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Des produits financiers en faveur de l'emploi

SANS | publié le : 02.12.2003 |

Les fonds communs de placement d'entreprises solidaires consacrent de 5 % à 10 % de leurs actifs aux entreprises solidaires et d'insertion. Déjà proposés dans les PPESV, ils seront obligatoires dans le futur PPESVR (plan d'épargne retraite) prévu par la loi Fillon.

Imaginons un portefeuille d'actions, dont une petite partie serait prélevée pour être investie dans des entreprises d'insertion, des centres d'adaptation par le travail ou des entreprises solidaires, bref, toutes les entreprises créant des emplois pour les plus exclus. Utopie ? Non, réalité consacrée depuis deux ans par la loi sur l'épargne salariale, dite loi Fabius. Cette loi a donné aux entreprises la possibilité de mettre en place des plans partenariaux d'épargne salariale volontaire (PPESV), avec avantages fiscaux à la clé, à condition qu'ils comportent au moins un fonds commun de placement d'entreprises solidaires (FCPES).

Le principe : 90 % du fonds est investi dans des obligations et/ou dans des actions de sociétés cotées en Bourse et "socialement responsables", c'est-à-dire respectant certains critères - environnement, politique sociale, relations avec les fournisseurs et les sous-traitants, etc. - et 5 % à 10 % vont à des titres non cotés de structures d'insertion ou de l'économie solidaire. Ces FCPES peuvent, aussi, être intégrés au Plan d'épargne d'entreprise (PEE).

Une vingtaine de fonds

La loi Fabius a boosté ces fonds : alors que, jusque-là, il n'en existait qu'un - le FCP Insertion emplois, créé en 1994 et proposé à l'épargne salariale par Fongepar depuis 1996 - on dénombre, aujourd'hui, une vingtaine de FCPES interentreprises, sans compter ceux dédiés à une seule société. Le montant total de l'épargne investie dans ces fonds est difficile à évaluer, car presque tous ont moins d'un an d'existence. Le FCP Insertion emplois a collecté, au 30 septembre 2003, 86 millions d'euros. Le FCPE Carrefour Equilibre solidaire, créé par Natexis Interépargne pour les salariés du groupe Carrefour, fin 2002, a engrangé, fin octobre 2003, 135 millions d'euros (une épargne bloquée sur dix ans). Des sommes qui ont permis aux associations spécialisées dans l'investissement solidaire, qui investissent les 10 % des fonds (France Active pour le FCP Insertion emplois et dix autres FCPES ; l'Adie et Habitat et Humanisme pour le FCPE Carrefour Equilibre solidaire), de financer des projets ou des développements d'entreprises solidaires.

L'Adie (Association pour le droit à l'initiative économique) a, ainsi, émis pour 100 000 euros de billets à ordre à des chômeurs ou RMistes créateurs d'entreprise. « Le mécanisme est le suivant : nous empruntons auprès du fonds Carrefour Equilibre solidaire, nous prêtons aux créateurs, qui nous remboursent au taux de 2 % au bout de cinq ans, et nous remboursons, alors, le gestionnaire du fonds », explique Emmanuel Landais, chargé de mission à l'Adie.

Premier financement

Grâce à l'apport du FCP Insertion emplois (IE), l'imprimerie parisienne Alpe a pu surmonter à deux reprises des étapes difficiles. « La première fois, nous avons été confrontés à un virage professionnel : celui de la reprographie numérique, car il y avait une forte demande. Cela nécessitait d'investir en matériel et nous avons obtenu 8 385 euros grâce au FCP IE. L'activité a si bien marché qu'il fallait nous agrandir. Cette fois, nous avons eu un prêt de 30 000 euros, qui a financé les travaux de mise aux normes de nos nouveaux locaux. Cette évolution a permis l'embauche de deux salariés permanents et a conforté les treize postes en insertion », raconte Françoise Bernon, directrice d'Alpe.

Parce qu'on ne prête qu'aux riches, l'apport du FCP IE est déterminant : « A chaque fois qu'on entame un tour de table pour être financés, on nous demande toujours qui est déjà intervenu ; il faut un premier pour amorcer la pompe, et France Active a toujours été là au bon moment, c'est-à-dire dans les périodes difficiles. Maintenant que nous avons un bon bilan, nous n'avons pas de problème pour obtenir des prêts ! », observe la directrice d'Alpe. Le seul FCP Insertion emplois a permis, depuis son origine, de créer ou de consolider un peu plus de 6 122 emplois, dont 4 828 pour des personnes en difficulté.

