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SANS

Chantons sous la pluie

SANS | publié le : 07.10.2003 |

Situation d'urgence. Dimanche soir tard. La nuit est déjà tombée. Coincé dans le fin fond d'une campagne, voiture en rade totale, trains inexistants, pas de car, impossible de reporter les rendez-vous menacés. Et, en plus, il vient de se mettre à pleuvoir. L'ambiance devient tendue. Trouver une solution, n'importe laquelle, mais vite. Sinon, c'est le double feu nucléaire famille-client. En tirs croisés. Redoutable.

Faites chauffer le portable ! D'abord les divers services de renseignements : accueil parfait. J'ai de la chance : je viens d'échapper au célèbre et détestable « pour obtenir un renseignement, tapez dièse ». Et, pour paraphraser un comique célèbre : qu'est-ce qu'on croit, que je téléphone au service du renseignement pour acheter une choucroute garnie ? Bon. Pas de « tapez dièse ». On progresse. Ne pas se plaindre. Tiens, on décroche tout de suite. De mieux en mieux. Si ça veut rire, je vais me tirer de ce traquenard. L'espoir fait vivre.

Une voix préenregistrée essaie de me faire croire que je suis personnellement attendu avec le plus grand intérêt, que le client est roi, sourire-bonjour, et que s'ouvre pour moi l'éden du service parfait. La chance que j'ai, là, sous la pluie, avec ma voiture épuisée, et probablement même définitivement morte !

Il y a quelqu'un, derrière la voix mécanique ? Oui, il y a quelqu'un. Quelqu'un qui connaît bien les procédures. Les applique avec conscience. N'y déroge pas. Ne l'envisage même pas. Reste hermétique à toute question hors procédure. Et continue de sourire en parlant, comme le précise la consigne.

Bon. Restons calme. Tentons de joindre quand même les gens au numéro de téléphone extorqué à grands coups de compliments à la pauvre préposée de fonction le dimanche. (Avec les gamins qui mettent le Bronx dans toute la maison pendant ce temps-là. Et c'est pas les jours de repos qui vont permettre de renouer le fil de l'autorité parentale des femmes seules. Mais passons. C'est un autre sujet.)

Pour l'instant, il me faut une voiture, un train, un car, un char à foin, n'importe quoi, je m'en fiche. Un moyen de retourner chez moi. Voilà ce que je veux. On décroche. Ah, cette fois, peut-être ?

Et ça recommence ! Aimable, appliquée. A fond dans la consigne. Doit sortir tout juste d'un stage de formation : comment écouler un minimum de 100 appels dans l'heure sans jamais se fâcher avec quiconque. Championne du monde de la courtoisie. Accessit de compassion.

Mais je m'en fiche, moi, de la courtoisie. Je veux qu'on m'aide même quand j'ai perdu ma carte d'adhérent, même quand j'ai tort, même si, c'est vrai, j'ai perdu le sésame, le numéro machin, le code absolu, la référence trucmuche, etc. Je veux juste qu'on m'aide.

Imperturbable. Polie. Charmante. Mais pas de numéro, pas de dépannage. Il n'y a pas d'exception à la procédure. Sincèrement désolée, vraiment. Eh bien voilà, nous y sommes. Un monde sous la double dictature de la communication et des systèmes d'information.

Peu importe la réalité. Ce qui compte désormais : sourire et appliquer les procédures. Fermez le ban !