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Des reclassements au goût amer

SANS | publié le : 18.11.2003 |

Si les antennes emploi obtiennent des résultats encourageants sur le reclassement des salariés de Grimaud Logistique, les conditions de reprise des personnels de cette société au sein du groupe belge Ziegler comportent quelques ratés.

Acôté des Daewoo-Orion, Metaleurop, ACT ou encore Air Lib, la déconfiture de Grimaud Logistique est presque passée inaperçue. Pourtant, le 5 mars 2003, la liquidation judiciaire de cette entreprise de transport, basée à Bressuire, dans la région niortaise, et propriété du groupe belge Ziegler, a laissé 1 184 salariés sur le carreau, soit deux fois plus que chez Daewoo-Orion en Lorraine ! L'histoire de cette PME familiale, fondée au début du siècle, s'est achevée dans la cacophonie. Petit rappel des faits : en février 2001, Ziegler, une des majors de la messagerie européenne, s'offre, pour environ 2,5 millions d'euros, le transporteur en pleine déroute financière. Ziegler récupère un réseau de 35 agences, un parc de camions comptant 400 cartes grises, ainsi qu'un imposant patrimoine immobilier.

Redressement judiciaire

A l'époque, les salariés de Grimaud reçoivent Ziegler comme le Messie. Placée en redressement judiciaire, leur société est, en effet, proche de la banqueroute. Les routiers vont vite déchanter... Deux ans plus tard, le chapitre Grimaud Logistique se referme sur décision du TGI de Bressuire.

Comment en est-on arrivé là ? Ziegler, qui n'a pas souhaité répondre à nos questions, affirme avoir investi 17,5 millions d'euros pour remettre à flot cette entreprise, dont l'état de délabrement ne pouvait justifier le maintien. Pour l'Union fédérale route CFDT, en revanche, Ziegler aurait sciemment « vampirisé » Grimaud.

Calmer le jeu

Très remonté, le syndicat envisage, alors, de traîner Ziegler devant les tribunaux pour détournement d'actifs. Après une brève entrevue avec Dominique Bussereau, le secrétaire d'Etat aux Transports, la CFDT décide toutefois de ne pas mettre sa menace à exécution. « Le ministre nous a demandé de calmer le jeu, se souvient Maxime Dumont, secrétaire général adjoint de l'Union fédérale route CFDT. Il était néanmoins évident que Ziegler se gavait sur la bête. »

En contrepartie, la section CFDT de Grimaud Logistique et le très minoritaire syndicat autonome SAG paraphent, le 13 mars, avec la direction de Ziegler, un protocole d'accord autorisant le reclassement de 431 salariés. Le texte prévoit aussi la mise en place d'une antenne emploi pendant dix-huit mois, avec une mise de départ de 80 000 euros. Deux salariés de Grimaud, dont les salaires sont pris en charge par Ziegler, y sont détachés. Autres dispositions : le financement, par le groupe belge, de formations continues pour les routiers, ainsi qu'une aide à la mobilité pour les salariés acceptant une mutation géographique.

Aujourd'hui, Maxime Dumont a la dent dure contre Ziegler, qui n'aurait, selon lui, respecté que partiellement ses engagements. « Conformément au protocole, explique le responsable de la CFDT, 431 salariés devaient être reclassés. Or, 100 d'entre eux ont décliné l'offre. Nous avons donc demandé à Ziegler de reprendre 100 personnes supplémentaires, ce qu'il a refusé. Plus grave, les dispositions de l'article L 122-12 n'ont pas été respectées, notamment sur les reprises d'ancienneté et sur les critères conventionnels. »

Harcèlement

Autre gros souci touchant, cette fois, les anciens délégués syndicaux de Grimaud : « Ils sont harcelés, du type menace de licenciement s'ils reprennent un mandat syndical. » « L'inspection du travail a dernièrement refusé le licenciement de deux élus CFDT à Bordeaux et à Narbonne. Ziegler attend la fin de leur protection pour s'en débarrasser. Il tient sa vengeance », complète Michel Drevet, l'ex-secrétaire du CE Grimaud, actuellement responsable, avec Marie-Andrée Ruault, de l'antenne emploi.

Du coup, l'Union fédérale route CFDT envisage de réactiver la poursuite judiciaire qu'elle avait décidé de suspendre. Une procédure que n'ont pas hésité à entreprendre, dès l'annonce de la liquidation, les ex-représentants du personnel de Grimaud Logistique. L'enquête, qui devra déterminer si le transporteur belge a volontairement pillé Grimaud, a été confiée à la SRPJ de Poitiers. Des perquisitions ont déjà été effectuées sur certains sites de Ziegler et dans une filiale.

Résultats encourageants

Dans ce contexte, les résultats obtenus par les quatre cabinets de reclassement, dont la mission s'achèvera en novembre 2004, sont plutôt prometteurs. Bien que l'Etat ait exclu du périmètre les agences Grimaud, qui comptaient moins de 20 personnes - le budget consenti s'élève à 1 067 euros par salarié -, environ 60 % des salariés ont déjà été reclassés sur des postes en CDI ou en CDD de plus de six mois. Les bénéficiaires sont, en grande majorité, des routiers.

« Le problème concerne surtout les personnels administratifs, notamment ceux qui travaillaient au siège social de Grimaud. Ils sont moins mobiles, et la région vient de subir plusieurs fermetures d'entreprise. Plus généralement, il y a un énorme travail psychologique à accomplir, car ces personnes ont le sentiment d'avoir été spoliées », note Alain Robin, directeur du comité du bassin d'emploi du Bressuirais et animateur de la plate-forme territoriale de reconversion et de reclassement.