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Attention au délit d'entrave !

SANS | publié le : 06.01.2004 |

Rien n'interdit à un employeur de consulter ses salariés par voie référendaire, dès lors qu'il ne porte pas atteinte aux prérogatives des instances représentatives du personnel.

En 1996, l'établissement Kleber Pneumatiques de Troyes souhaite réorganiser la pause de ses ouvriers en début et en fin d'équipe. Les syndicats s'y opposent, estimant qu'elle doit leur être accordée en cours de poste. Devant cette divergence de vue, le directeur de l'usine adresse un courrier à chacun des 1 363 salariés, dans lequel il présente les deux formules, en précisant, toutefois, qu'une coupure en milieu de poste occasionnera une perte de salaire. A la lettre est joint un coupon-réponse pour cocher l'option choisie. Sans surprise, le comité d'établissement et la CGT déposent plainte pour délit d'entrave, reprochant à la direction d'avoir substitué le référendum à la consultation des représentants du personnel sur une disposition - la perte de salaire - qui les regardait de plein droit. La cour d'appel de Reims, puis la Cour de cassation leur donneront raison, le 11 janvier 2000. « Classique, réagit Me Agnès Cloarec-Mérendon, du cabinet Latham & Watkins. Quelle que soit la bonne volonté du chef d'entreprise, il doit veiller, lorsqu'il questionne les salariés en dehors des cas légaux (protection sociale complémentaire et épargne salariale, NDLR), à ne pas porter atteinte au monopole syndical de consultation. »

Spécialistes méfiants

Elle n'est pas la seule spécialiste du droit du travail à se méfier du référendum, lorsque celui-ci est à l'initiative de l'entreprise. « Les interlocuteurs légaux ne peuvent pas être contournés, renchérit Me Laurent Guardelli, du cabinet Proskauer Rose. Ce sont eux qui doivent avoir la primeur de l'information. S'ils considèrent que la direction tente de les disqualifier, ils ne manqueront pas d'en alerter les juges. »

Un employeur prend donc un risque à vouloir consulter ses salariés. Le jeu en vaut-il la chandelle, surtout lorsque l'on sait que le résultat des suffrages n'aura qu'une valeur consultative et non contractuelle ? Autrement dit, « en dehors des quelques cas où la loi accorde une valeur particulière aux référendums, l'employeur n'est nullement lié par les conclusions d'un vote, qui, en plus, n'ont aucune incidence juridique sur un accord », précise Philippe Thomas, avocat et associé du Cabinet Lovells.

Pas de portée juridique

Cette absence de portée juridique explique sans doute la pratique peu répandue du référendum dans les entreprises. Faut-il, pour autant, abandonner l'idée de donner la parole aux salariés ? La loi organise (*) le droit d'expression directe des salariés pour ce qui concerne le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail.

Les juristes notent, toutefois, certaines circonstances dans lesquelles le recours au référendum est envisageable. « Dans le cadre, par exemple, d'une décision unilatérale, pour laquelle le CE n'est pas consulté, l'employeur peut souhaiter connaître l'avis de ses salariés », avance Philippe Pacotte, avocat chez Latham & Watkins. « Il peut aussi chercher l'adhésion à un projet, si son entreprise ne dispose ni de représentants syndicaux ni d'élus », ajoute Laurent Guardelli.

Relation de confiance

Enfin, un référendum peut donner une meilleure assise à un accord, « à condition qu'il règne une relation de confiance entre la direction et les représentants du personnel, avertit Agnès Cloarec-Méréndon. Quoi qu'il en soit, il est préférable d'organiser, en amont d'une négociation, la distribution d'un questionnaire qui aura été soumis, au préalable, à l'avis du CE, en précisant aux salariés qu'il ne s'agit là que de l'esquisse d'un projet ». La suite appartenant, évidemment, aux acteurs traditionnels de la négociation collective !

(*) L 461-1 du Code du travail.

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