Plus de deux ans après l'explosion de l'usine AZF, de nombreux Toulousains souffrant de troubles auditifs n'ont pas encore consulté leur médecin. « Un malentendant ne s'aperçoit pas qu'il commence à perdre de l'audition », a affirmé Jérôme Goust, fondateur de l'Ouïe SARL, lors du colloque "AZF, audition et vie professionnelle", organisé le 3 décembre dernier à Toulouse. Pour mémoire, la puissance de l'explosion de l'usine AZF était équivalente à 40 tonnes de TNT et à un tremblement de terre de 3,4 sur l'échelle de Richter ! Les Toulousains se trouvant dans un périmètre de 1,7 km autour de l'épicentre étaient les plus exposés. Ils ont été victimes à la fois de l'effet de blast (souffle de l'explosion) et de la violence sonore. Le blast provoque un enfoncement brutal de la membrane tympanique, qui se déchire quand la surpression aérienne atteint 50 kiloPascal (kPa). Or, l'Institut national d'évaluation des risques industriels (Ineris) a observé des niveaux variant de 0,3 à 100 kPa dans un rayon de 2,9 km autour de l'usine. Si l'on transforme ces données en pression acoustique, les seuils sonores vont de 144 à 194 décibels (dB). A 120 dB, la douleur se fait sentir, et à 160 dB, les lésions peuvent être irréversibles...

Dans les données des déclarations d'accidents du travail, 18 % des 2 910 lésions décrites concernent des traumatismes ou des troubles de l'audition. Par ailleurs, pendant les neuf semaines suivant la catastrophe, 2 200 personnes ont consulté leur médecin pour des pertes d'audition, des douleurs, des bourdonnements ou une hypersensibilité au bruit. Près de 10 % d'entre elles s'en plaignent encore aujourd'hui. Selon le médecin du travail Françoise Gauthier, l'explosion d'AZF aurait provoqué un vieillissement prématuré du système auditif de centaines de personnes : « J'ai constaté une perte d'audition de 20 à 30 décibels, en moyenne, chez les salariés de l'hôpital psychiatrique Marchand, sans compter les lésions plus graves qui ont nécessité des appareillages. » Lors de l'explosion, 400 salariés étaient présents dans les différents pavillons de l'hôpital situés entre 500 et 1 200 m d'AZF. Une cellule de crise a été constituée dès le lendemain de l'explosion dans les locaux dévastés : sur les 200 salariés qui se sont présentés la première semaine, 80 % décrivaient des symptômes ORL. Un an après, un questionnaire leur a été adressé : 63 % d'entre eux avaient des séquelles auditives et 22 % éprouvaient une gêne professionnelle. Un dépistage systématique de toutes les personnes qui se trouvaient dans un rayon de 700 m autour de l'usine devrait bientôt commencer et permettra de traiter, un peu tard, celles souffrant de troubles auditifs.