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Les licenciements pour faute devant les prud'hommes

SANS | publié le : 23.12.2003 |

167 ex-salariés d'Alcatel Optronics veulent faire annuler leur licenciement pour faute. Avant de mettre en place un plan social, cette entreprise avait négocié un départ pour motif personnel avec 373 personnes, au cours de l'année 2002.

Entre janvier et novembre 2002, 373 licenciés pour motif personnel. Sur les sites de Nozay (91) et de Lannion (22), les salariés "à problèmes" auraient représenté près d'un tiers du personnel d'Alcatel Optronics. « C'est simple, on buvait tous », plaisante, avec un peu d'amertume, l'un de ces ex-Alcatel. En réalité, les motifs invoqués allaient de la persistance à être en désaccord sur son évolution de carrière, ou sur l'organisation de son équipe, à des difficultés à maîtriser les nouvelles technologies, en passant par l'incompatibilité d'humeur. Une quinzaine de motifs, « au choix de l'intéressé », précise une ancienne salariée, pour justifier un départ négocié contre un chèque de 15 200 à 22 800 euros.

Licenciements abusifs

« C'est tout simplement une énorme fraude, accuse Me Brun, avocat au barreau de Reims, saisi par un collectif d'anciens salariés. L'employeur s'est largement soustrait à l'obligation de plan social, sans compter le délit d'entrave, les comités d'établissement et le CCE n'ayant pas été saisis de ces cas. » Le 4 décembre dernier, accompagné d'une soixantaine d'ex-Optronics, l'avocat déposait 167 requêtes en licenciement abusif et frauduleux devant le conseil des prud'hommes de Longjumeau (91). Il en demande l'annulation, et des dommages et intérêts s'élevant à environ 76 000 euros pour chacun d'entre eux. La somme n'est pas évaluée au hasard : Me Brun a déjà négocié des indemnités pour d'autres salariés d'Optronics, dans le cadre, cette fois, d'un plan de sauvegarde de l'emploi, comprenant aussi des mesures de reclassement.

Départs à deux vitesses

Philippe Brun, l'avocat qui défend aussi les salariés de Lu contre Danone, et qui a obtenu, cette année, l'annulation du plan social de Wolber, filiale de Michelin (voir Entreprise & Carrières n° 693), commence à découvrir ces licenciements à deux vitesses d'Alcatel Optronics en novembre 2002. A l'époque, il est saisi par le comité central d'entreprise sur un plan de restructuration prévoyant 250 suppressions d'emploi. « Au cours des dix mois précédant cette annonce, 373 personnes ont disparu des effectifs, explique-t-il. Ce sont des salariés jeunes, on leur a dit qu'ils feraient mieux de signer une transaction. »

« Mon chef est venu me voir, se souvient, par exemple, Yann, qui était opérateur à Nozay. "Je te conseille de partir avant le plan social, tu toucheras plus", m'a-t-il expliqué. » L'indemnité pouvait séduire ces salariés ayant une ancienneté de deux à quatre ans. Surtout dans la période difficile que vivaient les deux usines.

A partir d'octobre 2001, des mesures de chômage partiel avaient été adoptées, ainsi que des dispositifs facilitant les congés sans solde, le passage de 3x8 à 2x8 avec une compensation partielle de la prime d'équipe pour ceux qui repassaient en journée, rappelle Véronique Lemonon, alors déléguée syndicale CGT chez Alcatel Optronics. « C'était ensuite plus facile de nous pousser vers la porte, explique Vanessa, qui est partie contre un chèque. On nous a mis le stylo dans les mains, nous étions mûrs. »

Négociation du plan de sauvegarde

Cette avalanche de licenciements individuels va peser lourd dans la négociation du plan de sauvegarde de l'emploi. Alors que la direction s'oppose à la demande d'indemnités échelonnées entre 45 700 euros et 107 000 euros pour les 250 salariés concernés, Me Brun l'assigne devant le tribunal de grande instance de Paris pour annuler la procédure de licenciement en raison des 373 transactions qui ont précédé. La veille de l'audience, prévue le 19 mai 2003, Alcatel Optronics accepte de négocier, et finit par accorder les indemnités demandées et un plan de reclassement de 70 pages.

Exigence proportionnée

Aujourd'hui, ce sont ces conditions fort convenables qui étalonnent la demande d'indemnités déposée par le collectif d'anciens salariés et leur avocat. Une exigence qu'ils jugent proportionnée à la taille et à la puissance de leur ancienne entreprise, et aux conditions d'emploi de ce secteur. Plus, en tout cas, que ce qu'ils avaient accepté en 2002. Sur la soixantaine de personnes présentes devant les prud'hommes de Longjumeau, ce 4 décembre, et qui n'ont pas bénéficié d'aide au reclassement, moins d'une dizaine avaient retrouvé un emploi, « moins payé », disent-elles. Les anciens de Nozay étaient plus représentés que les Bretons. « Mais c'est bien pire là-bas, explique l'un d'eux. Lannion est devenu une friche. »

Contactée, Alcatel, rappelant qu'il s'agit de transactions, ne souhaite pas faire de commentaires. Aujourd'hui, Alcatel Optronics n'existe plus. Elle a été cédée à l'américain Avanex.