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L a prévoyance sera-t-elle victime des retraites ?

SANS | publié le : 28.10.2003 |

Entre retraites et prévoyance, dont les exonérations fiscales coûtent cher, Bercy pourrait trancher en faveur des premières. Institutions de prévoyance, syndicats et DRH s'alarment de la réduction des déductions pour la santé, qui pourrait conduire à un recul des garanties offertes aux salariés.

Le projet de loi de finances de 2004, qui modifie les règles fiscales des cotisations de prévoyance/ santé risque de saler la note des régimes collectifs, pour les entreprises et les salariés. Jusqu'à présent, ceux-ci bénéficiaient d'un plafond global de déduction de 3 % de huit fois le plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS), soit 7 004 euros. Dans le projet de budget 2004, cette limite demeure, mais seulement pour des cadres dont la rémunération atteint ce montant. Pour les autres, l'enveloppe a diminué, car la déduction n'est plus forfaitaire, mais proportionnelle au salaire et limitée à 3 % de celui-ci. En bas de l'échelle des rémunérations, un plancher de 7 % du PASS, soit 2 043 euros, garantit un minimum de déductibilité. En clair, pour fournir aux retraites par capitalisation une belle dot fiscale, Bercy économise sur la prévoyance d'entreprise.

Colère de la CFE-CGC

La CFE-CGC ne décolère pas, et fait valoir qu'avec une telle architecture, les plus pénalisés seraient les cadres moyens qui gagnent deux à trois fois le plafond. Des réintégrations pourraient avoir lieu dès 1,5 plafond. En outre, les entreprises aux effectifs vieillissants seraient encore plus touchées en raison de coûts de santé plus élevés. Le tout dans un contexte de désengagement de la Sécurité sociale.

« Le coût des couvertures de prévoyance collective augmente depuis quinze ans. Malgré cela, le gouvernement choisit de taxer encore plus les cotisations qui financent ces régimes », s'insurge Bertrand Boivin-Champeaux, responsable technique et financier du Ctip (Centre technique des institutions de prévoyances). Il préconise de relever le taux aux alentours de 6 % du salaire, soit un niveau cohérent avec le coût réel des garanties. De fait, pour des régimes qui ne sont pas exagérément luxueux, les cotisations atteignent souvent 5 % des salaires.

Cotisations inchangées

Selon le Ctip, il faut soit maintenir des cotisations inchangées partiellement réintégrées dans le revenu imposable, soit engager des négo- ciations avec les partenaires sociaux sur une baisse des cotisations... et de certaines garanties. « Tout laisse à penser que les entreprises et les salariés préféreront ne pas toucher aux garanties et payer davantage d'impôts », estime Olivier Poncin, directeur du département marketing opérationnel et communication de Generali France.

La question est d'actualité chez l'industriel 3M France, qui s'apprête à renégocier son régime de prévoyance lourde et frais de santé, un système à la carte mis en place en 1991. « Les salariés y sont très attachés, et il me semble qu'ils seraient prêts à supporter une réintégration d'une partie de leurs cotisations, estime Judith Lyon, directrice rémunération et prévoyance. La direction souhaite maintenir un bon niveau de prestations, en dépit de la hausse des cotisations annoncée. Nous n'envisageons pas de modifier notre régime. S'il devait y avoir un arbitrage, il se ferait plutôt sur d'autres avantages sociaux, en fonction des populations concernées. »

Arbitrages

La réforme pourrait-elle conduire à des arbitrages entre prévoyance et retraite ? C'est l'avis du Ctip : « La législation fiscale se veut, à certains égards, incitative sur les couvertures retraite. Mais on voit mal les raisons qui conduiraient les entreprises à développer des régimes de retraite supplémentaire, alors qu'elles doivent supporter une taxation plus lourde sur leurs couvertures de prévoyance ! »

Enveloppes distinctes

Ce n'est pas l'avis d'Olivier Poncin : « Les enveloppes de déductibilité retraite et prévoyance sont distinctes. Ce sont deux problèmes différents, qui ne peuvent pas être résolus par un arbitrage entre les deux. » « Entre un risque sûr, la retraite, et un risque plus aléatoire, le décès, l'incapacité et la santé, nous choisirons la retraite, explique le DRH d'un grand groupe d'électronique. Et nous devrons sans doute réorganiser notre prévoyance, peut-être en deux régimes disctincts, dont l'un plus cher et facultatif. Grâce à notre taille, nous parviendrons certainement à bien négocier les garanties. Mais j'ai peur pour les PME. »