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Un partage sans enjeu de la fonction RH est voué à l'échec

SANS | publié le : 09.12.2003 |

La GRH est l'affaire des managers de proximité autant que celle de la DRH. Si le principe est admis, le partage du pouvoir de décision, lui, n'est pas toujours une réalité. Pourtant, il en va de l'efficacité de la fonction RH et de la revalorisation du management de proximité.

E & C : Vous venez de publier une étude intitulée Fonction RH et management de proximité : fausses évidences et vraies questions pour Entreprise & Personnel. Quels sont les prochains enjeux pour les directions des ressources humaines ?

Danièle Gonzalez : Vaste question ! A partir, simplement, du prochain "retournement démographique", trois enjeux se présentent, et concernent aussi bien la GRH que le management. Il s'agira, d'abord, de gérer des carrières plus longues et, donc, de revoir les parcours professionnels ; d'entretenir plus longtemps la motivation ; d'adapter certains postes de travail, etc. Il faudra, également, opérer des transferts de compétences, faire travailler ensemble des jeunes et des moins jeunes et reconsidérer la valeur de l'expérience. Les entreprises devront, enfin, être attractives pour recruter, mais aussi pour retenir leurs colla- borateurs, et savoir répondre à des attentes émanant de générations différentes. C'est pourquoi le mouvement d'individualisation observé, aujourd'hui, en GRH, devrait s'amplifier, rendant encore plus sensible le rôle des managers de proximité.

E & C : Quelle place doit être donnée au management de proximité en matière RH ?

D. G. : Le management de proximité ne constitue pas un ensemble homogène. Il est composé de personnes n'ayant ni les mêmes profils - en termes d'âge, de compétences ou d'histoire professionnelle - ni les mêmes métiers, ni, enfin, les mêmes conditions d'exercice selon l'organisation et la culture d'entreprise dans laquelle elles évoluent. Leur seul point commun est d'être le dernier échelon de la pyramide hiérarchique. Au regard de ces différences, il serait vain de leur définir un rôle RH dans l'absolu. En revanche, ces différents éléments font partie des critères pour aborder la question du partage de la fonction RH. Ce partage n'est, d'ailleurs, pas une fin en soi et le sujet à traiter est moins celui de la responsabilisation des managers aux RH que celui de l'efficacité de la fonction RH dans un contexte donné. La question centrale résidant, bien entendu, dans celle du pouvoir de décision. Transférer des outils, des informations, des tâches ou des compétences, sans partager la décision, c'est opérer un partage sans enjeu pour les managers, et donc voué à l'échec.

E & C : Quelles sont les mauvaises habitudes dont doivent se défaire les DRH ?

D. G. : J'en vois au moins deux. Celle, renforcée par la mise en place de nouveaux outils informatiques, consistant à vouloir que les managers de proximité fassent tout : l'administration, la gestion, l'animation, le développement des RH... Or, que se passe-t-il quand on leur demande l'impossible ? Ce sont, au final, les managers qui font les arbitrages selon leurs propres enjeux locaux, dans une vision à court terme, et non dans une approche globale d'entreprise. Autre tendance à surveiller : celle qui consiste à considérer que la gestion des RH se limite aux processus pilotés par la DRH, par exemple le recrutement, le plan de formation ou les décisions annuelles de rémunération. Ces processus ne sont que la partie émergée de l'iceberg. La partie immergée, hors du regard de la DRH, se compose de tous les actes ordinaires du management au quotidien (les réunions techniques, la répartition du travail...), qui, sans en porter l'étiquette, ont cependant un impact considérable sur les RH. Si la DRH ne veut pas rester à la surface des choses, il lui faudra intervenir dans les pratiques réelles de management. En d'autres termes, si les managers de proximité doivent s'intéresser à la gestion des RH, les DRH doivent aussi s'intéresser au management ! Elles le font, d'ailleurs, de plus en plus, via la formation, les référentiels ou les char- tes de management, les dispositifs d'évaluation, mais il reste encore beaucoup à faire.

E & C : Vers quoi la DRH doit-elle tendre ?

D. G. : Vers un effort de clarification sur elle-même et de questionnement, tout d'abord sur sa raison d'être et son positionnement. Est-elle un support au service des opérationnels ou au service de la stratégie ? Autre sujet de réflexion : son organisation. Est-elle centralisée ou non, est-elle répartie par sites, par business units, par métiers... ? Et, très important, concernant les mécanismes de prise de décision en vigueur dans l'entreprise : la décision est-elle diluée dans des processus un peu complexes et flous ? Est-elle centralisée ? Conditionnée par une forte intégration des valeurs de l'entreprise ? Il est évident que l'on ne peut pas faire abstraction de ces systèmes de décision, hérités de l'histoire, difficiles à changer et qui prédéterminent largement les possibilités de partage de la fonction.

D'ailleurs, avant de chercher à les changer, il faudrait souvent s'attacher à en renforcer la cohérence. Les DRH devraient, aussi, s'interroger sur la fonction de manager de proximité, qui, souvent, ne fait plus guère envie ! Et pour cause, elle suppose beaucoup de travail, de risques, de pressions et de tâches ingrates (suivi de tableaux de bord et reporting en tout genre). L'une des questions posées est celle des contreparties proposées, en termes de rémunération, mais aussi de reva- lorisation de l'image de la fonction et de reconnaissance au sens large.

SES LECTURES

- Les ressources humaines, ouvrage conçu et coordonné par Dimitri Weiss, éditions d'Organisation, 1999.

- Sciences de gestion et pratiques managériales, Réseau des IAE, Economica, 2002.

PARCOURS

Danièle Gonzalez travaille pour Entreprise & Personnel depuis 1992, et, à ce titre, elle intervient dans les entreprises sur les problématiques de GRH et de management.

Elle est également l'auteure de plusieurs études. Les deux dernières s'intitulent Les commerciaux, entre autonomie et contrôle (février 2002), et Progiciels de gestion intégrés : des changements à conduire, réalisée avec Patrick Gilbert et Claudine Gillot (mai 2002).