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Vers la suppression d'un jour férié ?

SANS | publié le : 02.09.2003 |

Le gouvernement envisage la suppression d'un jour férié pour financer l'aide aux personnes âgées dépendantes. Tollé du côté des syndicats, plébiscite du côté patronal et nombreuses interrogations sur la mise en pratique d'une telle mesure.

«Mesurette insuffisante », « charité forcée », « effet d'annonce », « inadmissible, « affligeante »... L'annonce, par le Premier ministre, le 27 août dernier, de supprimer un jour férié comme piste, parmi d'autres, pour financer le futur plan gouvernemental " vieillissement et solidarités", présenté en octobre prochain, n'a pas laissé sans voix les centrales syndicales, qui ont retrouvé, pour l'occasion, un semblant d'unité.

Les salariés seuls concernés

Pour la CGT, cette mesure « n'amènera pas un centime à la protection sociale », puisque, pour tous les salariés mensualisés, les jours fériés sont payés, donc déjà soumis à cotisations. Pour sa part, Marc Blondel, de FO, s'étonne qu'un pays aussi riche ne trouve d'autres solutions que de « faire travailler les ouvriers un jour de plus ». Enfin, la CFDT, si elle concède le besoin de trouver des financements, estime inconcevable qu'ils ne reposent que sur les seules épaules des salariés.

Cette idée, puisée outre-Rhin (voir encadré), a toutefois fait un heureux : Ernest-Antoine Seillière, président du Medef, qui la trouve « formidable », et qui est agréablement surpris qu'on envisage de « régler les problèmes en travaillant plus ».

En la matière, il semble que les Français ne soient pas totalement hermétiques au principe de travailler 221 jours contre les 220 actuels, à en croire les résultats d'un sondage TNS-Sofres à paraître dans le mensuel Notre temps, le 18 septembre prochain. En effet, plus de 8 Français sur 10 (81 %) se disent prêts à renoncer à un jour férié ou à une journée de RTT par an pour financer la prise en charge, par la Sécurité sociale, du handicap et de la dépendance liée à l'âge. Seuls 15 % s'y opposent (4 % sans opinion). Surprenant : cette enquête a été réalisée en juillet, avant, donc, la canicule meurtrière.

Pour autant, un tel projet n'est pas sans poser certaines questions dont se fait l'écho Annick Coupé, de l'Union syndicale G10 Solidaires : « Les cotisations sociales découlant de cette journée seraient versées on ne sait pas trop où, quand, comment, ni avec quel contrôle et quelles garanties de leur affectation. »

Des interrogations légitimes

Des interrogations légitimes, d'autant qu'il y a eu un précédent : la fameuse vignette automobile, créée en 1956 (supprimée en décembre 2000), qui n'aurait été utilisée que jusqu'en 1973 pour financer le Fonds national de solidarité destiné à garantir un revenu minimum aux personnes de plus de 65 ans. Pas étonnant que la CFDT réclame « une concertation sérieuse », et la CFE-CGC, davantage de « clarté ».

Pour l'heure, le raisonnement du gouvernement est le suivant : l'annulation d'un jour férié permettrait d'abaisser le coût du travail, de dégager plus de valeur ajoutée, plus de croissance et donc plus de profit pour les entreprises. Du coup, elles seraient soumises à une cotisation sociale spécifique, qui viendrait abonder un fonds destiné à l'amélioration de la prise en charge des personnes âgées. Pour Jean Detolle, président du Groupement d'études, de recherches et d'initiatives pour l'aide aux personnes âgées (Geriapa), l'idée est pertinente, à la condition que soit créé un fonds dédié à recevoir ces nouvelles ressources. « Si elles tombent dans le grand tonneau général, le risque est de les voir se diluer et de rendre plus aléatoires leurs affectations. » C'est pourquoi la CFE-CGC relance l'idée d'une nouvelle branche de la Sécurité sociale.

Rattraper le retard d'équipement

Au total, ce nouveau fonds ou cette nouvelle branche recevrait 1,8 milliard d'euros par an, selon les calculs effectués par l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques). Cela suffira- t-il ? Pas sûr, si l'on se réfère aux desiderata des professionnels du secteur vieillesse, qui évaluent à 7 milliards d'euros le budget pour rattraper le retard en matière d'équipement dans les seules maisons de retraite.

Une certitude toutefois : la population va continuer de vieillir. A l'horizon 2020, les plus de 75 ans devraient représenter plus de 10 % de la population et les plus de 85 ans un peu plus de 3 %. Mais la conjoncture n'est guère souriante. Le risque est grand de voir les entreprises considérer ce temps de travail supplémentaire comme "en trop" et licencier plutôt que d'augmenter leur production, comme le prédit l'OFCE. Quel serait alors le bénéfice de déshabiller Pierre, autrement dit les caisses de l'Unedic, pour habiller Paul ?

REPERES

Nombre de jours fériés en Europe

Autriche : 16

Finlande : 15

Espagne : 14

Allemagne : 13

Portugal : 13

Belgique : 12

Grèce : 12

Italie : 12

Suède : 12

France : 11

Luxembourg : 10

Irlande : 10

Pays-Bas : 9

Grande-Bretagne : 8

La suppression difficile d'un jour férié en Allemagne

La décision de supprimer un jour férié pour financer une assurance pour les personnes âgées dépendantes remonte à mai 1994, mais elle est régulièrement remise en cause par les églises.

A l'époque, l'Allemagne se déchire sur le mode de financement d'une nouvelle allocation, censée favoriser le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes, payée à parts égales par les salariés et les employeurs.

Pour ne pas renchérir le coût du travail (enjeu principal du débat), le ministre du Travail de l'époque, Norbert Blum, propose de rayer un jour férié, destiné à compenser la ponction patronale. Le tollé est général. Les syndicats et surtout les églises montent au créneau. En vain.

La proposition de Blum est déjà le fruit d'un compromis et personne ne veut rouvrir la boîte de Pandore. Le choix du jour férié à sacrifier est laissé aux Länder, qui optent pour une fête protestante. Seule la Saxe refuse de s'en défaire. Du coup, les salariés de ce Land d'ex-RDA doivent financer seuls l'allocation, qui s'élève à 1,7 % du salaire brut.

Encore échauffées, les églises organisent, en 1997, un référendum pour restaurer le jour férié. Mais ce dernier échoue faute de participation. L'assurance dépendance, elle, est déficitaire depuis 2000. Et des spécialistes prédisent une augmentation des cotisations après 2007.

La polémique a rebondi en juin dernier, quand Wolfgang Clement, ministre de l'Economie, a préconisé la suppression d'un nouveau jour férié pour relancer la croissance.