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UN ELEMENT DE DIALOGUE SOCIAL

SANS | publié le : 24.06.2003 |

Les entreprises et les branches continuent à investir dans les régimes de prévoyance collectifs. Eléments moteurs du dialogue social, ils constituent aussi un argument de management. Mais après avoir cédé aux sirènes des régimes personnalisés, les entreprises se réfugient dans des systèmes simples.

Pour une fois, les trois familles de complémentaires santé et prévoyance ont fait front. L'objet de leur grogne commune ? La quatrième proposition du rapport du groupe de travail animé par Jean-François Chadelat et remis au ministre de la Santé le 8 avril dernier. Le groupe était chargé d'élaborer des pistes pour articuler régimes obligatoires et régimes complémentaires en vue d'une réforme de l'assurance maladie. Pour financer une aide à l'achat d'une assurance complémentaire de base individuelle, le rapport suggère de supprimer les avantages fiscaux octroyés aux entreprises lorsqu'elles souscrivent un contrat de santé et de prévoyance collectif obligatoire. La réaction des institutions de prévoyance, des assureurs et des mutuelles ne s'est pas fait attendre. « Cette proposition conduirait à la disparition des contrats collectifs », estime Luc Coeurdevache, directeur commercial des assurances collectives de Generali France.

Remise en cause

« Ce serait une énorme remise en cause, confirme Magali Chatain, chef de produit prévoyance collective du groupe April Assurances. Nous risquerions de voir tous les contrats tomber d'eux-mêmes, car beaucoup d'entreprises ne pourraient pas se permettre de les maintenir à un coût plus élevé dans un environnement économique difficile. Même les grandes entreprises y regarderaient à deux fois, car ces contrats constituent, pour elles aussi, des postes lourds. »

Jean-François Ropélewski, directeur du développement du groupe de prévoyance Isica, considère le rapport comme « classé, car ni les syndicats ni le Medef n'en veulent ». Parmi les raisons qui motivent ce rejet, le refus de remettre en cause une disposition qui génère de la négociation collective, nourrissant ainsi le dialogue social dans l'entreprise. « Les contrats collectifs constituent un sujet rarement conflictuel. C'est bien pourquoi les entreprises sont de plus en plus nombreuses à choisir la voie de la négociation plutôt que la mise en place unilatérale », explique Stéphane Lecocq, directeur technique santé et assurances collectives d'Axa.

Maîtrise des dépenses

Les offreurs sont unanimes : les contrats collectifs sont des contrats vertueux. « Ils vont dans le sens de la maîtrise des dépenses de santé, indique Yanick Philippon, directeur technique du groupe AG2R. La présentation annuelle des résultats engendre des discussions entre les représentants des salariés et ceux des employeurs. Elle favorise la pédagogie, la constatation des dérives éventuelles et la recherche de solutions. »

Arguments de management

Les régimes de prévoyance constituent aussi des arguments de management, à manier avec prudence. « Les garanties de prévoyance et de frais de santé peuvent constituer un élément non négligeable dans une politique salariale globale, note Luc Coeurdevache. Sans oublier que, dans une conjoncture difficile, il n'est pas aisé de revenir en arrière, car ces garanties sont souvent considérées comme des avantages acquis. »

Ainsi, les régimes de prévoyance font partie intégrante de la gestion des ressources humaines. Cette nouvelle approche s'est traduite, ces dernières années, par des évolutions. La plus marquante, dont bien des entreprises sont revenues, porte sur la personnalisation des régimes. « Intellectuellement, ce sont de beaux régimes. Mais en pratique, avec leur degré de complexité et leur gestion administrative coûteuse, ils sont quasiment impossibles à mettre en oeuvre, hormis dans de très grandes entreprises, et encore, s'exclame Magali Chatain. Les risques d'anti sélection et de surcoût augmentent, car les salariés vont naturellement renforcer les options qui les concernent le plus directement. »

Contrat complexe

La demande du marché en faveur de ce type de produit s'est tarie. « Avec un tel régime, le salarié est contraint de répartir sa couverture, donc d'entrer dans un contrat complexe. Or, c'est une responsabilité qu'il a rarement envie d'assumer », estime Stéphane Lecocq.

Aujourd'hui, la tendance est plutôt à proposer quelques arbitrages organisés autour de deux à quatre options standardisées sur le capital décès. « C'est bien plus simple que de répartir des coefficients, explique Luc Coeurdevache. En général, on propose une option de base portant sur un capital décès fort et trois options avec un capital décès réduit et, au choix, une rente de conjoint, une rente d'éducation ou un capital infirmité accidentelle. Cette dernière option remporte la préférence des célibataires sans enfants, bien sûr. »

Double emploi

Autre innovation en panne : les garanties dites de dépendance. Pour l'heure, la dépendance relève encore exclusivement du marché de la complémentaire individuelle, à l'exception de quelques accords collectifs chez Usinor ou Schneider, ou dans la branche des cabinets d'avocats. « La dépendance ne fait pas partie des priorités des entreprises, qui ont déjà fort à faire avec la prévoyance de base, la retraite complémentaire et l'épargne salariale, note Jean-François Ropélewski. Ce produit est également délaissé car il pourrait faire double emploi, pour les salariés, avec la garantie invalidité. Enfin, la dépendance survient dans le cadre de la grande vieillesse, lorsque l'assuré a, depuis longtemps, quitté l'entreprise. » Dès lors, pourquoi un employeur cotiserait-il pour un risque susceptible de survenir dix à trente ans après le départ en retraite ? Pas si vite, répond AGF Collectives. « La dépendance est souvent assimilée au grand âge, mais elle peut tout aussi bien survenir suite à un accident, alors que l'assuré est toujours en activité. A priori, le risque est couvert par la garantie invalidité, mais celle-ci ne couvre pas l'ensemble des frais générés par la dépendance, comme l'assistance permanente d'une tierce personne ou l'équipement de l'habitat », estime Dominique Florent, directrice marketing des assurances collectives.

