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Ruée sur les préretraites avant la loi Fillon

SANS | publié le : 03.06.2003 |

De nombreuses entreprises et branches signent ou élargissent des accords de préretraite, juste avant que la loi de réforme des retraites n'en restreigne l'usage. De quoi brouiller le message sur le nécessaire maintien en activité des seniors.

Dernières opportunités avant liquidation... Le tour de vis annoncé sur les dispositifs de préretraite semble précipiter les signatures d'accords permettant aux salariés âgés de quitter l'entreprise, à 57, 58, voire 55 ans, en bénéficiant d'une partie de financements publics jusqu'à l'exercice de leur droit à la retraite.

France Télécom ou Rodhia, par exemple, vont faire partir plusieurs milliers de salariés en préretraite, tandis que plusieurs branches d'activité ont déjà négocié sur les Cats (Cessation d'activité de certains travailleurs âgés).

Trois phénomènes

C'est le cas de la métallurgie, de la chimie, du textile, de la banque, du BTP, mais aussi de l'industrie pharmaceutique ou des fabrications charcutières. En mars dernier, la métallurgie a même élargi, à plus d'un millier désormais, le nombre des entreprises pouvant bénéficier du dispositif. « On assiste à la conjonction de trois phénomènes, constate Bernard Quintreau, membre du CES pour la CFDT et rédacteur du rapport de cet organisme sur la gestion des âges : une multiplication des plans sociaux, la signature des accords Cats et le fait que beaucoup de mesures de préretraite vont être fermées dans les mois qui viennent. » Sans compter que les préretraites maison deviendront, elles-mêmes, plus lourdement taxées.

La mise en oeuvre des premiers accords Cats signés depuis la création de ce dispositif, en 1999, associée à l'avalanche de restructurations, a fait décoller les Cats. Les salariés bénéficiaires commencent d'ailleurs à remplacer ceux des anciennes formules ASFNE, FNE et Arpe. En 2002, les effectifs des bénéficiaires de ces dispositifs restaient, bien sûr, largement supérieurs à ceux des Cats, mais les entrées dans ces mêmes dispositifs, en 2003, ne représentent plus qu'environ 5 000 personnes. En comparaison, ils étaient d'environ 15 000 pour les Cats en 2002, et seront de plus de 16 000 en 2003 et 2004. Les effectifs potentiels des salariés en Cats, déterminés selon les accords déjà signés, devraient monter à près de 80 000 d'ici à 2008.

Restructurations

Depuis les années 70, les dispositifs de préretraite ont été largement utilisés pour amortir le choc des restructurations - ce qui devrait se poursuivre -, mais aussi pour aider les entreprises à rebâtir leur pyramide des âges, ce qui n'est plus de saison. Le gouvernement et son ministre du Travail, François Fillon, ont appelé les employeurs à « retrousser leurs manches » pour conserver leurs seniors au travail. Ils ont, d'ailleurs, choisi de recentrer les Cats sur les seuls métiers pénibles, et de conserver des préretraites "restructurations".

Sur les 80 000 départs prévus, la moitié seulement des salariés concernés ont exercé des métiers "pénibles" et les départs avant 57 ans représentent 20 % environ de l'effectif. Si les partenaires sociaux se précipitent, aujourd'hui, dans la dernière fenêtre des préretraites massives avant la réforme, il leur restera, ensuite, lors d'une discussion renvoyée aux branches, à négocier les critères de pénibilité du travail, encore susceptibles d'ouvrir droit aux Cats.

Solange Morgenstern, responsable du dossier retraite pour la CFE-CGC, s'attend à des négociations serrées sur le sujet : « Les trois mois prévus par le gouvernement ne seront pas de trop. » Le syndicat des cadres souhaiterait faire entrer de nouveaux critères dans la définition de la pénibilité, comme le stress et l'exigence de productivité. Et si le financement des départs anticipés repose plus largement sur les employeurs, une prise en compte du phénomène en amont devrait se généraliser. « Il faudra, en effet, travailler sur les conditions nécessaires à la réduction de cette pénibilité », estime Bernard Quintreau. Le secteur des assurances, à l'appui de son accord Cats, a, par exemple, mis en oeuvre un observatoire de la pénibilité.

Pénibilité en question

Pour Jean-Marie Peretti, professeur à l'Essec et à l'université de Corte, le sujet de la pénibilité pourrait néanmoins devenir moins aigu. Il souligne, notamment, la corrélation entre âge, durée de cotisation longue et pénibilité : « Les gens susceptibles de bénéficier des préretraites pour pénibilité sont aussi ceux qui ont cumulé quarante ans de cotisations et connu les conditions de travail antérieures à 1973, les 48 heures hebdomadaires. Les lois passées à l'époque et la création de l'Anact ont contribué à une réduction de la pénibilité. »

Les branches devront pourtant se saisir rapidement du problème. Si les accords Cats déjà négociés ont fixé les critères de la pénibilité pour une génération de travailleurs, le sort de ceux qui arrivent après, qui ont 54 ans ou un peu moins, n'est pas déterminé. Pour eux, comme pour les seniors de toutes les branches qui n'ont pas encore négocié, il y a urgence. Au risque de voir se poursuivre la tendance, déjà signalée par le ministère de la Santé, à la hausse des arrêts maladie et invalidité.