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La valeur travail résiste malgré la conjoncture

SANS | publié le : 15.07.2003 |

Crises, chômage de masse, mondialisation... Nombre d'experts avaient parié sur la fin de la valeur travail. Il n'en est rien, conclut un rapport du Conseil économique et social. La remise en cause s'exprime plutôt sur la façon dont s'exerce le travail et dont il est vécu.

La valeur travail n'est pas morte. Elle résiste aux crises économiques, au chômage massif et aux incertitudes des devenirs professionnels. Ce constat est celui de Bernard Vivier (CFTC), auteur du rapport du Conseil économique et social (CES) sur "La place du travail", dont le contenu a été rendu public, le 7 juillet dernier. Deux jours plus tard, le texte était débattu et finalement adopté en assemblée plénière par les membres de cette institution, devant Nicole Ameline, ministre déléguée à la Parité et à l'Egalité professionnelle.

Mesurer les évolutions de la société

« Interroger la place du travail aujourd'hui revient à questionner les évolutions concrètes de notre société, la démultiplication des formes d'emploi, d'organisation de la production dans un contexte de financiarisation de l'économie, la persistance d'un taux de chômage élevé ou encore la formulation d'aspirations à un renouvellement des modes d'articulation entre les différentes sphères et temps de vie », annonce Bernard Vivier.

Malgré cela, l'attachement des individus au travail reste immuable. « Il n'est pas appréhendé comme seul gage de revenu, souligne Christian Larose, président de la section travail du CES. Il s'apprécie aussi comme source d'un statut social, d'émancipation, d'autonomie, de réalisation et de formation des individus. »

Le travail a encore de l'avenir

Aucune ambiguïté n'est donc possible : le travail n'a pas fini d'être. Jean-Pierre Raffarin peut être rassuré. Commanditaire de cette étude, le Premier ministre avait, en effet, saisi le CES, en novembre dernier, pour que ses membres fournissent quelques « propositions », en vue d'« une revalorisation partagée et innovante du travail ». Revalorisation qu'il jugeait nécessaire, puisque, selon lui, plusieurs évolutions récentes - comprenons les 35 heures - ont « accrédité l'idée d'une certaine dépréciation du travail et des vertus qui y étaient traditionnellement attachées ».

Faux : « Les individus ne remettent pas en cause le travail en tant que tel, mais plutôt la manière dont il s'exerce, précise Christian Larose. Les 35 heures n'ont rien à voir dans la démotivation des individus. Je ne peux pas en dire autant des licenciements successifs qu'ils ont à subir ni de la précarisation de leurs parcours professionnels. »

Conclusion : il faut repenser le contenu du travail, mais aussi la manière dont il est vécu. En la matière, les membres de la section travail ayant planché sur le sujet n'ont pas été à court d'inspiration.

Garantir un revenu décent

« Tout d'abord, nous soulignons l'importance de garantir à chacun un revenu décent, d'assurer une véritable égalité sur le marché du travail et de permettre le libre choix d'un travail à temps partiel, énumère Bernard Vivier. Ensuite, il faut donner aux acteurs la possibilité de participer à l'organisation du travail. Les défis de l'autonomie et de l'initiative appellent à changer le travail avec le concours des hommes et des femmes concernés. Rapprochons ceux qui font et ceux qui décident, en élaborant les bases d'une nouvelle forme de participation sociale. Par ailleurs, il faut en finir avec la dévalorisation du travail manuel. »

Sécuriser les parcours professionnels

Autre recommandation, largement débattue au sein du CES : la sécurisation des parcours professionnels. « Il serait nécessaire que s'engage une réflexion collective, entre l'ensemble des partenaires sociaux et les pouvoirs publics, sur les moyens permettant de concilier l'inévitable mobilité du travail et l'indispensable sécurité des travailleurs, signale Bernard Vivier. L'émergence d'un statut du travailleur est la solution. Il s'agit d'ouvrir la possibilité et d'assurer les garan- ties de se déplacer dans l'espace social, quelles que soient les transitions vécues. » D'une situation d'emploi à une situation de hors-emploi, d'une activité à une autre, d'un emploi salarié à un statut d'indépendant, du secteur privé au public...

Se garder de toute approche théorique

Des voeux pieux ? La balle est désormais dans le camp du gouvernement, qui a reçu le rapport et l'avis du CES, le 10 juillet dernier. En attendant, Nicole Ameline a tenu à préciser qu'il fallait se garder de « toute approche théorique, purement nationale et déconnectée des réalités du monde économique et du fonctionnement des sociétés », la sécurisation des parcours professionnels ne devant pas être un système qui viendrait rigidifier le marché du travail.

De ce côté, les salariés devront attendre. Christian Larose est toutefois sûr d'une chose : « Cette idée, qui n'est ni nouvelle ni révolutionnaire, va faire son chemin, avec ou sans le CES, car elle est devenue un enjeu sociétal. »

Le travail en chiffres

Au début du XIXe siècle, le travail représentait 50 % du temps éveillé des individus, contre 10 % à 15 % aujourd'hui.

De près de 9 millions au début des années 70, le nombre d'ouvriers est passé, aujourd'hui, à environ 6 millions de personnes. A l'inverse, la part des emplois du tertiaire a presque doublé en un demi-siècle, passant de 39 % en 1955 à 72 % en 2000.

Le risque objectif de perte d'emploi a augmenté d'environ 30 % entre 1980 et la fin des années 90.

La productivité horaire a été multipliée par seize en un siècle, alors que le nombre de personnes au travail n'a augmenté que de 4 millions et que la durée du travail productif a diminué presque de moitié.