Crédit d'impôts

Certes, les sommes collectées pour l'épargne solidaire sont encore infinitésimales si on les compare aux montants de l'épargne salariale : 50 milliards d'euros en 2002 ! Mais elles pourraient bien augmenter à la faveur de la création des plans d'épargne retraite. La loi Fillon impose, en effet, de transformer les PPESV en PPESVR dans un délai maximal de trois ans. Or, les crédits d'impôts qui étaient assortis aux premiers demeureront pour les seconds, et les salariés auront intérêt, puisqu'ils épargnent pour leur retraite, à bloquer les sommes investies le plus longtemps possible.

Mieux, la loi limite à 5 % la part, dans le PPESVR, de titres de l'entreprise qui propose ce plan à ses salariés (contre 40 % actuellement dans le PPESV). Une disposition qui pourrait rendre mécaniquement plus attractifs les FCPES. En effet, lorsque les salariés ont à choisir entre plusieurs fonds d'un PPESV ou entre un PPESV et le plan d'épargne d'entreprise, ils vont massivement vers ceux qui sont abondés par la société. Et, bien souvent, elle abonde ses propres actions.

C'est le cas, par exemple, de L'Oréal : 1 % seulement du volume de l'épargne salariale est investi sur le FCP Insertion emplois. « La concurrence du compte courant bloqué et du plan d'épargne d'entreprise, que nous abondons, est très forte. Mais l'épargne sur le FCP IE s'élève tout de même à près de 2,8 millions d'euros », indique Philippe Passerat, DRH Epargne salariale.

Choix vraiment solidaire

En revanche, le fonds Carrefour Equilibre solidaire, qui ne compte que 10 % d'actions Carrefour et qui est abondé de 30 %, au même titre que les trois autres fonds composant le PPESV, draine 9 % de l'épargne salariale, ce qui en fait le fonds solidaire n° 1 en France. Hormis ce cas exceptionnel, « le choix solidaire est vraiment solidaire, remarque Edmond Maire, président de la société d'investissement France Active. Cela dit, nous n'avons jamais escompté qu'une part marginale d'épargne solidaire. Vis-à-vis des futurs PPESVR, nous sommes partagés entre une petite inquiétude et une grande espérance : en principe, ils devraient être plus attractifs, mais les décrets précisant le montant de crédit d'impôts et la défiscalisation ne sont pas encore sortis. »

Autre atout des FCPES : une bonne performance financière, malgré la double contrainte des critères éthiques sur les actions cotées et du faible rendement de l'investissement en actions non cotées. Les FCP Insertion emplois et Macif Croissance durable et solidaire (dont 90 % des encours sont investis en actions) ont enregistré, cette année, respectivement, une performance de 7,72 % et 6,31 %, l'indice de référence affichant 11,98 %. Quant au FCP Carrefour Equilibre solidaire (50 % en actions, 50 % en obligations), il affichait une performance de 7,91 %, contre 6,10 % pour l'indice de référence.

Rôle majeur pour les syndicats

Alors que l'épargne solidaire des particuliers est en forte croissance - 91,5 millions d'euros placés fin 2002, en France, contre 73,8 millions fin 2001, soit 20 % d'augmentation -, l'entreprise ne saurait rester sourde à cette appétence de la société civile à plus de partage. Les organisations syndicales, qui doivent négocier les PPESV (puis les PPESVR), auront un rôle majeur à jouer.

C'est, par exemple, à l'initiative de la FGTA-FO, de la CFDT et de la CFTC que le fonds solidaire de Carrefour a vu le jour. « Elles ont été actrices et nous y avons répondu favorablement, notamment en investissant dans le PPESV une partie de l'actif d'un fonds existant déjà », indique Marc Veyron, directeur des relations institutionnelles de Carrefour France. Il reste avant tout pragmatique : « Nous ne favorisons aucun fonds : nous cherchons avant tout à apporter la meilleure satisfaction aux salariés. Qu'ils aient investi massivement dans ce FCP nous encourage à poursuivre. »

L'essentiel

1 La loi Fabius sur l'épargne salariale permet aux entreprises de mettre en place des PPESV, avec avantages fiscaux à la clé, à condition qu'ils comportent au moins un fonds commun de placement d'entreprises solidaires (FCPES).

2 On dénombre une vingtaine de FCPES interentreprises, sans compter ceux dédiés à une seule société. Ils permettent aux associations spécialisées dans l'investissement solidaire de financer des projets ou des développements d'entreprises solidaires.

3 Les entreprises ne devraient pas rester sourdes à l'appétence de la société civile à plus de partage.