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SANS

Polichinelle

SANS | publié le : 24.06.2003 |

Il nous fait son mystérieux.

Je le connais bien, ce grand manipulateur, et il n'a pas que des défauts. Très investi, depuis longtemps, dans l'entreprise, il a réussi progressivement à en devenir un passage obligé pour tous les projets un peu stratégiques. Avec lui, les projets n'avancent pas plus vite, mais sans lui, les projets s'enlisent.

Il contrôle tout. Il connaît tout le monde. Il est partout. Il déjeune avec le président. (Et il est bien le seul. Le président déteste les déjeuners.) Il rencontre personnellement tous les décideurs des clients les plus essentiels de l'entreprise. Il est partout.

Il n'a pas de titre. Il n'en veut pas. Sa carte de visite porte la mention "Chargé de mission". Le même libellé depuis des années et des années. Trois présidents et quatre directeurs généraux plus tard, il est toujours là. Indispensable. Détesté par les anciens, il fascine les nouveaux.

Connu de tous, il ne cherche pourtant aucune publicité. Il occupe un modeste bureau, et encore, dans le bâtiment d'à côté, celui des services techniques. Loin de la DG, de ses courtisans, et de ses complots.

Lui ne complote jamais, « il tente d'arranger les choses ». Sur le long terme. Le long terme, c'est sa spécialité, son terrain d'excellence, sa justification même.

« Je laisse chacun faire son boulot au quotidien. Moi, je cherche à comprendre ce que nous devrons faire demain pour survivre dans ce pugilat concurrentiel, où nous sommes jalousés, copiés, concurrencés de mille manières. Mon ambition, c'est de nous faire survivre dans cette jungle. »

Belle ambition, après tout.

Je l'interroge sur les perspectives d'alliance avec un opérateur concurrent. La presse professionnelle de ce secteur, que je suis avec attention, publie régulièrement des papiers sur ce rapprochement tout aussi régulièrement démenti. Il ferme sa porte. Il va parler. Je vais enfin savoir.

« Nous évitons d'en parler. Tout le monde sait que c'est inéluctable. Il suffit de regarder les chiffres du marché. Un stagiaire de première année de BTS ferait ce diagnostic en deux jours. Les syndicats disent qu'ils sont contre, mais nous ont fait savoir qu'ils ne bloqueront rien. Les banques sont à l'affût pour organiser ce mariage. Les présidents sont d'accord. Bruxelles a donné son feu vert. Les clients essentiels ont été approchés. Il sont plutôt d'accord. Tout est sous contrôle. Et nous sommes prêts à nous mettre en marche. »

Lamentable ! Voilà des mois et des mois que tout le monde, et lui le premier, jure, la main sur la conscience, que ce projet n'est pas à l'ordre du jour ! Pourquoi tant de mystère ? Tant de manipulations ? Tant de mépris ?