Des actionnaires salariés : en quelques années et alors qu'elle rejoint l'Union européenne, la Pologne a vu ses pratiques sociales et managériales bouleversées. Au milieu des années 1990, les grandes entreprises polonaises ont commencé par vendre leurs "centres de vacances", transformant ces avantages en primes pour les salariés, ou bien les intégrant dans le salaire de base. Il y a peu, certains salariés polonais étaient encore payés - pour une partie et à valeur égale - avec des produits laitiers, de la lessive ou du charbon. Aujourd'hui, c'est le temps des innovations sociales de troisième génération : la Pologne (le plus grand des pays d'Europe centrale) arrive, ainsi, au stade de la retraite par capitalisation et à celui de l'actionnariat salarié.

Chez Sodexho Polska (1 250 salariés polonais), l'actionnariat salarié existe depuis deux ans, dans le cadre d'un plan de cinq ans. Au début, la proposition a rencontré un certain scepticisme parmi les salariés : « Pourquoi ont-ils besoin de notre argent ? », entendait-on. « Après une campagne d'information, cadres et employés ont montré un intérêt de plus en plus marqué », explique Gilles Poirieux, directeur du développement Sodexho en Europe centrale et orientale. Aujourd'hui, 300 salariés sont actionnaires, 75 % possèdent des actions sous forme d'options, sûrs de retrouver leur mise même si les cours baissent : appréciable garantie.

Chacun a gagné l'équivalent de 130 euros. A Sodexho Pass Polska, autre entreprise du groupe à Varsovie, qui emploie davantage de cadres au pouvoir d'achat plus élevé, le gain a atteint 700 euros. Et les salariés sont entrés dans le mécanisme. A dates régulières, ils reçoivent un courrier les informant sur les positions, sur les mouvements et sur la valeur de l'action. Au sein de Sodexho Polska, quatre personnes sont responsables du service actionnariat.

« Tout cela est encore nouveau ! Grâce à cet intéressement, les effets sur le climat dans l'entreprise commencent à se faire sentir, constate Gilles Poirieux. Chez Sodexho Polska, les salariés ont le sentiment de travailler dans une société où ils peuvent progresser, où la promotion existe. Ils sont motivés et apprécient la solidité de l'entreprise. L'actionnariat est un plus ! »

Un "plus" qu'appliquent, aujourd'hui, d'autres sociétés occidentales implantées en Pologne. L'actionnariat salarié se développe, notamment dans la grande distribution. Certes, la pratique reste rare. Mais, alors qu'en Pologne, ni la législation, ni les règlements du travail, ni les esprits n'étaient prêts à un tel exercice, l'avoir imposé est déjà une sorte de réussite.