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Pour anticiper les effets des restructurations

SANS | publié le : 26.08.2003 |

De plus en plus nombreuses, les grandes entreprises négocient "à froid" des accords sur l'emploi, afin de gérer plus en douceur et avec de meilleurs résultats le volet social de leurs restructurations.

Accord sur les mesures d'accompagnement social en cas de problèmes d'emploi" chez Philips France, "accord-cadre de gestion des évolutions industrielles" chez FCI, "accord-cadre de méthode relatif aux procédures et à la gestion des problèmes d'emploi" chez EADS, "accord de méthode sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences" chez Schneider Electric, mais aussi au Crédit Lyonnais, "accord-cadre pour l'emploi et la gestion prévisionnelle des compétences" chez France Télécom... Ces derniers mois, de nombreux grands groupes ont signé des accords collectifs relatifs à la gestion de l'emploi. Point commun de ces "accords de méthode", qu'ils se nomment ou non ainsi : avoir été négociés "à froid", c'est-à-dire en dehors (ou plus exactement en amont) de toute procédure légale d'information-consultation des représentants des salariés sur un projet de restructuration, afin d'anticiper au maximum le déroulement de cette procédure, ainsi que les modalités des reclassements internes et externes.

Loi Fillon

Si ces textes, dont la genèse remonte souvent à l'année 2002, voire au-delà, ne se situent pas tous dans le cadre légal ouvert par la loi Fillon du 3 janvier dernier, celle-ci a pourtant lancé un signal fort. Elle permet aux entreprises, en effet, de signer, d'ici au 2 juillet 2004, et pour une durée maximale de deux ans, des accords expérimentaux aménageant la procédure d'information-consultation du CE dans le cadre d'une restructuration (avec la possibilité de déroger au Code du travail, notamment sur le calendrier des réunions, à condition que l'accord soit majoritaire). L'engagement effectif d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique n'étant pas un préalable à la négociation et à la conclusion d'un tel accord, qui peut, par ailleurs, être signé au niveau du groupe (1).

« La loi Fillon a largement fait avancer le débat, estime ainsi Philippe Vivien, DRH de FCI (filiale du groupe Areva). Auparavant, il était possible de prénégocier sur la procédure ou sur les mesures d'accompagnement social, mais cela créait une incertitude vis-à-vis du CE. Il est tout à fait positif de permettre, sur ce sujet sensible des restructurations, de mener en parallèle une négociation et une consultation. »

Dispositif complet

Ce DRH a d'ailleurs négocié, avec les fédérations nationales de la métallurgie, un dispositif particulièrement complet : un premier accord de méthode, signé le 18 novembre 2002, a donné naissance à un "groupe paritaire d'échange et de négociation" sur les réorganisations de l'entreprise (passée, en trois ans, de 21 200 à 13 100 salariés au niveau mondial). Celui-ci a, le 7 février dernier, signé un accord sur les conditions de mobilité vers les autres filiales du groupe Areva, puis, le 11 avril, un autre sur la gestion des évolutions industrielles, fixant les principes généraux s'appliquant aux réorganisations (anticipation, négociation...), les champs relevant de la négociation et de la concertation, un dispositif d'accompagnement social commun à toutes les filiales, des mesures liées à d'éventuelles cessions et des mesures relatives au développement industriel local. Ce dernier accord constitue un cadre pour des accords de méthode locaux, dont trois ont, d'ores et déjà, été signés par l'ensemble des organisations présentes pour accompagner la fermeture ou la restructuration de sites.

DRH rassurés

L'analyse de Philippe Vivien est partagée par Etienne Grau, le responsable des restructurations industrielles chez Bernard Brunhes consultants : « Avant la loi Fillon, les accords de méthode suscitaient de l'intérêt, mais également de l'inquiétude chez les DRH, qui redoutaient de se lancer dans une démarche à l'issue inconnue, estime-t-il. Qu'un gouvernement de droite y incite fortement les a rassurés et leur a donné envie d'y aller. » Pour autant, des accords à froid, de type Philips ou EADS, vont rester « exceptionnels, prédit-il, le fait de sociétés très matures sur le plan du dialogue social ».

