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LE MAILLON FAIBLE DE LA RESPONSABILITE SOCIALE

SANS | publié le : 16.09.2003 |

Ateliers de la sueur, dumping social... Les possibles dérives de la sous-traitance sont multiples et soumettent les donneurs d'ordres à un fort risque d'image. Certains groupes essaient de contrôler la qualité sociale de leurs fournisseurs. Au risque de devoir repenser l'acte d'achat. Car la seule pression sur les coûts ne favorisera pas une sous-traitance éthique.

Désormais, le soupçon existe. Cette poupée ou ce ballon de football pourraient-ils s'afficher à prix cassé s'ils n'avaient été réalisés très loin d'ici, peut-être par des enfants, sans doute dans des conditions de travail, de rémunération et de liberté syndicale fort peu contrôlées ? Les enquêtes et les campagnes d'information, menées par des ONG et des associations comme l'Ethique sur l'étiquette ou Clean clothes, ont largement ouvert l'esprit du consommateur sur l'existence de zones de non-droit social, qui permettent la production à prix défiant toute concurrence occidentale. Et elles exposent aujourd'hui les grandes marques à un risque d'image parfois ravageur.

Pourtant, même dans les entreprises qui ambitionnent de se montrer socialement responsables, le sous-traitant reste bien le "parent pauvre des stakeholders", comme le dit Geneviève Ferone, directrice de l'agence de rating social CoreRatings. Les autres parties prenantes de l'entreprise - l'actionnaire, le salarié, la société civile, le client - ont généralement été mieux servies, jusqu'à présent, par les grands groupes cotés.

Sous-traitants indélicats

Salariés indiens ou roumains exploités par des sous-traitants indélicats des Chantiers de l'Atlantique, à Saint-Nazaire, ateliers de la sueur en Asie ou en Amérique centrale, personnels d'entretien ou de nettoyage travaillant pour des rémunérations et dans des conditions de travail minimales dans les hôtels d'Accor : une partie de l'"horreur économique" paraît externalisée chez les fournisseurs. La concurrence internationale et les stratégies de recentrage sur le coeur de métier, visant à sous-traiter au meilleur prix les activités peu génératrices de valeur pour l'entreprise, ne laissent guère de place à la vertu en matière sociétale chez les fournisseurs.

Loi NRE

Néanmoins, avec la montée en puissance de l'exigence de responsabilité sociale, certaines grandes entreprises commencent aussi à redéfinir leurs relations avec les fournisseurs. Plusieurs textes les y incitent depuis peu : la Global reporting initiative (GRI) (1), qui veut établir, au niveau mondial, des lignes directrices pour les rapports de développement durable des entreprises, n'évite pas le sujet en demandant une information sur la prise en compte des droits de l'homme dans l'acte d'achat. Plus précis encore : l'article 116 de la loi française sur les nouvelles régulations économiques (NRE) exige, parmi d'autres éléments sur la responsabilité sociale, que soient précisées l'importance du recours à la sous-traitance et la façon dont l'entreprise promeut les critères de l'Organisation internationale du travail (OIT) - travail des enfants, liberté syndicale, rémunération et conditions de travail... - auprès de ses fournisseurs.

Cohérence des actions

Il s'agit donc de nouvelles contraintes externes, auxquelles s'ajoute le travail des agences de rating social, comme Vigeo ou CoreRatings, en France, par exemple. « Notre agence prend cette dimension en considération dans l'analyse des entreprises, notamment au nom de la cohérence des actions, qui est un des principes du développement durable », indique, ainsi, Geneviève Férone. En d'autres termes, les sous-traitants d'une entreprise qui se targue de responsabilité environnementale ne devront pas être des pollueurs sans scrupules.

Grille "droits de l'homme"

Même démarche dans le domaine social. « Dans nos référentiels, nous avons une grille "droits de l'homme", qui peut être activée ou non, détaille Geneviève Férone. Elle le sera dans les cas où la relation fournisseur présente un risque pour l'entreprise, par exemple dans l'automobile, dans la grande distribution... Nous demandons alors si une politique de qualité sociale existe, pour la sélection et le suivi des fournisseurs, si elle est suivie, contrôlée, transparente, performante... »

Dans l'automobile, cette approche déjà ancienne est impulsée par les politiques de qualité. Les grands constructeurs sont devenus des assembleurs de modules fournis en juste-à-temps par leurs sous-traitants. « Un retard de livraison, avec un blocage des chaînes pendant une demi-heure, peut se chiffrer en millions d'euros, résume Hervé Périer, patron du secteur des équipementiers chez FO Métaux. Autrement dit, la température sociale chez leurs sous-traitants est importante pour les donneurs d'ordres. »

