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L'ANPE adopte la gestion par les compétences

SANS | publié le : 23.09.2003 |

L'Agence nationale pour l'emploi prépare une modernisation du statut du personnel, avec, à la clé, une nouvelle grille de classification des métiers et une reconnaissance des acquis professionnels.

Passer d'une logique de grade à une logique de fonction : c'est le chantier que vient d'entamer l'ANPE pour se moderniser. Si, jusqu'ici, la gestion de carrière était fondée sur un système de concours, avec une progression régulière de la rémunération, la nouvelle grille de classification rompt catégoriquement avec le passé. Désormais, les promotions se feront sur les compétences et la reconnaissance des acquis.

Concours nationaux

« Traditionnellement, les agents étaient recrutés lors des concours nationaux qui leur permettaient d'accéder à un grade et d'occuper des emplois variés, précise Pierre Giorgini, le DGA-DRH de l'ANPE. Or, cette configuration ne prenait pas en compte la notion de métier. Nous avons donc voulu créer une meilleure adéquation entre l'emploi occupé et les compétences professionnelles. » Le but étant d'organiser une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences plus efficace pour mieux anticiper les besoins. « Cette démarche nous permettra, par exemple, de repérer une pénurie d'agents dans tel ou tel domaine ou de constater, à moyen terme, d'importants départs à la retraite sur tel ou tel métier. »

Accord minoritaire

Cet objectif a été finalisé par un accord entre la direction et trois syndicats, la CFDT, l'Unsa, et la CGC, signé le 21 mai dernier. Mais ces trois syndicats sont minoritaires, ne représentant, ensemble, que 27 % des effectifs, selon les résultats des élections professionnelles de 2002. La CFTC, la CGT, Sud, et le Snu (le syndicat majoritaire, avec 24,28 % des voix) ont, en revanche, refusé de signer. Toutefois, les appels à la mobilisation, lancés au printemps dernier, n'ont pas apporté les résultats escomptés, le taux de participation aux journées de grève atteignant 19 % (contre 50 % lors des négociations sur la réduction du temps de travail, en 2001). Preuve qu'intra-muros, le projet suscite peu de réticences.

Deux ans de préparation

Il aura fallu, toutefois, plus de deux ans à l'ANPE pour accoucher de cette réforme. Des réunions d'information ont d'abord eu lieu en interne, d'octobre 2002 à février 2003, pour présenter le projet, avant que les syndicats n'entrent dans le vif des négociations.

Contractuel de droit public

Concrètement, les agents conservent leur statut de contractuel de droit public (ils ne sont pas fonctionnaires), mais disposent d'un nouvel outil de classification. L'agence a, ainsi, adopté un référentiel de métiers comprenant quatre grandes filières d'emploi : le conseil à l'emploi, l'appui et la gestion (la gestion de la paie), le système d'information, et le management opérationnel. A l'intérieur de chacune de ces filières, cinq à six fonctions-repères sont répertoriées et positionnées sur une grille de quatre à cinq niveaux (de la classe I à la classe IV B). Toutes ces fonctions sont évaluées à partir de critères précis mesurant les compétences nécessaires du poste concerné (les savoir-faire), le degré d'expertise (le degré d'autonomie) et les acquis professionnels. S'y ajoutent des critères de performance pour les postes d'encadrement. Chaque niveau correspond à une grille de rémunération de type fonction publique. La "reclassification" consiste à rattacher chaque agent à sa fonction et à lui attribuer un grade de reclassement.

Points forts de la réforme : ce nouveau système favorise les évolutions de carrière par la validation des acquis professionnels. Pour progresser, les candidats ont désormais la possibilité de se présenter à des épreuves écrites ou orales fondées sur les acquis professionnels de l'emploi-repère, ou de présenter et soutenir un dossier de validation.

Effort de formation

Ce système reconnaît également l'effort des agents à se former. Chaque année, un répertoire présentera les certificats internes de compétences approfondies (Cica), "validables" par l'établissement : les problèmes multiculturels, la gestion de la violence, la méthode des "habiletés", le tutorat... L'agent aura la possibilité de suivre une de ces formations, de deux à dix jours, afin de préparer son module de spécialisation. Son effort sera récompensé par une prime de 850 euros et son certificat le conduira à exercer la compétence approfondie pendant, au minimum, deux ans. Ainsi, un agent qui obtiendra un certificat en "méthode des habiletés" devra, durant deux ans, consacrer une partie de son temps à cette méthode de recrutement.

