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L'Allemagne libéralise son marché du travail

SANS | publié le : 18.11.2003 |

Les réformes votées depuis un an, en Allemagne, visent à abaisser la "rémunération" du chômage et à flexibiliser le marché du travail. L'objectif, à terme, est de faire pression sur le niveau des salaires.

En faisant adopter, le 17 octobre dernier, par le Bundestag, un deuxième "paquet" de lois réformant le marché du travail, le chancelier Gerhard Schroeder est entré dans le vif du sujet. Les députés ont eu à se prononcer sur deux mesures clés : la création d'une prestation chômage unique pour les chômeurs de longue durée, et la réforme de l'Office fédéral du travail, rebaptisé, à cette occasion, Agence fédérale du travail, énorme organisation de 90 000 salariés équivalant à l'ANPE, l'Unedic, la CAF, la Dares et l'Insee.

Sous réserve du résultat de la conciliation entre le Bundestag et le Bundesrat, la chambre représentant les Länder, aux mains de l'opposition, les chômeurs de longue durée verront l'aide qui leur est versée alignée sur l'aide sociale (l'équivalent du RMI). La "rémunération" du chômage, pour un chômeur célibataire, passerait, ainsi, d'environ 53 % de son dernier salaire net mensuel, à 345 euros par mois (331 euros dans les Länder de l'Est). La seconde réforme doit permettre à l'Agence fédérale du travail d'améliorer la fluidité du marché de l'emploi.

Ces deux réformes font partie d'un ensemble de lois, d'inspiration libérale, dites "lois Hartz", du nom de l'ancien DRH de Volkswagen. Il a présidé une commission dont l'objectif était de faire des propositions pour réduire de moitié le nombre des quelque 4,2 millions de chômeurs (10,5 % de la population active) d'ici à la fin 2005. Une première série de lois a déjà été votée à la fin de l'année dernière. Leur philosophie est la même : fluidifier et flexibiliser le marché du travail en baissant la rémunération du chômage, en augmentant la pression sur les chômeurs et en assouplissant la protection contre les licenciements.

Durée d'allocation réduite

Afin d'inciter les chômeurs à rechercher du travail, la durée de l'allocation chômage, versée avant d'entrer dans le dispositif de chômage longue durée (aide aux chômeurs), a été réduite de 32 à 12 mois (18 mois pour les seniors). Cette disposition entrera en vigueur au 1er janvier 2004. Une période de transition de deux ans est prévue, au cours de laquelle les chômeurs recevront une subvention dégressive, afin d'amortir le choc de cette mesure.

Inscription immédiate

Sous peine de sanctions, il est également prévu que les chômeurs doivent s'inscrire immédiatement après leur licenciement à l'Agence fédérale du travail. Sauf s'ils ont une famille, ils seraient obligés d'accepter un emploi, quel que soit l'endroit où il se situe, et quel que soit cet emploi, même sous-qualifié. Un amendement, adopté au Bundestag sous la pression de l'aile gauche de la majorité du chancelier, dispose que cet emploi doit être payé « en fonction des rémunérations locales usuelles », et non à n'importe quel prix, comme prévu initialement. Par un renversement de la charge de la preuve, il est prévu qu'il revienne au chômeur de prouver qu'il n'est pas fautif s'il perd son emploi ou s'il refuse des propositions d'emploi ou de formation. C'était, jusqu'alors, à l'Agence de prouver sa bonne foi.

A côté de cela, les lois de protection contre les licenciements sont assouplies, notamment dans les entreprises de moins de six salariés, qui pourront recourir plus facilement au travail temporaire. En outre, les salariés victimes d'un licenciement économique auraient, désormais, le droit de demander soit la saisie de la juridiction du travail, soit l'obtention d'une indemnité.

La réforme de l'Agence doit permettre de fluidifier le marché du travail, par une meilleure mise en relation entre l'offre et la demande d'emplois. Selon un schéma qui n'est pas sans rappeler l'évolution de l'ANPE, en France, l'Agence perd son monopole de placement des chômeurs. Les lois Hartz de décembre 2002 créent, ainsi, les agences de service de personnel (PersonnalServiceAgenturen : PSA), sorte d'agences d'intérim pour les chômeurs longue durée, à l'efficacité discutée (lire encadré).

"Donnant-donnant"

Par ailleurs, l'Agence fonctionne, désormais, selon le principe du "donnant-donnant". D'un côté, elle améliore le service proposé aux chômeurs. Elle se fixe, ainsi, pour objectif, de mettre un agent à la disposition de 175 chômeurs, contre un pour 800 ou 1 000 actuellement. Mais, en contrepartie, elle joue sur tous les leviers pour contraindre les chômeurs à reprendre un emploi.

Défenseurs et détracteurs de cette réforme s'accordent pour dire que l'enjeu réel des lois Hartz est de faire pression sur le niveau des salaires. Isabelle Bourgeois, chercheur au Centre d'information et de recherche sur l'Allemagne contemporaine (Cirac), juge sa dynamique « positive ». Pour elle, le principal problème du marché du travail tient à l'absence de secteurs à faibles salaires susceptibles d'absorber une partie des 4,2 millions de chômeurs, dont un tiers de longue durée.

En clair, les rémunérations, trop élevées, pénalisent l'emploi. Dans cette perspective, la réforme est d'abord « un appel du pied en direction des syndicats pour qu'il aillent, dans les branches, vers plus de flexibilité », selon Isabelle Bourgeois. Car, explique-t-elle, « le gouvernement ne peut agir qu'à la marge : les décisions les plus importantes sont prises par les partenaires sociaux ».

Pour Udo Rehfeldt, chercheur à l'Ires, cette réforme n'est, au contraire, pas adaptée à la situation : « Elle oblige les chômeurs à accepter un emploi, mais trouve vite ses limites dès lors qu'il ne se crée pas d'emplois. » Selon lui, on assiste à la « fin du modèle social allemand fondé sur des bons salaires et une productivité élevée ».

L'essentiel

1 Le chancelier allemand Gerhard Schroeder a engagé une vaste réforme du marché du travail dont l'application s'étalera sur les deux années qui viennent.

2 D'inspiration libérale, cette réforme prévoit une baisse de la "rémunération" du chômage et une flexibilisation accrue du marché du travail.

3 A terme, selon les spécialistes, elle doit permettre de faire pression sur le niveau des salaires.

Trois niveaux d'indemnisation

Actuellement, un demandeur d'emploi allemand peut prétendre, selon la durée de son chômage, à trois niveaux, dégressifs, d'indemnisation :

1 - l'allocation chômage, dans la période qui suit son licenciement ;

2 - l'aide aux chômeurs, lorsqu'il bascule dans le chômage de longue durée ;

3 - l'aide sociale (équivalent du RMI).

La réforme ramènerait à deux le nombre de ces niveaux d'indemnisation, par l'alignement de l'aide aux chômeurs sur l'aide sociale.