Fournisseurs privilégiés

Un partenariat peut s'engager sous la forme d'une charte Optima de Renault, qui distingue les fournisseurs privilégiés et engage une relation de long terme. Ce peut être un Forum social à Smartville, qui ambitionnait de traiter, en amont, les problèmes rencontrés par les sous-traitants de MCC Smart présents sur le site de Hambach, en réunissant régulièrement les partenaires sociaux de toutes les entreprises (lire Entreprise & Carrières n° 656).

Pour des raisons assez comparables, liées cette fois à l'exigence de traçabilité et à la responsabilité du distributeur alimentaire vis-à-vis des consommateurs, Casino a engagé une politique d'accompagnement et de fidélisation de certains de ses fournisseurs, sous la forme d'un "Pacte de croissance PME".

Conditions de recours à la sous-traitance

De son côté, le groupe Accor a signé avec ses partenaires sociaux une charte définissant les conditions de recours à la sous-traitance, qui précise les engagements réciproques des entreprises de nettoyage et des directeurs d'hôtel du groupe.

Henri Lachman, Pdg de Schneider Electric, vient, lui, d'écrire à 150 fournisseurs internationaux pour leur demander d'accompagner l'entreprise, qui a signé les engagements du Global Compact de l'ONU (2) en fin d'année dernière. Dix d'entre eux ont déjà paraphé la charte les engageant à respecter les principes du Global Compact. Celle-ci prévoit une rencontre annuelle entre le donneur d'ordres et ses sous-traitants et l'engagement de ceux-ci à accueillir des auditeurs internes ou externes.

Des audits sociaux

Les enseignes de grande distribution, l'industrie du textile et celle du jouet sont, elles, confrontées de plus en plus brutalement au risque d'image que leur font courir leurs fournisseurs oublieux des droits du salarié. La charte d'engagements de ces derniers, souvent assortie d'audits sociaux, représente la démarche la plus classique. Le diable étant dans les détails, surtout dans les pays défaillants en matière de droit du travail, l'efficacité, voire l'honnêteté de la démarche, repose surtout sur l'indépendance des auditeurs - Mattel, s'étant doté d'une seule équipe d'auditeurs internes, s'est, par exemple, attiré les critiques des ONG - et sur la méthodologie des audits qui, dans bien des cas, sont annoncés à l'avance, au nom du "respect du fournisseur".

Evaluations efficaces

Carrefour, qui veut être irréprochable sur le sujet, collabore avec la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) pour faire réaliser des évaluations efficaces. Mais ensuite, que faire d'un audit accusateur ? Rompre la relation commerciale, comme Disney textile en Inde. Dans ce cas, les salariés du sous-traitant perdront leur travail et iront s'employer chez un autre fournisseur, pas forcément plus vertueux, mais plus éloigné de chez eux.

Carrefour et la FCD, fédération des entreprises de grande distribution françaises, veulent mettre l'accent sur une démarche plus dynamique, s'engageant à demander des actions correctives à leur fournisseur et à faire pratiquer des audits de contrôle.

Enfin, de nouvelles réflexions plus globales commencent à marquer l'acte d'achat. « Les grandes entreprises vont devoir prendre en compte le "stress de l'acheteur", explique François Fatoux, délégué général de l'Orse. On ne peut pas continuer à faire peser sur les fournisseurs une pression sur les coûts, tout en leur demandant le respect de nouveaux critères éthiques. Il faudra, peut-être, accepter de payer un peu plus pour des sous-traitants socialement responsable ».

(1) < http://www.globalreporting.org >

(2) <http://www.unglobalcompact.org >

L'essentiel

1 Les salariés des sous-traitants ou des fournisseurs sont souvent moins bien lotis que ceux de leurs donneurs d'ordres, quand la concurrence sur les coûts n'incite pas au dumping social ou à l'ignorance des lois ou des droits de l'homme.

2 Le fournisseur compte pourtant parmi les "parties prenantes" traditionnelles de l'entreprise socialement responsable. Certaines commencent à s'interroger sur leur acte d'achat.

3 Elles formalisent des chartes sociales rappelant les principes de l'OIT, pour engager leurs fournisseurs extra-européens, et font mener des audits de contrôle. D'autres initient une collaboration de long terme avec engagement réciproque et partage de moyens.

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