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Système D pour le personnel hospitalier

SANS | publié le : 26.08.2003 |

Comment gérer une situation exceptionnelle comme la canicule lorsque l'on est déjà sur la corde raide ? C'est ce pari qu'ont tenté de relever les équipes médicales des hôpitaux, confrontés à une pénurie criante de personnel. Le système D a souvent prédominé.

Mobilisation toute ! La canicule de l'été a mis sous pression les équipes médicales qui ont tenté de surmonter vaille que vaille un drame sanitaire. Débordées, elles ont dû gérer les soins à des milliers de patients affluant aux urgences. Les hôpitaux savent que le week-end du 15 août est, en général, très chargé, mais cette année, les pics de fréquentation ont battu des records.

S'il est encore difficile de donner une évaluation du nombre de personnes appelées au secours, on constate une forte mobilisation du personnel médical. Des infirmières ont écourté leurs vacances pour rallier leurs services. Plusieurs salariés ont décidé de reporter spontanément leurs vacances. Retraités, secouristes, médecins du travail, personnel soignant ou enfants du personnel se sont portés volontaires.

Bénévoles

Pour les hôpitaux de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), soit 39 établissements de l'Ile-de-France, ce sont, entre autres bénévoles, plus de 350 étudiants et formateurs médicaux qui sont venus prêter main forte aux équipes de soins. Personne, en outre, n'a compté son temps de travail. Mais c'est souvent le système D qui a prédominé. Des services ont été désertés pour aider ceux sous tension. Des infirmières ont même, parfois, rejoint d'autres lieux de travail. « A force d'être sur le fil du rasoir, il devient impossible de faire face à une situation exceptionnelle », alerte Jean-Marie Sala, secrétaire fédéral de Sud santé.

L'insuffisance de moyens humains est, ici, directement montrée du doigt. Les hôpitaux manquent à la fois d'urgentistes et de personnel paramédical. Le déficit d'infirmières s'élèverait à 10 000, voire 15 0000 personnes. Le problème est encore plus criant dans les maisons de retraite. D'après Hubert Falco, le secrétaire d'Etat aux Personnes âgées, 80 % des structures d'hébergement des personnes âgées sont en sous-effectifs.

Un constat alarmant et un aveu d'impuissance. Comment en est-on arrivé là et pourquoi ? Aussi, face à l'ampleur de la crise, la réaction des hôpitaux n'a pas tardé. La plupart n'ont pas attendu les alertes officielles pour prendre la mesure du problème. Bien avant l'annonce du plan blanc, déclenché le 13 août, ils ont constitué des cellules de crise et tenté de coordonner l'action des différents services.

Procédure d'urgence

A Saint-Antoine, à Paris, c'est dès le 9 août que la direction a tiré la sonnette d'alarme. Une procédure d'urgence a été lancée, prévoyant la réouverture de lits, le recours à l'intérim, l'augmentation du nombre d'heures supplémentaires et l'accueil de bénévoles. En re-vanche, peu de gens en vacances ont été rappelés. « C'est compliqué, nous n'avons pas toujours les coordonnées de notre personnel », indique Félix Perro, coordinateur général des soins. Nous étions en permanence sur la corde raide. »

Renforcer les équipes

L'intérim a joué un rôle de premier plan dans la crise. Les deux agences spécialisées dans le secteur, Quick Medical Service et Appel Médical, sont restées mobilisées 24 heures sur 24 durant la canicule. « Dès le 9 août, nous avons mis en place un plan d'urgence pour renforcer nos équipes permanentes, relancer nos intérimaires et rappeler ceux qui étaient en vacances, explique Jerick Develle, le directeur général de Quick Medical Service. Dans les hôpitaux parisiens, la surcharge de travail était telle que nous avons également fait venir des collaborateurs de province pour les aider. » Une prime de 150 euros a été attribuée aux candidats à la mobilité ; l'agence a également pris en charge les coûts d'hébergement du personnel, soit dans les structures hospitalières, soit à l'hôtel.

Demande sans fin

La demande a-t-elle été satisfaite ? « C'était une demande sans fin, poursuit Jerick Develle. On a traité au plus près, au jour près, à l'heure près. » L'agence a enregistré un volume d'activité deux fois supérieur aux autres années, 500 intérimaires ont été mobilisés dans les hôpitaux parisiens. Et, malgré la chute des températures, l'agence reste encore sur le qui-vive. La pression reste forte dans les services hospitaliers et ne devrait faiblir que dans quelques jours.

Pour l'heure, les directions restent très discrètes sur les compensations qu'elles accorderont au personnel. « On attend la fin de la période de crise pour prendre des décisions, indique Corinne Jospéhine, directrice adjointe du personnel et des affaires sociales des hospices civils de Lyon (16 000 personnels hospitaliers). Mais ce qui est sûr, c'est que le personnel pourra récupérer les heures supplémentaires effectuées. »

Heures supplémentaires

Une opinion qui ne semble pas convaincre Jean-Marie Sala : « La plupart des infirmières ont déjà dépassé leur quota d'heures sup. Elles n'arrivent pas à prendre des congés en raison du manque d'effectif. Pourquoi cela changerait-il à la rentrée ? » La prime annoncée par le gouvernement (et dont le montant n'est pas encore connu) ne semble pas non plus faire l'unanimité dans le monde hospitalier. Car si la canicule est retombée, les problèmes demeurent. Cette catastrophe sanitaire a mis en évidence les défaillances du système : manque de personnel soignant, absence de climatisation, engorgement des urgences, fermeture de lits, insuffisances budgétaires...

Le choc démographique, avec les départs massifs à la retraite de la génération des baby-boomers, n'arrangera rien ; 20 000 départs d'infirmières sont attendus en 2003 et 28 000 en 2010. Le plan "hôpital 2007", concocté par Jean-François Mattéi, le ministre de la Santé, ne pourra faire l'économie de ces réflexions, au risque de revivre de nouveaux étés meurtriers.

Les 35 heures sont-elles en cause ?

- Les 35 heures ont-elles contribué à la pénurie de personnel des hôpitaux ? Les avis divergent. Si plusieurs professionnels assurent que la réduction du temps de travail est une des causes des dysfonctionnements hospitaliers, plusieurs praticiens estiment que les 35 heures ne sont pas responsables de cette catastrophe.

- Pour Félix Perro, coordinateur général des soins à l'hôpital Saint-Antoine de Paris, « ça ne sert à rien d'agiter le spectre des 35 heures ». « J'ai organisé le planning des agents en début d'année, en supprimant déjà les jours de RTT. Nous n'avions pas la possibilité de les reporter. »

- L'accord sur l'assouplissement de la réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière, signé le 9 janvier, a permis d'assouplir le temps de travail. Le texte prévoit, en effet, des possibilités de report ou de paiement de certains jours RTT non pris, un nouveau décompte et un nouveau plafond des heures supplémentaires et des avantages nouveaux pour le CET (compte épargne temps) destinés à inciter les salariés à y placer leurs jours de RTT plutôt qu'à les prendre ou à se les faire payer.

- Parallèlement, la mise en place de la RTT s'est accompagnée, dans les hôpitaux publics, de la création sur trois ans de 45 000 emplois pour les professions médicales. Les premiers effets commencent, d'ailleurs, à se révéler : aux hospices civils de Lyon, 100 postes d'infirmière ont été créés en un an, une cinquantaine à Saint-Antoine à Paris.