Consultations en amont

Ainsi, chez Schneider Electric, explique Daniel Thiere, le DRH France, « deux grandes raisons sont à l'origine de la signature de notre accord de méthode : lorsque nous les consultions sur des réorganisations décidées, les instances représentatives du personnel nous interpellaient régulièrement sur la nécessité d'être associées plus en amont sur les dossiers en préparation. Par ailleurs, compte tenu du contexte économique, nous savions que nous abordions une période de restructuration de nos implantations françaises. » L'accord de méthode sur la GPEC, signé le 20 juin dernier, crée un "groupe paritaire d'information, de concertation et de négociation", qui sera saisi de tous les projets de réorganisation, afin de les discuter, éventuellement de les amender, et de négocier des mesures d'accompagnement social. « Cela nous permettra d'aborder ces questions plus en amont, et avec une vision d'ensemble, souligne Daniel Thiere. Nous espérons, ainsi, aboutir à des procédures, pas forcément moins longues, mais moins conflictuelles, et éviter, en se donnant du temps et des moyens, les licenciements secs. »

Dialogue social

Pour autant, avertit Etienne Grau, loin de constituer une panacée, « un accord de méthode peut aussi constituer une lourdeur, une rigidité supplémentaire dans le processus de restructuration. Si le dialogue social est de qualité, une inscription de mesures similaires dans un PV de CE peut suffire à baliser le chemin ».

Attention, également, au terme même d'"accord de méthode". Comme le remarquait Jacques Bertherat, président de Développement & Emploi, lors d'un récent colloque de l'association sur le sujet : « Permettant aussi bien l'anticipation d'un plan de restructuration précis que l'anticipation des mutations en général, l'avantage de ce vocable large est de réunir les acteurs qui souhaitent innover. »

Accords dissemblables

Rien de commun, en effet, entre l'"accord de méthode sur la GPEC" du Crédit Lyonnais, qui précise la manière dont la GPEC fera l'objet d'une démarche en cinq étapes, commune à tout le groupe, et d'une concertation régulière avec les organisations syndicales, et l'accord, du même nom, signé chez Schneider. Ou encore, entre l'"accord pour progresser ensemble" de juillet 2002, chez Air France, qui, outre l'engagement de ne procéder, sur trois ans, à aucun licenciement collectif pour motif économique porte sur le renforcement de la démarche compétences, de la politique de mobilité ou de la gestion des seniors, et l'"accord-cadre de méthode" d'EADS, qui prévoit, notamment, un dialogue social sur les restructurations en deux temps : concertation préalable puis information-consultation légale.

Réputation sulfureuse

Mais, de plus en plus, depuis son inscription dans la loi Fillon, l'accord de méthode semble développer une réputation quelque peu sulfureuse, dans la veine de celle qui a, peu à peu, entaché le "plan social" (qui a fini par être remplacé par le "plan de sauvegarde de l'emploi" ). Au point que l'accord signé chez France Télécom évite soigneusement cette appellation, tandis que la direction de Schneider, soulignant qu'elle ne se situe pas dans le cadre d'une procédure légale de licenciement collectif, regrette presque de l'avoir adoptée !

(1) Voir la circulaire DGEFP/DRT 203-03 du 26 février 2003, dans le Bulletin officiel du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle n°2003/6 du 5 avril 2003.

L'essentiel

1 Plusieurs grands groupes ont récemment signé un accord collectif relatif à la gestion de l'emploi. Point commun de ces textes : avoir été négociés "à froid", avec pour objectif de mieux gérer le volet social des restructurations.

2 La loi Fillon du 3 janvier dernier a incontestablement représenté un signal fort, en légalisant des accords expérimentaux aménageant la procédure d'information-consultation du CE.

3 Pour autant, ces accords restent très inégaux dans leurs ambitions et leur contenu. Et, loin de constituer "la" réponse au problème des restructurations, ils risquent fort de ne concerner que les grands groupes, possédant un haut niveau de dialogue social.

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