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Les tests de quotient émotionnel au banc d'essai

SANS | publié le : 25.11.2003 |

De plus en plus d'entreprises utilisent des tests de quotient émotionnel (QE) pour recruter ou évaluer leurs salariés. Malgré le sérieux et la bonne qualité métrique de certains tests, les universitaires estiment qu'il est encore trop tôt pour en faire un outil à finalité managériale.

Calculer son quotient émotionnel (QE), c'est simple comme un jeu d'enfant. Même plus besoin d'acheter un magazine spécialisé, un petit tour sur Internet et 7 euros sur le compte en banque suffisent à évaluer son intelligence émotionnelle, autrement dit, sa capacité à connaître et à gérer ses propres émotions et celles des autres.

Aux côtés de ces évaluations ludiques, apparaissent des tests de QE à usage professionnel. En France, c'est le cabinet de conseil en management Hay Group qui a initié le mouvement, en proposant, en partenariat avec Daniel Goleman, auteur de L'intelligence émotionnelle au travail, des questionnaires à 360 ° et des assessment centers.

Un concept mieux accepté

Expérimentés par le fabricant d'ascenseurs Schindler pour le développement de ses leaders ou par la filiale française d'Unilever pour le recrutement de ses hauts potentiels, ces outils faisaient, jusqu'à présent, l'objet d'une grande discrétion au sein des entreprises utilisatrices. Damien Bart, responsable marketing de Hay, note, tout de même, une évolution : « Aujourd'hui, le terme est explicitement mentionné dans les programmes de formation. Il est de plus en plus connu et semble un peu mieux accepté. »

De plus, la sortie de tests conçus par des psychologues et des universitaires contribue à rassurer les DRH sur le bien-fondé scientifique du concept. Validée sur un échantillon de 1 500 personnes, fruit de deux années de travail, l'adaptation française du BarOn quotient inventory (EQ-i), qui sera diffusée au début de l'année prochaine aux Editions et applications psychologiques (EAP), suscite déjà l'intérêt des entreprises.

De nombreux usages possibles

« L'outil présente de bonnes qualités métriques et permet d'appréhender des dimensions nouvelles, comme la "conscience de ses propres émotions", que l'on ne retrouve pas dans les tests de personnalité », indique Virginie Richoux, psychologue du travail aux EAP. « Le test est auto-évaluatif, comporte 133 items regroupés en cinq sphères - intrapersonnelle, interpersonnelle, gestion du stress, adaptabilité et humeur générale - et laisse présager énormément d'usages possibles. »

Le cabinet de conseil en ressources humaines Argos et le CIBC d'Angoulême l'utilisent déjà dans le cadre de bilans de compétences, et l'ESC de Saint-Etienne y voit un outil pour affiner la sélection de ses étudiants. La RATP y réfléchit dans le cadre de la gestion du stress, tandis que LVMH et Chantelle l'envisagent comme un outil de gestion de carrière de leurs collaborateurs.

Sans attendre la sortie de ce test, certaines entrepri- ses ont pris une longueur d'avance et parlent, désormais, d'émotions en toute transparence. Chez Miche- lin, 20 cadres dirigeants ont répondu à un questionnaire de "profil émotionnel" dans le cadre d'un programme de formation et le test est régulièrement utilisé lors d'accompagnements individuels.

Retour aux méthodes plus classiques

Face à l'engouement naissant des entreprises pour l'intelligence émotionnelle, chercheurs et même éditeurs de tests appellent à la prudence. Isabelle Loss, coauteur du "profil émotionnel" utilisé par Michelin, avec Even Loarer, psychologue du travail à l'université Paris-10, relativise la nouveauté du test. En complément de son questionnaire, elle continue, d'ailleurs, à utiliser le CPI (Californian psychology inventory), un test de personnalité plus ancien, qui traite, lui aussi, des émotions. « Le profil émotionnel simplifie le travail pédagogique. Il dit la même chose dans un langage clair, accessible à l'autre », avoue Isabelle Loss.

Des outils encore trop jeunes

Comme elle, Stéphane Moriou, associé au cabinet d'évaluation Business Psychology, est revenu à la méthode plus classique de l'entretien pour cibler les compétences émotionnelles de ses candidats. Selon lui, « les outils de mesure de l'intelligence émotionnelle sont trop jeunes et n'ont pas subi de validation suffisante pour être utilisés en entreprise ». Il est rejoint, en ce sens, par les chercheurs du Lirhe (Laboratoire interdisciplinaire de recherche sur les ressources humaines et l'emploi) à l'université de Toulouse-1. « Si les émotions sont indispensables à la prise de décisions, on ne sait pas, en revanche, si elles relèvent d'un système autonome. Rien ne prouve que les gens émotionnellement intelligents sont plus performants, prévient Karim Mignonac, maître de conférences au sein du Lirhe, et coauteur de L'intelligence émotionnelle en questions. Il est donc encore vraiment trop tôt pour en faire un outil à finalité managériale. »

Pas question pour autant d'enterrer le quotient émotionnel. Comme le rappelle Stéphane Moriou, « la psychologie est une science jeune. Le premier test de QI est apparu en 1905 ; le QE, lui, n'a même pas 20 ans ».