Rémunération individualisée

Dans un même temps, la rémunération sera plus individualisée. Outre les primes de performance calculées sur le résultat collectif de chaque agence, qui représentent entre 457 euros et 533 euros par an, la DRH a mis en place des primes de performance individuelles pour l'ensemble des cadres. Celles-ci sont établies en fonction de critères qualitatifs et quantitatifs et pourront représenter jusqu'à 15 % de la rémunération annuelle.

Perspectives de carrière

Qui gagne, qui perd ? Selon Pierre Giorgini, le DRH, personne ne perd en rémunération. Cette refonte garde, en effet, la progression automatique d'échelon à l'ancienneté, même si elle introduit la possibilité de ralentissement en cas d'insuffisance professionnelle. « La réforme va induire une augmentation de salaire pour 40 % des salariés, notamment les premiers niveaux de qualification, les assistants de gestion et les conseillers adjoints. Elle ouvrira également plus de perspectives de carrière. En outre, la fonction d'animateur d'équipe, au sein des agences, a été revalorisée. Dans le cadre de la décentralisation des décisions, il était primordial de renforcer le rôle de ces managers de terrain. Nous avons donc créé un échelon hiérarchique supplémentaire. Ils ont tous obtenu le statut cadre et ont vu leur rémunération variable augmenter de 1 000 euros. » Deux mille agents sont concernés par cette promotion.

Nouvelles exigences

Pour les partisans de la réforme, la refonte des statuts était nécessaire pour coller aux nouvelles exigences de l'agence. « La mise en place du Pare (Plan de retour à l'emploi) a modifié le contenu de certains métiers, explique Jean-Paul Thivolie, secrétaire général de la CGC-ANPE. Les directeurs d'agence et les animateurs d'équipe voient, par exemple, leurs responsabilités élargies, il était donc logique de revaloriser ces fonctions. »

Les opposants craignent, en revanche, l'émergence d'une "logique de méritocratie et d'individualisme". « Jusqu'ici, pour être promus, tous les agents avaient la possibilité de passer un concours, indique Catherine Lebrun, du bureau fédéral Sud. Désormais, la validation des acquis professionnels repose sur un parcours en trois étapes. L'agent doit, tout d'abord, obtenir le feu vert de son hiérarchique direct pour passer, ensuite, des tests. Et, in fine, c'est la direction qui choisit si l'agent sera promu ou non. »

Noël Daucé, secrétaire général du SNU-ANPE, redoute, de son côté, que cette réforme soit « un laboratoire social » de la fonction publique. Il regrette également qu'elle « laisse de côté un grand nombre d'agents, les conseillers, en l'occurrence, soit près de 43 % des effectifs. Aucune revalorisation de salaire, ni promotion n'est attendue pour cette catégorie ».

Mise en place rapide

Malgré ces réticences, cette réforme devrait voir le jour rapidement. Le texte a déjà reçu le feu vert des ministères de tutelle (Fonction publique, Economie et Travail). Un décret du Conseil d'Etat doit être pris dans les prochaines semaines. Le processus de requalification pourra alors être enclenché, grade par grade. Il devrait s'achever en juillet 2004.

L'essentiel

1 L'ANPE a adopté un nouveau référentiel métiers comprenant quatre grandes filières d'emploi : le conseil et l'emploi, l'appui et la gestion, le système d'information, et le management opérationnel.

2 L'agence fait la part belle à la validation des acquis professionnels pour favoriser les évolutions de carrière.

3 La réforme a induit une augmentation de salaire pour 40 % des agents. La fonction d'animateur d'équipe a été revalorisée : passage au statut cadre et prime de 1 000 euros pour 2 000 agents.

De projet en projet

A l'ANPE, une réforme peut en cacher une autre. Car si la refonte des statuts semble quasiment sur les rails, d'autres projets sont, aujourd'hui, à l'étude. Le nouveau contrat de progrès, discuté actuellement entre la direction de l'agence et l'Etat, pour la période 2004-2008, pourrait chambouler le fonctionnement de l'agence.

Le SNU (premier syndicat) craint, par exemple, que ce nouveau contrat ne débouche sur la filiation de certaines activités. « Ces filiales pourraient, ainsi, faire payer certaines prestations aux entreprises, telles que le recrutement par "les habiletés", qui remporte un vif succès auprès des recruteurs, ou encore l'intervention de l'agence pour le traitement d'un plan social », indique Noël Daucé, secrétaire général du SNU-ANPE.

Autre sujet d'inquiétude : la création de bureaux de placement privés qui pourraient concurrencer l'activité même de l'ANPE. En 1997, la France avait refusé de signer la convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur les agences d'emploi privées. Mais le gouvernement pourrait faire marche arrière et décider d'ouvrir ce marché de l'emploi à de nouveaux acteurs.

Enfin, le rapprochement de l'ANPE et de l'Unedic serait également à l'étude.