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Success story en Cornouaille

SANS | publié le : 15.07.2003 |

Dans un secteur plombé par les restructurations et les délocalisations, Armor Lux demeure solidement ancrée en Bretagne. Pour le plus grand bonheur de ses salariés, même si l'inquiétude guette.

Pull marin, marinière, caban, vareuse... L'an dernier, les machines à tricoter des ouvrières d'Armor Lux ont encore tourné à plein régime. L'entreprise de confection quimpéroise (29), qui emploie 700 salariés, a terminé son exercice 2002 sur un chiffre d'affaires de 50 millions d'euros, en hausse de 10 %, pour un résultat net de 1,22 million d'euros. Dans un secteur d'activité ravagé par les délocalisations et les fermetures d'usines, cette success story bretonne a des allures de joli rayon de soleil. Son secret : avoir réussi à développer une marque en y associant les concepts de qualité, de production française et d'identité régionale.

Une recette cuisinée dès 1994, lorsque Jean-Guy Le Floch et Michel Guéguen décident de quitter le groupe Bolloré pour se rendre dans la capitale de la Cornouaille y racheter une affaire alors détenue par Walter Hubacher. A 89 ans, cet entrepreneur suisse, créateur de la Bonneterie d'Armor, veut partir. Seul problème : sa société, née en 1938, est en perte de vitesse.

Pari un peu fou

« Le pari était un peu fou. Nous ne connaissions rien à l'univers du textile, avance Michel Guéguen, directeur général d'Armor Lux. En revanche, nous avons rapidement compris que la survie de l'entreprise ne pouvait passer que par une marque forte et par une ouverture vers l'extérieur. »

Haut de gamme

Du coup, les nouveaux patrons vont radicalement transformer cette institution locale. La collection est recentrée sur le vêtement marin haut de gamme ; un styliste japonais est embauché pour moderniser les modèles ; une ligne de prêt-à-porter urbaine, Terre et Mer, et une gamme dédiée aux enfants, Armor Kids, sont créées ; les délais de livraison sont raccourcis, etc. Pour les salariés, le changement est brutal : « Tout le personnel a été boosté », se souvient Michèle Lagadic, secrétaire du comité d'entreprise.

A grand renfort de partenariats événementiels, l'ascension d'Armor Lux est spectaculaire. Pour se renforcer dans la laine, Armor Lux rachète, en 1995, le fabricant troyen Guy de Bérac (200 salariés), puis, en 2002, la société de Nancy, Romann Fashion, plus connue par sa marque Bermudes. Mieux : les dirigeants se paient le luxe d'ouvrir une trentaine de boutiques dans l'Hexagone.

Réussite détonnante

Dans cette zone de la Bretagne, portée par l'agroalimentaire, la réussite d'Armor Lux (littéralement "lumière de Bretagne") détonne. Même les opératrices de confection (80 % de l'effectif total) sont sous le charme : « La branche textile est très malade. Nous sommes heureux d'être encore là aujourd'hui. La nouvelle direction a fait preuve de dynamisme. L'outil de travail a été préservé et c'est bien là l'essentiel », confie Michèle Lagadic.

L'entreprise délocalise 35 % de son chiffre d'affaires au Maghreb ? « Un processus inéluctable », rétorque Dominique Lepage, de la CFDT, l'unique déléguée syndicale élue sur le site de Quimper (390 personnes). « Nous faisons appel à la sous-traitance étrangère uniquement pour des produits nécessitant une technicité que nous ne maîtrisons pas. Et ces prestataires se doivent de respecter une charte de bonne conduite aussi bien en termes de qualité que de conditions de travail », précise Michel Guéguen, en charge, notamment, de la politique RH.

Concepts forts

Vénérés comme des sauveurs, les dirigeants d'Armor Lux jouent-ils pour autant sur du velours sur le plan social ? « Notre vision des RH est fondée sur quelques concepts forts : transparence, écoute et échange. Nous avons un principe : dire, en face, les bonnes comme les mauvaises nouvelles », affirme Michel Guéguen. Lequel indique, par exemple, que les résultats mensuels de l'entreprise sont systématiquement commentés en CE. « La direction n'a jamais pratiqué la rétention d'informations. Il est aussi vrai que la porte des directeurs est toujours ouverte aux représentants du personnel », ajoute Michèle Lagadic.

Brumes à l'horizon ?

Reste que sur les rives de l'Odet, le climat social n'est pas toujours aussi clément. En 1998, l'entreprise a, ainsi, procédé à plusieurs licenciements, suite à la fermeture de son atelier laine. En direction de ses ouvrières, Armor Lux pratique une politique salariale alignée sur le Smic. L'accord 35 heures, signé en juin 2000, a débouché sur une accélération des cadences.

Autre souci, selon Dominique Lepage, le vieillissement de la population. « Les départs n'étant pas tous remplacés, nous craignons que l'entreprise devienne, à terme, une coquille vide. » La tentation d'accélérer le recours à la sous-traitance est également redoutée. Armor Lux, qui fonde toute sa communication sur son attachement au terroir, serait toutefois bien mal avisée de délocaliser davantage sa production.

ARMOR LUX

Effectif :700 salariés.

> Secteur : confection.

> Chiffre d'affaires : 50 millions d'euros, en 2002.

Recrutement : la prime aux Bretons

Le directeur général d'Armor Lux le reconnaît sans ambages : à compétence égale, le candidat breton aura toujours une longueur d'avance sur celui d'une autre région. « Question de facilité d'intégration », justifie Michel Guéguen. Ce qui n'empêche pas Armor Lux d'aller puiser, en cas de pénurie, dans le bassin d'emploi de Cholet (49), berceau de la chaussure, aujourd'hui en situation délicate.

Si l'entreprise recrute majoritairement des commerciaux pour étoffer ses boutiques et des jeunes de niveau bac + 2 et bac + 3 appelés à rejoindre son bureau d'études, elle éprouve toutes les peines du monde à attirer ses futurs "patrons de marque". Ces chefs d'orchestre de la confection rechigneraient, en effet, à rallier Quimper, à cause, notamment, de l'absence de structure universitaire pour leurs enfants.