Les 1 600 agents de la ville de Villeurbanne, dans le Rhône, ne connaissent pas plus de problèmes de santé que la moyenne des Français, notamment en matière d'alcoolisme. Ce n'est donc pas par pur souci de santé publique qu'en 1992, une action est lancée autour du problème de l'alcool.

« Après consultation du comité d'hygiène et sécurité, nous avons lancé un appel au volontariat pour constituer un groupe de travail nommé Deltaplane, explique Marie-Pierre Laplanche-Servigne, directrice générale adjointe. Dix personnes, de différents niveaux et services, ont suivi une formation très dense assurée par le Centre départemental de prévention en alcoologie. »

Après une vaine tentative d'état des lieux, Deltaplane se lance dans l'action via des réunions d'information obligatoires, accueillant quinze personnes par séance : « A la première réunion, l'ambiance était très pesante, se souvient Solange Perge, assistance sociale. Les salariés craignaient d'être "fliqués". Nous devions sans cesse expliquer que chacun peut, un jour, être concerné. » Deltaplane arrive au terme de son programme de réunions. « Les mentalités évoluent lentement. Les participants posent, désormais, des questions concrètes, certains évoquent le cas d'un collègue ou d'un parent malade », ajoute la directrice adjointe. Parallèlement, Villeurbanne a adhéré au groupe "alcool-entreprise" du Centre d'accompagnement en alcoologie de Lyon. Créé par le Dr Gonnet, il réunit des responsables de prévention de plusieurs sociétés qui échangent leurs expériences. Lustucru, EDF-GDF, Citroën, Banque de France, notamment, se sont lancées dans cette démarche. Alors que ces dernières ont eu recours à des solutions internes et empiriques, la ville a choisi de s'appuyer sur Restim, un cabinet spécialisé en alcoologie d'entreprise.

Son fondateur, François Nicaise, diplômé en alcoologie, fait intervenir, selon les besoins, des médecins alcoologues, des psychologues, des juristes et des experts en RH. L'intervention de Restim porte sur un premier accompagnement individuel, ainsi que sur une assistance méthodologique à Deltaplane. Parmi les actions concrètes envisagées par la ville, une "charte alcool" devrait prochainement être élaborée. Des questions relatives à l'organisation des "pots" ou à la gestion d'une personne incapable de prendre son poste de travail y seront traitées.

Si la démarche est souvent ingrate, elle porte toutefois ses fruits, comme pour ce cadre qui a réalisé qu'il était en train de "glisser" vers l'alcoolisme. Pour lui, comme pour les autres, les soins restent confidentiels. Seule la DRH a accès aux informations, afin de mieux préparer le retour au travail.