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Le "syndrome Ardystil" jugé, douze ans après

SANS | publié le : 23.09.2003 |

De jeunes salariés inexpérimentés respiraient les produits chimiques de l'impression textile, dans des PME espagnoles. Six en sont morts. Au début de l'été, douze ans après, le tribunal a désigné les coupables : les employeurs et l'inspection du travail.

Il aura fallu près de douze ans pour que l'une des pires tragédies du monde du travail espagnol aboutisse devant la justice. Le 30 juin dernier, le jugement sur l'affaire du "syndrome Ardystil" a reconnu la responsabilité de plusieurs patrons d'entreprises textiles, ainsi que celle de l'Administration publique, pour n'avoir pas assuré la sécurité sur le lieu de travail. Six salariés sont morts de fibrose pulmonaire et des dizaines d'autres souffrent de séquelles graves.

Des locaux inadaptés

Alerté par une rumeur dès 1991, Francisco Molina, secrétaire général de la zone centrale de la région de Valence du syndicat Commissions ouvrières, qui a témoigné lors du procès, découvre que des salariés, la plupart âgés de moins de 25 ans, travaillent dans des conditions épouvantables dans des entreprises de textile, à Alcoy et à Concentaina, au sud de Valence. « Il faut se replacer dans le contexte de l'époque : la récession dans le textile, une production au sein de très petites entreprises », raconte Francisco Molina.

Les salariés, jeunes et peu qualifiés, travaillaient pour la première fois dans des sociétés spécialisées d'impression aérographique de tissus. « Ils pulvérisaient des colorants et des dissolvants avec des pistolets, dans des locaux petits, sans ventilation », explique le syndicaliste. Un cocktail explosif. Des morts auront été nécessaires pour que les pouvoirs publics réagissent. En 1993, le gouvernement de l'époque inclut le "syndrome Ardystil" (du nom d'une des entreprises, où cinq des six employés sont morts) dans la liste des activités et produits facteurs de risque de maladie professionnelle. De son côté, le gouvernement régional de Valence ferme toutes les sociétés du secteur aérographique textile.

Condamnation de sept chefs d'entreprise

La justice a finalement condamné sept des dix chefs d'entreprise inculpés. Le propriétaire d'Ardystil a écopé de six ans de prison, et un inspecteur du travail, qui n'avait pas dénoncé les conditions de travail, à six mois de prison. Mais seuls les anciens salariés d'Ardystil ont droit à une indemnisation de 4,1 millions d'euros, que paiera la région valencienne. D'autres victimes ont fait appel du jugement. « Je suis déçu, car le reste des patrons n'a presque rien eu. Et les producteurs des produits chimiques ne sont pas déclarés responsables ; on ne va pas parler des méthodes d'utilisation, des risques signalés sur les étiquettes ou non », regrette Francisco Molina.

Depuis 1995, il existe, ainsi, une "loi de prévention des risques du travail". Encore faut-il la faire appliquer. L'Espagne est l'un des pays européens comptant le moins d'inspecteurs du travail par salarié.