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« Ce qui est difficile, c'est la transition, pas le changement »

SANS | publié le : 21.10.2003 |

Les entreprises et leurs salariés doivent s'adapter en permanence alors que la résistance au changement est un phénomène naturel. Pour bien gérer les transitions, la fonction de responsable du changement est stratégique.

E & C : Vous occupez, depuis février 2003, la fonction de directeur du changement et du développement social chez Coca-Cola Entreprise. Pourquoi cette fonction a-t-elle été créée ?

Philippe Reboul : L'entreprise a de multiples projets à mener en permanence et ils sont tous stratégiques. Par exemple, nous avons un projet d'ERP qui va rendre notre système d'information totalement intégré. Cela concerne la majorité des salariés* dans les deux années à venir. La direction a estimé qu'il fallait les préparer à bien vivre ces changements. C'est pourquoi elle a créé cette fonction qui doit permettre d'instaurer une culture de la conduite du changement. J'interviens comme ressource auprès des managers qui ont un projet business, industriel ou commercial. Je les aide à réfléchir à la façon de mettre en oeuvre le changement dans leur site, à utiliser les outils qu'ils ont eu en formation. Il faut préciser que l'entreprise a créé cette fonction parce qu'elle a un niveau de maturité qui le permet. Les fondamentaux d'une politique RH sont déjà en place : démarche de développement des hommes et des compétences, politique salariale qui rémunère la performance, etc.

E & C : En quoi consiste, pour vous, la conduite du changement et quels outils mettez-vous en place ?

P. R. : Ce qui est difficile, ce n'est pas le changement, mais la transition. Le changement est quelque chose d'objectif, qui repose sur des faits, est observable et est daté dans le temps. Quand il s'agit de simplement décrire ce qui va se passer, il n'y a pas de difficulté. Celle-ci arrive au moment où le changement se met en route. On arrive, alors, sur une zone neutre, que l'on ne connaît pas. Il va falloir retrouver ses repères, recréer des habitudes de travail, de nouveaux automatismes. C'est cette phase critique de transition qui nous préoccupe, car c'est dans cette période que les collaborateurs ont besoin d'être accompagnés. Les entreprises la sous-estiment souvent. Elles veulent aller vite et ne présentent que les avantages d'une solution, expliquent au salarié qu'il doit être très réactif, souple, ouvert au changement. Dans nos formations à la conduite du changement, nous faisons prendre conscience aux managers que cette phase de transition est indispensable, qu'elle correspond à un moment naturel de résistance au changement. On apprend aux managers à faire l'analyse des pertes et des profits pour chacun des collaborateurs. Cette période ne se manage pas, elle s'accompagne. Cela signifie que le manager est aux côtés de ses collaborateurs, les écoute. Nous sommes là dans un registre extrêmement individuel et intérieur. Le risque d'une transition mal gérée, c'est un collaborateur qui se centre sur lui, est trop stressé pour être dans l'action.

E & C : C'est là que votre fonction fait le lien avec le développement social ?

P. R. : La capacité à conduire le changement fait partie du développement social. Plus on développera la capacité des managers à conduire le changement, plus les collaborateurs seront à l'aise et plus on ira vite dans la conduite des projets. Aujourd'hui, dans notre environnement concurrentiel, c'est le plus rapide qui gagne. Nous sommes aussi conscients qu'il y aura bientôt une tension sur le marché de l'emploi, due à l'élévation de la pyramide des âges. Cela va poser des problèmes de recrutement et de fidélisation. Demain, ce qui fera la différence pour les jeunes diplômés, ce sera probablement aussi l'ambiance, le climat. Les salariés ne veulent plus tout donner au travail comme il y a dix ou quinze ans, même s'ils restent passionnés et motivés. Ils ont besoin d'écoute et il faut répondre à ce besoin. Les partenaires sociaux, à qui nous avons présenté nos projets tout récemment, ont été sensibles au fait que l'on forme les managers à la conduite du changement, et très intéressés par l'accompagnement fait sur le registre individuel.

E & C : Cette fonction est-elle appelée à se développer dans les grandes entreprises ?

P. R. : Beaucoup d'entreprises se dotent de structures ou d'équipes qui ont en charge la conduite du changement le temps de la mise en oeuvre d'un projet. Même chez Coca-Cola, il y a des change managers sur les projets. Mais il est plus rare de créer une fonction pérenne. Je pense qu'on en est au début.

E & C : Quelles sont les conditions de réussite d'une telle fonction ?

P. R. : Bien connaître l'entreprise, car il faut être à l'écoute des collaborateurs et de ce qui s'y passe. On peut utiliser des outils comme l'enquête d'opinion, que nous menons tous les deux ans. Mais savoir mettre en perspective les résultats d'une telle enquête, parce que vous avez vous-même été sur le terrain, apporte une bien meilleure compréhension. Enfin, la réussite passe par une vraie implication du plus haut niveau de l'entreprise.

* 2 500 personnes en France.

SES LECTURES

- Halte aux absurdités technologiques, Yves Lasfargue, Ed. d'Organisation, 2003.

- Le manager intuitif : une nouvelle force, Meryem Le Saget, Dunod, 2003.

- Le plaisir de travailler, Maurice Thévenet, Ed. d'Organisation, 2000.

PARCOURS

Diplômé de l'ESC Montpellier, Philippe Reboul a fait ses débuts chez Gervais-Danone, puis est entré chez Coca-Cola Entreprise, où il a passé treize ans dans des métiers opérationnels dans plusieurs régions. Avant de prendre le poste de directeur du changement et du développement social, au siège, il était directeur régional Nord.

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