Gains espérés

L'assistance psychologique au salarié peine, elle aussi, à convaincre les entreprises. Proposée depuis quelques années en France par Solareh, une société d'origine québécoise, le dispositif se décline en deux volets : un soutien psychosocial et professionnel aux salariés en arrêt maladie pour leur permettre de réintégrer un emploi, et un soutien psychologique aux salariés victimes de stress. Gains espérés : une diminution du taux d'absentéisme et une baisse de la cotisation d'assurance pour l'employeur, une réduction de la charge des sinistres pour l'assureur. Plusieurs organismes ont intégré cette garantie dans leurs contrats standards, comme April, Isica ou AGF Collectives. Les adeptes sont encore rares. Parmi eux, le groupe Carrefour, qui proposera bientôt aux salariés de ses enseignes franchisées un soutien psychologique en cas d'agression, de vol ou de prise d'otage. Ailleurs, le scepticisme domine. Generali, qui teste les produits Solareh depuis plusieurs mois sur un contrat fortement sinistré par une fréquence élevée d'accidents du travail, évoque « des résultats qui, à première vue, ne sont pas probants ».

AGF Collectives, qui propose aussi les prestations Solareh, cherche à aller plus loin, explique Dominique Florent : « Nous réfléchissons à la mise au point de programmes pluriannuels de prévention des risques, qui ont une incidence sur la sinistralité en invalidité et en incapacité, comme les dépendances alcooliques ou le risque routier. »

L'essentiel

1 Les entreprises et les branches continuent à investir dans les régimes de prévoyance collectifs, qui constituent un élément de dialogue social et un outil de management.

2 Il n'en est pas de même pour la personnalisation des régimes, dont la mise en oeuvre s'avère complexe et la gestion coûteuse.

3 Les garanties dites de dépendance et l'assistance psychologique aux salariés peinent également à décoller.

Les mutuelles dans les starting-blocks

Deux familles d'acteurs se partagent traditionnellement le marché des contrats collectifs de prévoyance : les assureurs et les institutions de prévoyance (IP). Longtemps en retrait, les mutuelles interprofessionnelles commencent à y entrer à leur tour. Forcées de se regrouper pour répondre aux contraintes imposées par le nouveau Code de la mutualité, entré en vigueur le 1er janvier dernier, les institutions mutualistes pourraient bien être tentées d'investir un marché qu'elles n'étaient pas de taille à occuper jusqu'alors. « Leur rayonnement était essentiellement local. A présent, avec la constitution de grands pôles régionaux et nationaux, comme la fusion de Mutuouest avec Préviade, le 1er janvier dernier, les mutuelles pourraient chercher à se positionner sur ce secteur. Elles peuvent séduire une cible de TPE et de PME et concurrencer, ainsi, les réseaux d'agents généraux des assureurs ou les IP », commente Jean-François Ropélewski, d'Isica.

Néanmoins, face aux 80 puissantes sociétés d'assurance et à la centaine d'institutions de prévoyance, le secteur mutualiste, avec ses 1 460 entités, apparaît encore très éclaté. Enfin, un autre changement est récemment intervenu, modifiant la donne : la suppression de la taxe de 7 % qui pesait sur les contrats de santé non soumis à une acceptation médicale individuelle et dont les assureurs seuls devaient s'acquitter.

Baromètre : les salariés plébiscitent les contrats collectifs

Interrogés dans le cadre du 5e baromètre des institutions de prévoyance CTIP(1)/Crédoc, 71 % des salariés choisissent le cadre collectif de l'entreprise pour leur assurance complémentaire santé, contre 28 % qui optent pour une souscription individuelle. Parmi les avantages du contrat collectif, les salariés mettent en avant une cotisation plus faible grâce au tarif de groupe (32 %), suivie de la prise en charge par l'employeur d'une partie des cotisations (24 %) et de l'absence de démarche administrative (19 %). Par ailleurs, 84 % des salariés font confiance aux partenaires sociaux pour négocier le contrat et assurer le suivi.

En matière de garanties de prévoyance, qu'elles soient obligatoires ou facultatives, 80 % des salariés choisissent le contrat collectif de l'entreprise plutôt que le contrat individuel, tendance issue du 4e baromètre CTIP/Crédoc. Même enthousiasme du côté des responsables de PME : 84 % des personnes interrogées sont favorables à la mise en place de garanties obligatoires issues d'un accord collectif au niveau de la profession. Les uns et les autres se disent davantage sensibles à la solidarité entre salariés qu'à l'avantage financier apporté par la mutualisation des risques. Satisfaits de leur couverture, les salariés restent, néanmoins, ignorants sur son contenu.

(1) Centre technique des institutions de prévoyance.

En chiffres

En 2001, la négociation collective de branche au niveau professionnel a abouti à la conclusion de 46 accords comportant des dispositions de protection sociale complémentaire dans 42 branches. Ces chiffres, issus d'une étude du ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, traduisent une stabilité par rapport à l'année 2000, où 46 accords ont été signés dans 37 branches.

Toujours en 2001, 1 042 accords d'entreprise sur la prévoyance et l'épargne ont été conclus, ce qui représente 4 % de l'ensemble des accords d'entreprise signés. Par ordre d'importance, il s'agit du quatrième thème de négociation, derrière le temps de travail, les rémunérations et l'emploi.