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L'employeur devient donneur d'ordres exigeant

SANS | publié le : 08.07.2003 |

Le géant de l'équipement télécom cède ses usines aux grands de la sous-traitance mondiale. Et veut acheter leur production au meilleur prix. Faute de diversification, ses anciennes usines auront du mal à faire face.

La cure d'amaigrissement a commencé en 2001. Pour Alcatel, il s'agissait de résister à la terrible crise qui secoue les opérateurs des télécoms et se répercute sur leurs équipementiers. Les salariés d'Alcatel étaient alors 99 000 dans le monde. Ils sont, aujourd'hui, 77 000 et devraient passer à 60 000 à la fin de cette année. Cette recherche de flexibilité et de réduction des coûts fixes a été conduite, notamment, à travers l'externalisation de sites de production. Le "hard" est devenu bien moins rentable que le "soft", et Alcatel s'efforce de développer ses activités dans la conception et la gestion de réseau.

Trois usines vendues

En France, où les effectifs d'Alcatel sont passés de 35 000 à 25 000, fin 2002, trois usines ont été vendues : celle de Laval (35) à Flextronics, dès 2001, celles de Cherbourg et de Brest, respectivement, à Sanmina et à Jabil Circuit, en 2002. Point commun de ces cessions : la taille des repreneurs, des spécialistes mondiaux de la sous-traitance électronique, parfois appelés multinationales de l'ombre. De la même façon, pour ses activités optiques, Alcatel se tourne vers l'un des leaders mondiaux du secteur, Avanex. Flextronics est singapourien, mais dirigé depuis la Silicon Valley, Sanmina est canadien et Jabil, américain.

Si les temps sont durs pour ces géants aussi, le spectre d'une faillite de l'usine peu après la cession, scénario fréquent dans d'autres secteurs, n'est guère probable. En revanche, ces mouvements industriels ressemblent à un billard à trois bandes : Flextronics, qui avait déjà un site à Luneville (54), l'a restructuré après l'achat de Laval, Sanmina a fait de même à Grenoble, après son acquisition d'Alcatel Cherbourg.

Inquiétude

« Jusqu'à présent, nous n'avons pas encore constaté de problèmes d'emploi dans les anciennes usines Alcatel, reconnaît Jean-Pierre Claveau, représentant de la CGT au sein du groupe. Mais l'inquiétude demeure : Laval ne semble pas avoir réussi à diversifier sa production et, à Brest, on parle déjà de délocalisation. » C'est bien dans le Finistère que la tension monte en ce moment, alors que deux techniciens chinois se sont formés sur les lignes d'assemblage du site.

« On nous a annoncé le possible départ de la production du téléphone Tiny vers la Chine, précise Hervé Hall, délégué CGT, unique syndicat de l'usine. Ce qui met en péril 30 emplois directs et 30 emplois indirects. » Le syndicat vient d'ailleurs d'obtenir un jugement du TGI de Brest intimant à l'employeur de mieux respecter la procédure d'information et de consultation du CE sur ce projet de transfert.

Pression du marché

« Le problème est que nous nous trouvons sur un marché extrêmement concurrentiel, répond Franck Groleau, DRH de Jabil, à Brest. Après avoir subi la pression de ce marché, Alcatel nous a demandé des prix plus bas et il nous est difficile de nous aligner sur les tarifs des pays à bas coût du travail. Un de ceux qui rendent la production possible à ce coût, par Jabil, est la Chine. » Là où la direction a identifié un risque de perte de marché, le tribunal a vu une réorganisation de production, ce qui impose l'information et la consultation du CE. « Nous reprendrons la procédure », commente simplement le DRH qui a, par ailleurs, obtenu, en mars dernier, un accord avec les partenaires sociaux, approuvé par référendum, sur la réorganisation du temps de travail et les rémunérations.

Appel d'offres

A peine un an après la cession, et malgré une garantie de plan de charge, Alcatel lance donc un appel d'offres sur la production de ce terminal. Car le contrat commercial passé entre le donneur d'ordres exclusif et son fournisseur contient, comme tous ceux de cette espèce, une clause de compétitivité, imposée par les réglementations européennes. « On confie une charge de travail, mais avec l'obligation d'être compétitif par rapport à la concurrence, résume un expert de ces dossiers. C'est souvent difficile lorsqu'on a été externalisé, en partie parce qu'on ne créait pas de valeur, et c'est très lié à la conjoncture. »

En attendant, Jabil travaille sur sa diversification en France. Depuis novembre 2002, un commercial et un technicien se sont spécifiquement attelés à la recherche de nouveaux clients, plus petits qu'Alcatel ; 41 contacts sont en cours, mais pas de contrat pour l'instant.

ALCATEL

> Effectifs : 77 000 salariés.

> Chiffre d'affaires : 16,547 milliards d'euros en 2002 (31,408 milliards d'euros en 2000).