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Un projet de loi perfectible

SANS | publié le : 25.11.2003 |

La réforme du dialogue social présentée en Conseil des ministres, le 19 novembre, comporte des risques et des imperfections, selon les experts du dialogue social et du droit social.

La rénovation du dialogue social, version François Fillon, aura bien lieu. Le ministre des Affaires sociales a, en effet, présenté, le 19 novembre dernier, en Conseil des ministres, sa "grande loi" sociale comprenant un premier volet sur la formation professionnelle, fidèle à la ligne initiée par les partenaires sociaux, le 20 septembre dernier (voir le cahier spécial Entreprise & Carrières n° 685), et un second volet sur le dialogue social, nettement moins consensuel. Les protestations des syndicats n'ont donc pas porté. L'accord majoritaire aura bientôt force de loi, tout comme la possibilité, pour l'entreprise, de convenir de dispositions moins favorables à celles de sa branche (voir encadré).

Démarche saluée

Restent quelques interrogations émises, entre autres, par les experts du dialogue social et du droit social, quant à l'application du texte, même si la très grande majorité d'entre eux saluent la démarche, c'est-à-dire celle qui consiste à dépoussiérer les règles obsolètes de la négociation collective. Parmi ces experts, Paul-Henri Antonmattei, professeur à la faculté de droit de Montpellier et directeur du Laboratoire de droit social : « A la question "fallait-il réformer ?", je réponds résolument "oui". Il était temps, en effet, de transférer certaines responsabilités aux partenaires sociaux et de développer le droit conventionnel. »

Favoriser le réformisme

Pour sa part, Hubert Landier, directeur de la revue Management et conjoncture sociale, comprend le gouvernement, motivé « pour renforcer la capacité des syndicats, au nom des salariés, dans une politique de compromis et favoriser, ainsi, l'expression de l'option réformiste en vue d'une contention plus efficace des tendances radicales actuel- lement à l'oeuvre, en France ».

Pour autant, certains points du projet de loi posent problème, comme le principe de l'accord majoritaire. De nombreux DRH redoutent, en effet, que celui-ci bloque purement et simplement la signature d'accords. « La règle de l'accord minoritaire se révèle, certes, confortable, mais elle ne responsabilise pas les acteurs sociaux et ne permet pas d'aller au fond d'un débat », souligne Daniel Croquette, délégué général de l'ANDCP. Une position partagée par Danielle Kaisergruber, présidente du directoire de Bernard Brunhes Consultants : « La logique majoritaire imposera un dialogue social plus soutenu et plus construit et un rapprochement des organisations syndicales avec les préoccupations des salariés. »

Déserts conventionnels

Mais que faire si les syndicats majoritaires persistent à ne pas signer ? « Nous nous retrouverons avec des déserts conventionnels », craint Paul-Henri Antonmattei, convaincu que le principe d'une majorité relative aurait été un préalable nécessaire. Pour autant, si l'accord majoritaire reste l'un des sujets phares du projet, il n'est pas sûr que ce soit celui qui sera appliqué. Il existe aussi l'option de la non-opposition.

« Il est à envisager que les organisations syndicales, CFTC, CFE-CGC et FO, opposées à l'application du principe majoritaire, feront barrage, comme la loi leur en donne les moyens, signale Hubert Landier. Autrement dit, le défaut du projet Fillon est d'offrir des échappatoires à tous ceux qui feront en sorte que rien ne change. » Le rapport sur l'application de la loi, promis par le gouvernement avant le 31 décembre 2007, le dira. Quant aux dérogations, les syndicats prédisent des abus. Sylvain Breuzard, président du Centre des jeunes dirigeants (CJD), pour sa part, ne le pense pas, persuadé qu'en favorisant l'accord d'entreprise, « on donne la parole à l'intelligence du terrain », avec, comme changement de taille, « l'apparition de davantage de compromis et de donnant-donnant, plutôt que du "toujours plus" », selon Danielle Kaisergruber.

Problème d'interprétation

Toutefois, l'exercice sera de la haute voltige, tant la subsidiarité branche/entreprise est compliquée à appréhender dans le texte, selon Paul-Henri Antonmattei, très critique sur la qualité technique du projet de François Fillon : « Certains articles posent des problèmes d'interprétation. Une porte ouverte à de futurs contentieux. »

Autre critique : le manque d'ambition du projet. Le CJD attend, ainsi, qu'il soit suivi d'une prochaine étape étendant le principe majoritaire reposant sur la représentation des salariés au niveau des branches professionnelles. Paul-Henri Antonmattei attend, pour sa part, que la question de la légitimité des acteurs soit enfin posée, rejoint, sur ce point, par l'ANDCP.

Réelle représentativité

« Il faut aller vers une réelle représentativité des salariés et éliminer des négociations les syndicats recueil- lant, par exemple, moins de 5 % des suffrages aux élections professionnelles », réclame Daniel Croquette. Selon les dernières déclarations du ministre des Affaires sociales, tout cela est envisagé « dans une étape suivante » de la réforme du dialogue social.

Pour l'heure, la parole est aux politiques. Le 3 décembre prochain, le texte arrivera à la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale.

Les 6 points clés du projet de loi sur le dialogue social

L'entrée en vigueur d'un accord professionnel est subordonnée à l'absence d'opposition de la majorité des organisations syndicales représentatives.

Les partenaires sociaux de la branche fixent les règles relatives à la condition de majorité, fondées soit sur la tenue d'élections spéciales, soit sur le recueil de résultats obtenus lors des dernières élections professionnelles. A défaut, l'absence d'opposition de la majorité des syndicats prévaut.

Les conditions de validation des accords d'entreprise sont déterminées par la branche. Deux options : obtention de la majorité avec la signature des syndicats représentant au moins la moitié des votants aux dernières élections au CE ou signature de syndicats minoritaires en l'absence d'opposition d'un ou de plusieurs syndicats majoritaires.

L'accord de branche reste impératif dans les domaines des salaires minima, des classifications, et de la prévoyance collective et de la mutualisation des fonds de formation. Pour tous les autres thèmes, l'accord d'entreprise peut déroger à la convention de branche, sauf si celle-ci en dispose autrement.

L'accord de groupe conclu entre l'entreprise dominante et les syndicats représentatifs dans le groupe est reconnu.

A défaut de délégués syndicaux, une négociation peut être menée avec les représentants élus du personnel ou par un ou plusieurs salariés mandatés.