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DE LA CONCURRENCE

SANS | publié le : 18.11.2003 |

Opportunité commerciale pour les uns, régression sociale pour les autres, l'ouverture à la concurrence des entreprises publiques cristallise de nombreuses inquiétudes. Le gouvernement tente de réformer, mais sans précipitation, afin d'éviter toute crise sociale.

L'ouverture à la concurrence a déclenché le compte à rebours. France Télécom a joué les défricheurs. Dès 1996, l'opérateur de téléphonie a dû faire face à l'arrivée de multiples concurrents comme Bouygues et Cegetel. Le mouvement s'est ensuite poursuivi avec La Poste, qui a été confrontée à la concurrence des messageries et des entreprises de plis express. A Gaz de France, la déréglementation est aussi une réalité, depuis 2000, pour les clients industriels. Une nouvelle étape sera franchie, en 2004, avec EDF pour le marché professionnel, et, en 2007, pour celui des particuliers. En 2006, La Poste subira sa véritable mutation, puisque le seuil du domaine réservé pour le courrier sera abaissé à 50 g, avant de passer à une libéralisation totale, d'ici à 2009. Quant à la SNCF, elle verra ses concurrents arriver sur le rail, en 2008, pour les voyageurs.

Mutations

Pour se préparer à ces mutations, le gouvernement a insufflé quelques pistes de réflexion. L'ancien banquier René Barbier de la Serre a rendu, en février dernier, un rapport au ministère de l'Economie et des Finances, détaillant ses recommandations sur le fonctionnement des comités d'audit. A la clé, dix-huit propositions qui préconisent non seulement l'ouverture du capital de toute entreprise publique travaillant dans le champ concurrentiel, mais aussi un rôle plus restrictif de l'Etat, devenant actionnaire au même titre que les autres détenteurs des parts d'entreprise.

Changement de stratégie

Les hommes politiques se sont également mis de la partie. Gérard Larcher, sénateur (UMP) des Yvelines et maire de Rambouillet, a planché sur le dossier de La Poste, tandis que Philippe Douste-Blazy, député-maire de Toulouse (UMP), a, lui, présidé une commission d'enquête parlementaire qui prônait, en juillet dernier, le statut de SA pour les entreprises publiques.

Aucune directive européenne n'oblige, cependant, les monopoles d'Etat à changer de statut. Mais l'ouverture à la concurrence suppose un changement de stratégie, calquée davantage sur le modèle des concurrents européens - la plupart étant privés - et susceptible de remettre en cause un certain nombre d'acquis sociaux qui font leur spécificité. Car, comment jouer la pérennité de ces entreprises avec des règles du jeu complètement différentes ?

Sauvegarde du patrimoine national

Quelques écueils subsistent, toutefois, pour privatiser les entreprises publiques. Les syndicats, CGT en tête, restent farouchement opposés à toute idée de privatisation qui dilapiderait le patrimoine national.

La détérioration du système ferroviaire britannique privé, par exemple, fournit à chaque accident un peu plus d'arguments aux fervents partisans du service public à la française. Les coupures d'électricité survenues subitement, cet été, en Italie et aux Etats-Unis, ont également ravivé les inquiétudes.

Sujet explosif

La sauvegarde des acquis est aussi au coeur des revendications. Alors que les salariés de la SNCF n'étaient pas touchés par la réforme des retraites, leur mobilisation a tiré, à elle seule, le mouvement contre le projet de loi Fillon. L'alignement des régimes spéciaux de retraite sur le régime du privé reste un sujet explosif, et personne n'ose s'y attaquer réellement. Les disparités sont pourtant énormes : départ à 50 ans pour les roulants de la RATP et de la SNCF après vingt-cinq ans de service, 41 années de cotisation en 2012 et 42 années en 2020 pour le régime "normal", salariés et fonctionnaires.

Soucieux d'éviter une nouvelle crise sociale - le spectre des grandes grèves de 1995 est toujours tenace -, le gouvernement avance à pas comptés. Certes, en quelques mois, certaines réformes ont été menées.

Air France s'est rapproché de KLM, le transporteur néerlandais, et le Sénat a adopté, le 22 octobre dernier, la loi sur la privatisation de France Télécom, qui garantit le statut de fonctionnaire aux 105 000 agents salariés de l'opérateur. « Ce projet de loi est une Smart », il se gare n'importe où », disait, à son propos, Thierry Breton, le président de l'entreprise. Un texte qui, de l'avis d'Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS, pourrait également ouvrir la voie aux réformes de La Poste et de la SNCF : « Ce texte est judicieux : il montre qu'une SA peut garder une mission de service public, être contrôlée partiellement par l'Etat et préserver le statut de fonctionnaire. »

Métamorphose progressive

Mais le gouvernement préfère étudier les dossiers sans précipitation. A La Poste, la métamorphose se fait, ainsi, progressivement. Si le contrat de plan 2004-2007, signé le mois dernier, permet à l'entreprise d'élargir la gamme de ses services financiers en lui donnant la possibilité de distribuer des crédits immobiliers sans épargne préalable, il fait carrément l'impasse sur les questions des retraites des postiers, un sujet qui handicape pourtant lourdement l'établissement public.

Michel Pesnel, secrétaire général adjoint de FO communication, souligne l'effet de « bombe à retardement » du financement des retraites : « L'entreprise risque d'être en rupture de paiement en 2010. A cette date, en effet, le régime des retraites comptera plus de retraités que de cotisants ; 100 000 départs de fonctionnaire sont prévus d'ici à 2010. »

Pour l'heure, l'entreprise supporte une charge de retraite stabilisée, de manière dérogatoire, autour de 2 milliards d'euros, l'Etat assumant, seul, la dérive annuelle de cette charge, soit environ 100 millions d'euros. En 2010, si rien n'est fait, la part de l'Etat passera à 781 millions d'euros. A la SNCF et à la RATP, en revanche, pas de changement. Le gouvernement hésite, pour l'heure, à réformer.

Défricher les sujets sociaux

Quant à EDF et à GDF, le gouvernement a demandé aux deux présidents, François Roussely et Pierre Gadonneix, de déminer le terrain en défrichant tous les sujets sociaux explosifs. Ils ont lancé une consultation sociale auprès des syndicats, des usagers et des personnels, afin de déboucher sur « un projet ambitieux et cohérent ». Les directions des entreprises ont promis d'aboutir, avant la fin de l'année, avec, pour conséquence, une ouverture statutaire, préliminaire à une ouverture de capital à moyen terme.

Mais là encore, la prudence est de mise. Echaudés par l'échec du référendum sur la réforme des retraites, directions et syndicats ne semblent pas pressés d'ouvrir une nouvelle confrontation. Comme le gouvernement, ils ont décidé de prendre leur temps.

L'essentiel

1 Le compte a rebours a commencé pour les monopoles d'Etat. Engagée par les traités européens, de la signature du traité de Rome, en 1957, à celle du traité de Barcelone, l'an passé, la déréglementation commence, à divers degrés, à faire sentir ses premiers effets.

2 Soucieux d'éviter de nouveaux embrasements, le gouvernement avance à petits pas. Par exemple, il a demandé aux présidents d'EDF et de GDF de déminer le terrain en défrichant tous les sujets sociaux explosifs. A La Poste, le contrat de plan fait l'impasse sur le sujet des retraites.

3 Le projet de loi sur France Télécom va permettre à l'Etat de passer sous le seuil des 50 %, mais il garantit le statut aux 105 000 fonctionnaires salariés de l'opérateur.