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Une génération sacrifiée ?

SANS | publié le : 23.12.2003 |

Les quadras d'aujourd'hui ont joué à cache-cache avec la croissance. Sauf exceptions, la démographie et les cycles économiques n'ont guère favorisé leur progression de carrière. Certains se montrent démotivés ou même amers.

«Ils n'ont pas choisi le bon moment pour être jeunes » : pour Jean-Marie Perretti, professeur à l'Essec et à l'IAE de Corte, la génération des quadragénaires actuels n'a pas eu la vie professionnelle facile. Leurs aînés, les baby-boomers, ont, eux, profité de la fin des Trente Glorieuses, période d'expansion continue de l'activité. Leurs carrières se sont accélérées très rapidement, jusqu'à des fonctions élevées de management.

Sort moins enviable

« Le sort des quadragénaires, nés entre 1953 et 1963, est bien moins enviable, analyse Jean-Marie Perretti. Les premiers ont intégré les entreprises en 1973-1974. C'est le commencement de la crise pétrolière. Leurs débuts sont difficiles, leur évolution de carrière ralentie. Les derniers arrivent en 1982-1983, dans le contexte des contrats de solidarité (préretraite contre recrutement). Même pour les diplômés, beaucoup arrivent par grandes vagues de recrutement. On multiplie les séminaires d'intégration. Ils ne bénéficient plus du phénomène de rareté qui caractérisait les générations précédentes. »

Ambition figée

Cette tranche d'âge a donc manqué ses rendez-vous avec l'histoire économique. Ainsi, quand les jeunes quadragénaires d'aujourd'hui ont eu accumulé une expérience de jeunes cadres, la crise de 1991 a cueilli les entreprises de plein fouet et figé les ambitions. La croissance a repris de plus belle, en 1997-1998, ils avaient, alors, déjà une quinzaine d'années d'ancienneté, un peu trop ; et ils étaient déjà un peu trop vieux pour entrer dans les pools d'accélération de carrière, nouveaux dispositifs dédiés aux jeunes hauts potentiels.

« Aujourd'hui, les héritiers de cette vague de recrutement sont souvent des piliers de l'entreprise, dit Jean-Marie Perretti. Ils sont solides, mais ont atteint un plateau de carrière, ne sont pas montés assez vite pour qu'on leur ouvre des perspectives intéressantes. »

Mais la démographie et les cycles économiques ne sont pas les seuls objets du ressentiment de nombre d'entre eux. « C'est vrai que certains d'entre nous se vivent un peu comme les cocus de l'entreprise, explique Christian, 44 ans, cadre dans un groupe international. Le contrat social avec l'entreprise a changé au milieu du gué. » En effet, la relation liant les générations précédentes à leur employeur était simple : la fidélité, l'investissement personnel, en échange de la garantie d'un emploi et d'une carrière ascendante. Et il a été grosso modo respecté, en tout cas pour ceux qui ont échappé aux plans sociaux des années 1990.

Génération mercenaire

Rien de tel pour les trentenaires. Les employeurs ne leur promettent pas une carrière complète, mais eux- mêmes ont intégré cette rupture, sont devenus une génération mercenaire, sachant se vendre, capables de changer de société pour progresser, peu sensibles aux discours d'entreprise et soucieux d'équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

« Entre les deux : les quadras, dont le contrat, en effet, a changé en cours de route, explique Jean-Louis Muller, de la Cegos. On a sollicité leur fidélité et leur loyauté, mais soudain, dans les années 1990, on s'est mis à parler de l'"entreprise de soi-même", les hiérarchies se sont aplaties, limitant les progressions verticales, on a aussi imaginé des carrières transversales. Aujourd'hui, certains sont démotivés, devenus cyniques, recherchent avant tout des progressions de salaire, des périphériques de rémunération, sachant que, dans quelques années, il n'en sera peut-être plus question. »

Sortir de la sphère professionnelle

Pour eux, les stratégies personnelles sont simples : se porter volontaires pour des projets transversaux ou... profiter des 35 heures et s'investir dans la sphère extra-professionnelle. Ou encore sortir de l'entreprise pour évoluer, dès que la conjoncture y sera favorable. Malgré les freins propres à cette période de la vie (crédits immobiliers, doubles carrières, enfants entamant des études), certains s'y sont essayés au moment de la bulle Internet, avec quelques déconvenues. Mais la période de pénurie de compétences qui s'annonce pour toutes les entreprises pourrait leur sourire à l'orée de la cinquantaine.