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Le pacte de management, pour cadrer les règles du jeu

SANS | publié le : 04.11.2003 |

Le contrat de travail traditionnel ne paraît plus adapté comme cadre organisateur des relations de travail. La négociation d'un "pacte de management" est une piste à explorer par les managers de demain.

E & C : Le "pacte de management" vous paraît être une piste à explorer dans les relations du travail de demain. En quoi consiste-t-il ?

Sylvie Roussillon : Le pacte de management est un engagement moral temporaire et réciproque, conclu entre une personne et son manager, une équipe ou un individu et une entreprise.

Actuellement, il est le plus souvent implicite, fondé sur un échange, perçu par les parties comme réaliste et équilibré, de contributions et de rétributions réciproques, dans le cadre de la relation professionnelle. Par exemple, l'échange d'une liberté d'horaires contre des résultats de très bon niveau, celui des moyens de travailler efficacement contre un soutien fort... Ce type de pacte existe le plus souvent dans la pratique quotidienne des équipes performantes, mais tant qu'il reste implicite, ses termes sont parfois mal cernés et peuvent faire l'objet d'erreurs d'interprétation. De plus, il est difficile à faire évoluer.

Etre capable de le penser et de l'analyser devient nécessaire pour anticiper des moments où l'on est en danger de rompre ce pacte. Souvent, le manager ne s'aperçoit de rien, jusqu'au moment où il perd des gens extrêmement précieux. En effet, les éléments implicites n'apparaissent qu'au moment où ils sont mis en défaut. Rendre explicite le pacte de management, c'est proposer au manager comme au salarié de mettre les choses à plat, de renégocier les conditions qui permettent de continuer à avancer ensemble, de construire le cadre et les règles du jeu de leur coopération.

E & C : Pourquoi les entreprises ont-elles intérêt à développer ce mode de pilotage des relations de travail ?

S. R. : L'organisation des entreprises est de plus en plus complexe et oblige à réfléchir à des modes de contrat différents. Aujourd'hui, on propose aux équipes des missions tendues vers des objectifs, et les recouvrements de missions entre les uns et les autres sont monnaie courante, quand elles ne sont pas organisées volontairement. Les équipes n'ont plus ni unité de lieu, ni unité de métier, ni unité de temps de travail et, quelquefois, pas d'unité d'appartenance à une même entreprise. Face à cette complexité, le cadre du contrat de travail et celui du système d'analyse des postes sont en permanence insuffisants. Le pacte de management est une façon de répondre à cette complexité en pensant la mise en place d'un nouveau cadre organisateur de la relation.

Par ailleurs, les entreprises ne peuvent plus manager de la même façon des individus qui, désormais, assument le risque et l'aléa à leur place (plans sociaux, délocalisations, etc.). Enfin, les entreprises ont beaucoup augmenté leurs exigences au- près des salariés, en termes de compétences, de complexité de métier et d'autonomie. Du coup, les salariés exigent une plus grande reconnaissance de leurs capacités. Et, comme la sécurité ne vient plus de l'entreprise, mais de la capacité à rebondir, ils sont beaucoup plus vigilants sur les conditions de travail leur permettant de développer des savoir-faire.

E & C : La difficulté du pacte de management réside dans sa très forte individualisation. Comment concilier management individuel et management collectif ?

S. R. : La valeur ajoutée attendue de chaque individu a beaucoup augmenté. On réduit le nombre de personnes pour la même production, pour le même service rendu. Donc, le mode de management est forcé de suivre.

Mais, s'il est individuel, il est aussi à l'intérieur des équipes. La notion d'équipe devient fondamentale : aujourd'hui, on appartient à des équipes qui sont tout le temps susceptibles de changer, en particulier dès qu'il y a fonctionnement transversal et par projet, ce qui est la tendance actuelle. Cela signifie que la capacité à construire des règles du jeu au sein d'une équipe devient une compétence consciente et non pas quelque chose qu'on laisse faire sans savoir comment ça se passe. La notion de pacte de management s'utilise donc bien avec une équipe.

E & C : Et comment concilier le pacte de management avec les règles de négociation collective ?

S. R. : Quand on parle de pacte de management, il est évident que si quelqu'un n'a pas une capacité de négociation, la conscience de sa valeur, une juste appréciation de son pouvoir, il risque d'être laminé. Donc, en aucun cas, le pacte de management ne remplace les bases de la négociation collective, il s'appuie simplement sur elles, qui doivent demeurer comme soutien des plus faibles par le collectif.

E & C : Comment voyez-vous le rôle du DRH ?

S. R. : Son rôle n'est plus de gérer des populations, d'organiser, en quelque sorte, une administration de la carrière, mais de mettre en place des modes de recours (médiations, recours divers...) pour éviter les excès et les violences que favorise la dérégulation interne à l'entreprise, et d'offrir aux personnes la possibilité de développer leurs compétences, en particulier leurs compétences à négocier des pactes de management. Cela veut dire des bilans de carrière, de la formation, du coaching quand c'est nécessaire, un accompagnement des personnes sur leurs plans de développement à moyen terme : quitter l'entreprise n'est pas forcément une catastrophe, c'est le signe que le temps passé ensemble est terminé.

SES LECTURES

- Théorie des organisations, Jacques Rojot, Eska, 2003.

- RH, les meilleures pratiques des entreprises du Cac 40, Frank Bournois, éd. d'Organisation, 2003.

- Le plaisir de travailler, Maurice Thévenet, éd. d'Organisation, 2000.

PARCOURS

Docteure en psychologie, Sylvie Roussillon enseigne le management des RH et le développement personnel à l'EM-Lyon et à l'université Lyon-3.

Elle est intervenue dans de nombreuses entreprises industrielles et de services sur les problématiques de développement personnel et de coaching.

Elle a publié, avec Frank Bournois, Préparer les dirigeants de demain (éd. d'Organisation, 1998) et est l'un des auteurs de Pourquoi j'irais travailler, ouvrage collectif qui vient de paraître aux éditions Eyrolles.