Avec l'innovation participative, le management devient stimulateur et agitateur d'idées. Il doit savoir montrer sa reconnaissance aux collaborateurs qui s'impliquent dans la réussite de l'entreprise. Zoom sur les expériences d'Accor et d'Alstom Marine.
Dans le domaine des services, la démarche de l'innovation participative est beaucoup plus récente que dans le secteur automobile. Le groupe d'hôtellerie et de services Accor l'a initiée en 2000 : «
Au coeur de ce dispositif, un réseau d'une trentaine "d'innovacteurs", un par pays ou par métier, qui jouent le rôle de facilitateurs de l'innovation : ils forment et informent, aident à la formulation des idées, lancent des challenges... « Les innovacteurs, correspondants du responsable innovation chargé d'animer le réseau, appartiennent, la plupart du temps, à la DRH, mais ils peuvent être directeurs d'hôtel ou responsables marketing », explique Bruno de Montalivet.
Parmi ces idées, naissent les "bonnes pratiques" généralisables à l'échelle d'un continent. « Les idées les plus simples sont souvent les plus efficaces, lance-t-il. Des exemples ? En Europe, dans les hôtels Ibis, la femme de chambre éteint les téléviseurs restés en veille. A l'échelle du groupe, cela représente une économie qui peut s'élever à un million d'euros par an... Ailleurs, une gouvernante bien inspirée économise entre 4 et 6 jours de travail par mois en inventant des codes couleurs qui permettent aux laveries de rendre des draps pré-triés à l'hôtel... » Le système repose sur la reconnaissance, la mise en valeur de l'auteur et la récompense par des points, chaque point équivalant à une heure de salaire brut du pays. Une idée représente de un à soixante points, échangeables contre des chèques-cadeaux.
Sur un effectif de 150 000 salariés dans 26 pays, plus de 18 000 sont inscrits à
Chez Alstom Marine, une filiale du groupe Alstom spécialisée dans la construction navale, il n'est sûrement pas interdit de rêver. Bien au contraire. A Saint-Nazaire (44), le personnel y est même encouragé. A la Maison de l'innovation des Chantiers de l'Atlantique, le droit au rêve s'exerce dans une salle de documentation accessible, conviviale et avec accès Internet... un lieu de recherche où l'utile se joint à l'agréable. Ici, les pourvoyeurs d'idées peuvent venir, sur leur temps personnel, peaufiner leur projet. Cette démarche a débuté en 2001, dans la foulée du plan Cap 21, qui a permis de réduire les coûts de fabrication de 30 %. Pour Daniel Beziaut, responsable de cette Maison, « tout membre de l'entreprise peut présenter ses idées les plus folles et les développer ».
Dans cette entreprise, l'innovation a pour particularité de reposer sur un réseau informel, en dehors de la voie hiérarchique, adapté aux idées transversales ou trop originales pour être traitées par les circuits classiques. Les créateurs se mettent dans la peau d'un scénariste : ils mettent leur projet en scène sous forme de synopsis. « A ce stade, nous ne parlons pas de technique mais de rêve. Nous n'émettons, d'emblée, aucune critique du type "ça ne marchera jamais". Comme des jardiniers, nous faisons germer les idées et les aidons à grandir. L'accueil et l'écoute sont essentiels », souligne Daniel Beziaut. Le système repose sur le volontariat du réseau d'innovateurs. Ils constituent des groupes de soutien, de quatre à plus de vingt personnes, en fonction des idées qui les motivent. D'abord enrichi grâce aux techniques de créativité telles que le brainstorming, le projet est ensuite étudié, d'un point de vue technique et économique. Le dossier est ensuite transmis à un comité de décision de composition variable en fonction de la nature du projet. « Souvent, quand l'innovateur vient nous voir, il n'a pas trouvé les voies pour faire avancer son dossier. Nous établissons alors des ponts avec les services concernés. » Reste à gérer les déceptions : « On ne tue pas les rêves, on les laisse mûrir. Des idées qui ne voient pas le jour peuvent en faire naître d'autres... »
Si elle ne dépend pas des rapports hiérarchiques, l'innovation a cependant des incidences certaines sur le management ou la logistique sociale. Une moitié des projets à l'étude ou en cours de réalisation concernent l'organisation du travail : badgeage par reconnaissance digitale, mise en place d'une crèche ou accès à l'information sur le chantier à bord du paquebot Queen Mary II grâce à des bornes et à des terminaux... Près de 10 % du personnel, essentiellement l'encadrement intermédiaire, s'implique dans la démarche. « Nous voulons l'élargir à l'ensemble des collaborateurs », assure Daniel Beziaut. Cela passe par un renforcement de la communication et une augmentation du nombre d'innovateurs capables d'essaimer. Au total, plus de 400 idées ont été recueillies, dont un cinquième ont été présentées au comité de décision. Les économies espérées atteignent plusieurs millions d'euros. « Au-delà de l'objectif de 1 000 idées par an, conclut-il, il nous importe, avant tout, de faire entrer l'innovation dans le quotidien du personnel d'Alstom Marine. » Quand l'innovation devient un état d'esprit...
1 Promouvoir la créativité et l'initiative dans les équipes. C'est le sens du projet de management participatif des idées mené chez Accor.
2 Dans le groupe de services, le système repose sur la reconnaissance, la mise en valeur de l'auteur de l'innovation et la récompense par des points équivalant à des heures de salaire.
3 Chez Alstom Marine, l'innovation repose sur un réseau informel, adapté aux idées trop originales pour être traitées par les circuits classiques de décision.
Créée en septembre 2002, l'association Innov'Acteurs promeut l'innovation participative. Elle fédère toutes les activités qui favorisent son développement et regroupe des membres du secteur public et privé : Renault, La Poste, SNCF, Accor, Société générale...
Chaque année, elle organise une journée portes ouvertes dans une entreprise ayant mis en oeuvre une démarche participative exemplaire, ainsi qu'un Carrefour de l'innovation participati- ve avec rencontres, réflexion et partage d'expériences à l'appui.