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Près de 40 % des pères ont été séduits

SANS | publié le : 10.06.2003 |

La mesure instaurée début 2002 séduit environ 40 % des jeunes pères, mais cette proportion semble supérieure dans les grandes entreprises. La charge de travail et la perte de revenu, en l'absence d'abondement financier de l'employeur, dissuadent cependant la plupart des cadres.

Le congé de paternité n'aura pas mis longtemps à s'imposer comme un acquis social. La mesure, instaurée en janvier 2002 par Ségolène Royal, a séduit 250 000 jeunes pères cette année-là, ce qui représenterait un « taux d'utilisation » de près d'un tiers au regard des 796 000 naissances enregistrées. Le mouvement semble même légèrement s'accélérer depuis le début de cette année. « On se situe plutôt à 40 % désormais », rapporte Olivier Gérard, chargé de mission à l'Unaf (Union nationale des associations familiales), et la demande dépasserait assez nettement la barre des 20 000 par mois.

Ampleur relative

Les salariés des grandes entreprises se situent plutôt à la pointe du mouvement. PSA Peugeot Citroën annonce un taux d'utilisation « inattendu » de 77 % en 2002, soit, en chiffres absolus, 2 300 congés de paternité pris par rapport à 3 000 naissances. L'ampleur relative du phénomène dans les entreprises corrobore la seule étude significative menée sur le sujet, par le Credoc (1) pour le compte de la Drees (Direction des recherches, études, évaluations et statistiques) au ministère des Affaires sociales : ce travail relève, a contrario, une plus grande réticence des professions libérales et indépendantes « soumises aux contraintes de temps et peu indemnisées par leur régime » de Sécurité sociale. Les chômeurs, les actifs en situation précaire et les travailleurs "à rythme atypique", comme les infographistes, par exemple, « se sentent peu ou pas concernés », complète l'étude.

Perte de revenu

Mais le temps et l'argent pèsent aussi sur les cadres d'entreprise, qui ne seraient que 30 %, selon l'Unaf, à faire valoir leur droit à ce congé de onze jours calendaires non fractionnable, mais qui peut se prendre jusqu'à quatre mois après la naissance. L'indemnité versée par la Sécurité sociale (le montant maximal de l'indemnité journa- lière est égal à 65,11 euros) signifie, en effet, pour cette catégorie, une perte de revenu... sauf si l'employeur intervient en abondement. Tel n'est pas le cas chez le géant de l'acier Arcelor, qui ne fait que refléter une pratique quasi généralisée : les entreprises considèrent que le congé se suffit à lui-même. « Après les 35 heures et les montagnes de congés en stock qui s'ensuivent, voilà que ces onze jours s'ajoutent aux trois jours qui ont toujours existé. Nous n'allons tout de même pas encore verser de l'argent en plus. Au père-salarié de faire son choix », souligne-t-on, un brin agacé, à la DRH d'un grand groupe.

Est-ce un hasard ? Les entreprises publiques apportent quelques exceptions. La Poste a conclu, dès juin 2002, avec tous les syndicats, un accord d'entreprise qui comble l'écart entre le plafond de la Sécurité sociale et la rémunération nette des salariés de droit privé ayant plus de trois mois d'ancienneté. « Cela permet d'aligner leur situation sur celle du personnel fonctionnaire, dont le maintien du traitement est prévu par le texte de la mesure », explique la direction de la réglementation des RH. La Poste avance également aux jeunes pères en CDI l'indemnité journalière de la Sécu, qui tombe avec un décalage d'un à plusieurs mois.

Si la grande majorité des nouveaux papas prennent la totalité des onze jours, certains tentent d'accorder leurs intérêts professionnels et privés en "rognant" sur cette période. Cette pratique domine dans l'usine pharmaceutique américaine Lilly, à Fegersheim, dans la banlieue de Strasbourg ; 52 pères ont pris leur congé sur un total de 62 naissances déclarées à l'entreprise, « mais nous observons que la majorité d'entre eux s'en tiennent à cinq à sept jours. Ajoutés aux trois jours d'office et en calculant bien, ils arrivent quand même à deux semaines », signale la direction du site de production.

(1) Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie.

« Un bébé, ça n'a pas de prix »

« Trois jours, c'était quand même frustrant, on a à peine le temps de réaliser et la maman s'est vite sentie seule au sortir de la maternité. Les onze jours supplémentaires permettent de découvrir le bébé et d'aider aux tâches ménagères et administratives. »

Responsable d'atelier chez Lilly, à Fegersheim, Mimoun Matoug apprécie le « progrès social » que représente le congé de paternité par rapport à ce qu'il a connu à la naissance de son premier enfant, en 1999. Pour le second, il a accolé la totalité des onze jours aux trois traditionnels et a rajouté deux jours de son compte RTT, « pour ne pas revenir au travail en milieu de semaine ».

Il a été l'un des premiers salariés de Lilly à bénéficier de la mesure, en février 2002, mais informé « par les médias et l'entreprise dès l'été 2001 », il indique n'avoir rencontré « aucun obstacle d'information ou d'organisation » auprès de son employeur. Quant à la perte d'une part de revenu pour cause de dépassement des plafonds et absence d'abondement, Mimoun Matoug la balaie avec ce postulat : « Un bébé, ça n'a pas de prix. »

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