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LES NOUVEAUX ACTEURS DE L'EMPLOI

SANS | publié le : 25.11.2003 |

La réforme de l'ANPE visant une plus grande fluidité du marché du travail deviendra réalité en 2004. Le temps, pour les prestataires RH, de se positionner sur ce marché et de faire jouer la concurrence entre public et privé. Une situation déjà vécue par nos voisins notamment allemands, néerlandais et italiens.

Dix ans après l'Allemagne et les Pays-Bas, cinq ans après l'Italie, la France devrait mettre fin au monopole de l'ANPE sur le placement des chômeurs. De nouveaux acteurs privés, sociétés d'intérim, cabinets d'outplacement, de recrutement, conseils en RH, devraient faire leur apparition sur le marché de l'emploi afin d'accélérer le retour des chômeurs à la vie active. Selon le texte de François Fillon, ces agences pourraient être constituées par « toute personne physique ou morale fournissant des services de placement ». Concrètement, cette activité serait soumise à une déclaration administrative préalable et ne devrait pas être compatible « avec une autre activité à but lucratif, à l'exception des services ayant trait à la recherche d'emploi ». En clair, ces sociétés se verront dans l'obligation de créer des filiales pour assumer ces nouvelles prestations.

Esprit du texte

C'est, en effet, l'esprit du texte qui devait figurer dans la loi Fillon consacrée à la formation professionnelle et à la réforme du dialogue social, présentée au Conseil des ministres, le 19 novembre dernier. Ce titre iii a, toutefois, été reporté in extremis, afin de ne pas brouiller les conclusions du rapport de Jean Marimbert (lire entretien p.21), prévues fin janvier, sur les rapprochements à opérer entre l'Unedic et l'ANPE.

La fin du monopole permettra alors à la France de ratifier la convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur les agences d'emploi privées, qu'elle avait refusée en 1997.

Cette décision ne bouleverse pas, toutefois, les pratiques, dans la mesure où l'ANPE ne relaie, actuellement, que 40 % des offres d'emploi. Elle pourrait encourager, cependant, quelques initiatives.

Société privée de réinsertion

Pionnière dans la démarche, Maatwerk, une société privée néerlandaise de réinsertion professionnelle, qui compte dix collaborateurs en France, s'est, ainsi, vu confier par l'Assedic de Courbevoie, dans l'Ouest parisien, en octobre dernier, la mission de reclasser 150 chômeurs de longue durée, avec un engagement de résultat (voir Entreprise & Carrières n° 688). Le cabinet propose à l'Unedic de payer la prestation uniquement en cas de réussite, c'est-à-dire si le candidat décroche un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée de plus de six mois. La méthode ? « Fournir à chaque candidat un accompagnement individuel et personnalisé, indique Stéphane Niger, le directeur de Maatwerk France. Nous nous engageons à le suivre pendant au moins vingt-quatre mois, et au-delà, une fois en poste. » Cent cinquante chômeurs, aux profils divers, ont été sélectionnés : seniors, cadres, mais aussi chauffeurs routiers, manutentionnaires. Ils seront assistés par sept consultants, sans aucun frais de placement pour les demandeurs d'emploi.

Bonne interface

Cette réforme tombe à point nommé pour les sociétés d'intérim qui souhaitent élargir leur domaine de compétences. Car, si, depuis deux à trois ans, elles se sont ouvertes à la formation professionnelle, au recrutement ou encore au coaching, elles observent avec intérêt cette évolution législative. Points forts de ces structures : « Le travail temporaire est un acteur naturel en raison de notre maillage national, indique, ainsi, Philippe Salles, le Pdg de Vedior. Le secteur compte 6 000 agences et 20 000 salariés permanents qui assurent une très bonne interface entre demandeur d'emploi et entreprise utilisatrice. » Les échos sont similaires chez Creyf's et chez Randstad.

