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Les PME seront contraintes à la responsabilité sociale

SANS | publié le : 30.09.2003 |

L'Orse s'apprête à publier une étude sur les pratiques de développement durable dans les PME. Pour François Fatoux, son délégué général, de nouvelles contraintes pourraient encourager les grands groupes à accompagner les PME dans ce domaine et sortir du modèle de la pression sur les coûts.

E & C : Les grands groupes cotés sont entrés dans des démarches de responsabilité sociale ou, au minimum, doivent communiquer sur leur prise en compte du développement durable. Qu'en est-il des autres, et en particulier, des PME ?

François Fatoux : Sur les grands groupes ont pesé la pression des agences de rating, des obligations concernant le reporting, avec l'article 116 de la loi NRE en France, ainsi que l'influence de certains actionnaires socialement responsables, dans les pays anglo-saxons surtout. Rien de tout cela pour les PME. Elles échappent au rating social et à la loi NRE qui ne concerne que 950 entreprises cotées. Quant aux investisseurs, ils n'interviennent pas, aujourd'hui, sur ces sujets.

Mais cela ne signifie pas que les PME soient insensibles à l'approche socialement responsable. Certains enjeux, déterminants pour elles, les y incitent : elles ont le souci de conserver leurs clients, d'assurer la fidélité des salariés, sans pouvoir déployer des politiques de rémunération aussi généreuses que celles des grands groupes ; enfin, elles sont intégrées dans un tissu local dont elles dépendent beaucoup.

E & C : A l'avenir, d'autres éléments pourraient-ils favoriser l'approche socialement responsable dans les PME ?

F. F. : Plusieurs contraintes externes vont dans ce sens. D'une part, les grands groupes, sous la pression de plus en plus forte des agences de notation et des médias, cherchent à externaliser certains risques vers leurs fournisseurs. Mais ils ont besoin aussi de s'assurer que leur chaîne de sous-traitance est cohérente. De plus en plus, le rating recherche des incohérences dans la chaîne de production : par exemple, un constructeur automobile ne pourra plus faire valoir ses performances en matière environnementale si une partie de ses sous-traitants continue à polluer.

D'autre part, le rating social se décline de plus en plus finement par secteurs. Pour les établissements financiers, cela signifie qu'on ne leur demandera plus leur taux de rejet de CO2, comme ce fut le cas, mais qu'ils pourraient être interpellés sur la question de leurs relations avec des clients aux pratiques sociétales condamnables. Banques et assurances s'organisent, actuellement, pour accompagner des PME clientes vers des pratiques de développement durable. Il s'agit à la fois d'un nouveau service et d'une nécessité.

E & C : Les donneurs d'ordres peuvent-ils demander à leurs fournisseurs d'être socialement responsables, sans revoir leur acte d'achat ?

F. F. : Jusqu'à présent, la pression sur les coûts a structuré les politiques d'achat. Nous constatons, à l'Orse, que le modèle de relation entre les donneurs d'ordres et leurs fournisseurs reste marqué par une approche traditionnelle, moralisatrice et fondée sur le rapport de force. Ce modèle économique porte une logique de fragilisation des fournisseurs. Leur imposer de s'engager sur les principes du développement durable sans revoir ce modèle de la pression économique, revient à les pousser à la faute. Cette situation n'est pas tenable.

Mais les grandes entreprises mesurent encore mal certains coûts cachés. Qu'il s'agisse de ruptures de chaîne dans des productions en juste-à-temps, ou du risque sanitaire dans les industries agroalimentaires, le coût caché d'un dysfonctionnement est infiniment supérieur à celui de la prestation. On ne sait pas, non plus, mesurer le coût caché du remplacement d'un fournisseur défaillant par un autre, ni mesurer le risque d'image que font courir des problèmes de délais ou de non-qualité à une entreprise de services. Certains, comme Sanofi-Synthelabo, ont engagé une réflexion sur la relation avec leurs façonniers en chimie-pharmacie et une démarche d'accompagnement, pour s'assurer de l'approvisionnement, de la sécurité et de la qualité des produits qui leur sont fournis.

Et à côté des audits sociaux chez les fournisseurs, avec menace de déréférencement, on voit déjà apparaître quelques démarches d'engagement réciproque, dans l'automobile ou chez Accor, qui mettent en évidence l'idée d'une responsabilité du donneur d'ordres vis-à-vis des sous-traitants. Autre pratique : la réunion régulière de l'ensemble des fournisseurs (Accor, AGF, Renault), qui peuvent faire valoir une parole collective sur la relation avec le donneur d'ordres. Enfin, les acheteurs sont devenus une population cible : 40 % d'entre eux, dans les grands groupes, auraient été sensibilisés aux pratiques de développement durable.

La difficulté restera de trouver des instruments de mesure et de reporting pour les PME, à la fois suffisamment fins pour prendre en compte leur secteur et leur taille, simples d'emploi et peu chronophages.

SES LECTURES

La déontologie : ce qui va changer dans l'entreprise, Yves Médina, éditions d'Organisation.

Développement durable et gouvernement d'entreprise, Thierry Wiedemann-Goiran, éditions d'Organisation.

Justice sans limites, Serge Latouche, éditions Fayard.

PARCOURS

François Fatoux, 43 ans, a participé, en mai 2000, à la création de l'Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse), dont il est le délégué général. L'Orse publiera, en octobre, une étude identifiant les pratiques des PME en matière sociétale.

- François Fatoux était, auparavant, à la DRH de l'Inra, avant d'intégrer la CFE-CGC (Confédération générale des cadres), en 1986, au service social. Il a participé aux négociations sur les retraites complémentaires, le chômage, la santé, et réalisé des bandes dessinées à caractère professionnel (prévoyance, retraites, épargne salariale...).