l'Etat.