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Les nouveaux critères de l'intéressement

SANS | publié le : 25.11.2003 |

L'intéressement peut devenir un outil de management. Des accords incitatifs s'appuient sur des critères liés à des objectifs non financiers, comme la qualité, l'environnement ou la sécurité. Mais le dispositif doit rester compréhensible et simple à gérer.

«Accords d'intéressement incitatifs », disent certains consultants, pour mieux les différencier de tous les autres, qui ne le seraient plus. Accords « nouveau style », pour d'autres, distincts de ceux qui ressemblent trop à la participation, assis sur un niveau de performance financière, et générant une prime dont les salariés finissent par ignorer les déterminants, ou par y être indifférents.

Un intéressement plus incitatif fait dépendre le niveau de la prime de critères plus proches du terrain et de l'activité des salariés que les seuls indicateurs financiers très collectifs (résultats d'exploitation ou chiffre d'affaires), largement majoritaires. « Dans l'architecture de ces accords incitatifs figure souvent un seuil de déclenchement lié à un critère financier, indique Delphine Jean, directrice du département rémunérations et coûts sociaux chez Adding. Il n'est pas forcément très discriminant, mais a l'avantage de déterminer un niveau de santé de l'entreprise en deçà duquel le versement d'une prime devient problématique. C'est ensuite le choix de critères pertinents fixant le niveau de l'intéressement qui permet aux salariés de mieux juger de leur contribution à la performance globale. »

Et de détailler les plus fréquemment rencontrés : la maîtrise des coûts (taux de perte des consommables, respect du plan de charge, limitation du temps des arrêts machines...), la productivité, le présentéisme et la sécurité. Laquelle vient, d'ailleurs, de faire l'objet d'une évolution réglementaire, la cour de Cassation décidant, en 2002, que le taux de fréquence des accidents du travail pouvait figurer dans un accord. Jusque-là, l'employeur était jugé comme seul responsable et le salarié trop peu acteur sur cet élément.

L'accord doit rester compréhensible

L'enquête réalisée par HayGroup auprès de plus de 150 de ses entreprises clientes, en 2003, indique que les critères pris en compte dans la formule d'intéressement sont principalement financiers (89 %), mais concernent aussi la productivité pour 50 % d'entre elles, la qualité pour 45 %, et les "autres", dont la sécurité, le présentéisme, l'innovation, la notoriété ou... le chiffre d'affaires pour 30 % (voir ci-dessus). Il s'agit aussi de distinguer cet élément de rémunération de la participation, liée au résultat de l'entreprise. Selon les périodes (croissance et acquisition de marchés, ou ralentissement et fidélisation de la clientèle), la participation et l'intéressement doivent pouvoir récompenser des éléments différents, plutôt que progresser ou régresser ensemble.

Ces nouveaux critères peuvent, en outre, être différenciés par sites ou par types de population. A ce titre, la prise en compte des services fonctionnels ou supports paraît délicate. Ils se voient affecter une moyenne des critères choisis pour les autres unités de travail (la qualité de leur travail étant nécessaire à la performance globale) ou, au contraire, des indicateurs spécifiques. « Néanmoins, il faut prendre garde de ne pas complexifier le calcul à l'excès, tempère Delphine Jean. L'accord doit rester compréhensible. D'ailleurs, nous conseillons à nos clients d'utiliser autant que possible des indicateurs préexistant chez eux, avec lesquels les salariés sont familiarisés. »

Gestion compliquée

Francis Wright, expert du sujet chez Hewitt Associates, est bien de cet avis : « Nous constatons, souvent, une velléité de l'entreprise de faire de l'intéressement un véritable outil de management, de ne pas cloner la participation. Peu parviennent à mettre en oeuvre des critères non financiers. » Explication : l'accord "nouveau style" est plus compliqué à gérer, ses indicateurs élaborés ne sont pas forcément incontestables et n'ont pas toujours l'antériorité qui permettrait de les ajuster efficacement. Et une approche par sites ou populations génère un risque d'inéquité, souvent relevé par les partenaires sociaux. « Pour les entreprises qui le font, c'est souvent au deuxième ou au troisième renouvellement que l'on commence à introduire des critères plus fins », explique Francis Wright.

Formules motivantes

La Sagep, société de production des Eaux de Paris, qui n'avait pas d'accord d'intéressement, a choisi d'emblée une formule ambitieuse, en juin dernier. Parmi les critères retenus figurent la qualité de l'eau et la qualité environnementale des sites, le taux des accidents du travail, la disponibilité des installations (favorise la planification des travaux et la progression de la maintenance), ainsi que le contrôle du budget de fonctionnement, pour cette société d'économie mixte qui échappe à l'exigence de profit mais doit rendre compte au contribuable.

Chez Kimberly-Clark, Isabelle Nebout, la DRH, considère que l'accord signé en juin 2002 (lire Entreprise & Carrières n° 644) porte ses fruits. Parmi les indicateurs, figuraient, pour les sites de production, la maîtrise des coûts et le présentéisme. Selon les sites et les indicateurs, les objectifs assignés ont été atteints à hauteur de 0 % à 90 % du maximum et les critères choisis se sont révélés simples à comprendre malgré leur caractère élaboré. « Nous sommes donc plutôt satisfaits de cet accord, estime Isabelle Nebout. Il s'avère motivant, en matière de présentéisme, notamment. Pour le prochain, nous essaierons sans doute de faire plus simple pour alléger les calculs, avec, peut-être, moins d'indicateurs sur la maîtrise des consommations. »

Ambitions réduites

Encore pionniers, tout comme celui de Michelin (lire ci-dessous), ces accords pourraient en préfigurer d'autres. La réflexion se poursuit dans cette direction au sein des entreprises, même si, au stade de la mise en oeuvre, les ambitions se réduisent. Néanmoins, un accord d'intéressement ne dure que trois ans et des cycles économiques récessifs rendent inopérants des dispositifs exclusivement fondés sur des indicateurs de croissance, qu'il est alors nécessaire de réaménager.

Enfin, la répartition de l'intéressement peut également être travaillée. La loi indique trois modèles : selon le salaire, le temps de présence, et sous forme de prime unique pour tous. La proportionnalité au salaire domine, mais de plus en plus d'entreprises mixent déjà les formules.

L'essentiel

1 Alors que 70% des entreprises ont un intéressement, beaucoup d'entre elles souhaitent mettre en oeuvre des accords plus incitatifs et plus proches de l'activité des salariés.

2 Au-delà des critères financiers, jouant a minima un rôle de déclencheur, Michelin, Kimberly-Clark ou la Sagep ont fixé des objectifs de sécurité, de qualité, de respect de l'environnement, de présentéisme...

3 L'enjeu est de trouver des indicateurs pertinents, facilement compréhensibles et, pour des accords différenciant les sites ou les populations, d'élaborer un dispositif équitable.