Extension des services

Les groupes de travail temporaire pourraient, ainsi, aisément étendre leurs services en s'appuyant sur leur réseau national d'agences et sur les contacts qu'ils ont noués avec les entreprises. Des partenariats existent déjà : Adecco, par exemple, réalise près de 30 000 évaluations de compétences dans le cadre du Pare (Plan d'accès à l'emploi), et Védior en effectue plus de 10 000. Ces sociétés transmettent également à l'ANPE les offres d'intérim pour lesquelles elles n'ont pas les profils dans leur fichier d'intérimaires. De son côté, l'Agence dirige les demandeurs d'emploi répondant aux critères des agences d'intérim vers ces dernières. Ces sociétés disposent, en outre, d'une longueur d'avance, puisqu'elles participent déjà activement au reclassement des demandeurs d'emploi en Allemagne, aux Pays-Bas, et qu'elles s'apprêtent à le faire en Italie.

Les cabinets de conseil RH se sont également rapprochés de l'ANPE ; 40 % des services aux demandeurs d'emploi sont, aujourd'hui, assurés par des prestataires privés. BPI, par exemple, accompagne des RMIstes vers la création d'entreprise ou prospecte des emplois pour les chômeurs de longue durée.

Inquiétudes

Toutefois, cette réforme du marché du travail suscite quelques inquiétudes. En premier lieu, le paiement au résultat, initié par Maatwerk, laisse les acteurs sceptiques. Si cette méthode se généralise, la plupart craignent une dégradation de la qualité de la prestation, entraînant un reclassement au rabais. « Actuellement, dans le cadre de l'outplacement, les expériences de VAE, destinées à valider l'expérience professionnelle et à organiser des formations, prennent du temps, mais donnent peu de résultats tangibles à court terme », assure Hubert L'Hoste, directeur général du cabinet de recrutement Mercuri Urval. Le sentiment est également partagé par Eric Beaudoin, directeur général de BPI : « Etre payé au résultat, c'est favoriser les travers du résultat. C'est extrêmement dangereux. » Les sociétés d'intérim s'interrogent aussi sur la pertinence de créer de nouvelles filiales. « Cette disposition va réduire la portée de notre action, explique Frédéric Noyer, directeur général de Randstad. L'intérêt de notre métier, c'est de faire jouer nos synergies. Or, je ne vois pas comment doubler les effectifs d'une agence située dans une petite ville de province. Il faut revoir ce problème d'exclusivité, faute de quoi, notre activité de placement se limitera aux grandes villes, où le marché est plus important. »

Reclassement au rabais

D'autres, enfin, restent dubitatifs sur la rentabilité d'une telle activité. « Le coût d'un outplacement individuel est de 40 000 à 60 000 euros. Comment être aussi efficace pour une prestation payée entre 3 800 et 4 000 euros et garder un seuil de rentabilité acceptable ?, poursuit Hubert l'Hoste. Faudra-t-il, aussi, diminuer les rémunérations des consultants ? »

Privé, public, le match est-il vraiment ouvert ? Manifestement, cette perspective ne fait pas peur à l'ANPE. Pour Jean-Marie Marx, son directeur général adjoint, les acteurs privés auront un rôle limité face aux agences de l'emploi : « Ces expériences sont intéressantes mais elles vont se heurter à un problème de financement. Elles ne peuvent bénéficier qu'à quelques dizaines de milliers de demandeurs d'emploi mais sûrement pas à 3,5 millions de chômeurs. » Un constat déjà dressé, il est vrai, dans le reste de l'Europe, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas.

L'essentiel

1 L'ANPE devrait perdre, en 2004, son monopole sur le placement des chômeurs. Une ouverture bienvenue pour les sociétés d'intérim, les cabinets d'outplacement, de recrutement, et les conseils en RH.

2 L'Assedic de Courbevoie, dans l'Ouest parisien, a confié, en octobre, à Maatwerk, une société privée néerlandaise de réinsertion professionnelle, le reclassement de 150 chômeurs longue durée, avec un engagement de résultat.

3 Cette réforme du marché du travail suscite quelques inquiétudes : dégradation de la qualité de la prestation, reclassement au rabais, rentabilité d'une telle activité, concurrence avec l'ANPE...