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125 enquêtes ont été menées

SANS | publié le : 17.06.2003 |

Depuis février 2002, La Poste enquête sur les demandes des agents dans le cadre d'un protocole de lutte contre le harcèlement moral, en respectant la confidentialité. Les syndicats reprochent aux équipes d'investigation d'être trop liées aux directions.

La Poste n'a pas perdu de temps. A peine un mois après le vote de la loi de modernisation sociale qui, le 17 janvier 2002, donnait un cadre juridique à la lutte contre le harcèlement moral, elle présentait à son CHSCT national un dispositif interne de prévention et de traitement de ce phénomène. Une initiative encore rare, y compris dans les entreprises privées.

Procédure simplifiée

« Il s'agit d'un protocole d'intervention fondé, d'une part, sur la protection conjointe de la victime et de l'auteur présumé, et, d'autre part, sur une approche pluridisciplinaire, associant la DRH et les équipes médicales et sociales », explique Raymond Llanes, directeur des relations sociales de La Poste (lire ci-contre). De quoi prendre en considération toutes les demandes dénonçant un harcèlement moral, tout en respectant la confidentialité. « Le protocole a permis l'ouverture simple et immédiate d'une procédure dès qu'un cas de harcèlement supposé survient, et les gens accusés considèrent qu'il ne correspond pas à une mise en accusation systématique », estime le DRH.

Des équipes d'investigation, proches du terrain - le protocole se décline dans les 150 unités de La Poste, soit chaque département et quelques directions à compétences nationales -, constituées d'un DRH, d'un médecin, d'un assistant social et d'un conseiller juridique, et mandatées par un directeur de site ou de département, ont ouvert, à ce jour, 125 dossiers, pour 165 cas signalés. « Des chiffres assez modestes, sur 320 000 agents et pour une année de mise en oeuvre », juge Raymond Llanes.

Au final, 2 % des investigations ont abouti à la constatation d'un harcèlement moral avéré, 8 % des plaintes étaient liées à des problèmes psychologiques des agents, et les autres cas, soit 90 % des dossiers, relevaient plutôt de problématiques de changement et de modification de l'environnement de travail, selon la direction, qui a recherché un nouveau poste dans un rayon proche, pour que la mesure prise ne soit pas assimilée à une sanction.

Les syndicats alignent pourtant plusieurs griefs. « Les membres des équipes chargées de mener les enquêtes sont tous liés à la direction, locale ou nationale », fait remarquer Roger Ruel, membre du CHSCT central pour la CGT. Chez Sud, on tient le même discours et on regrette que la commission de suivi - tenue, pour la dernière fois, en juillet 2002 - ne permette pas de discuter au cas par cas. Les syndicats considèrent aussi que s'en tenir à la stricte définition légale du harcèlement moral ne permet pas de traiter tous les cas de « management dur », qui, avec la pression des objectifs et l'ouverture à la concurrence, risquent de se multiplier.

Confidentialité garantie

Pour Raymond Llanes, la large autonomie des médecins du travail, disposant d'un statut protégé, assure l'efficacité et l'équité du dispositif, mais, aussi, garantit la confidentialité. « Le médecin n'évoquera pas le harcèlement moral, notion juridique, précise le docteur Bancel Cabiac, médecin coordonnateur de La Poste. Il éclaire la commission en évaluant d'éventuels risques pour la santé physique et mentale d'un agent en difficulté. Il mesure des effets et non des causes et s'en tient à ce que l'agent veut bien qu'il dise dans le respect du secret médical. »

De son côté, l'association Harcèlement moral stop, qui a été consultée par la direction, et saisie par des agents dans certains cas, n'a pas conseillé à ces derniers d'aller devant les tribunaux au terme de l'investigation menée dans le cadre du protocole.

Quant au management brutal, le discours est suffisamment clair, selon la direction, pour que l'encadrement sache qu'il ne sera pas soutenu.

Le protocole d'intervention de La Poste

Une équipe d'investigation est réunie par le responsable d'un département ou d'un établissement. Elle est constituée du DRH local, du médecin, de l'assistant social et d'un conseiller juridique, et dispose d'un mois pour remettre un rapport au chef de service ou d'établissement.

Les investigations doivent définir les manifestations du harcèlement moral, les circonstances, les conséquences sur les personnes, éclairées par différentes informations sur l'environnement de travail (changement organisationnel, situation conflictuelle, déficit managérial...). Des rencontres sont organisées :

- avec le N + 1 ou N + 2 du présumé harcelé, avec le N + 1 ou N + 2 du présumé harceleur ;

- entre l'assistante sociale et le présumé harcelé, puis le présumé harceleur ;

- entre le médecin et le présumé harcelé, puis le présumé harceleur ;

- Le conseiller juridique est consulté.

Selon le résultat des investigations, le harcèlement moral, tel que défini par la LMS, peut être avéré : dans ce cas, un dossier disciplinaire est instruit.

Des comportements peuvent être interprétés comme du harcèlement : le dialogue engagé lors des investigations est poursuivi entre les parties, et le groupe d'investigation doit faire des propositions d'amélioration.

Si un trouble du comportement de la personne qui se dit victime est à l'origine de l'accusation, un suivi par le médecin est proposé.

Si les accusations sont fausses, une procédure disciplinaire est engagée contre la personne qui les porte.