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Les "sweat shops" quittent l'Indonésie

SANS | publié le : 03.06.2003 |

Les grandes firmes occidentales quittent l'Indonésie pour échapper aux revendications sociales qui ont émergé après la chute de la dictature Suharto. Elles réorientent leurs accords de sous-traitance vers les dernières dictatures d'Asie.

En 1997, 38 % de la production mondiale de Nike était fabriquée en Indonésie contre 30 % en Chine et 2 % au Viêt-nam. Six ans plus tard, la Chine et le Vietnam représentent 39 % et 16 % de cette production contre 26 % pour l'Indonésie. Reeb prend, lui aussi, le chemin de l'exode. Son usine de Bandung (Java Ouest) sera bientôt fermée au profit de l'ouverture d'un site en Birmanie. Les deux géants de la chaussure justifient ces délocalisations par le besoin d'amener l'outil de production au plus près de l'immense marché chinois.

Les coûts les plus bas

Mais personne n'est dupe. Avec la chute de la dictature Suharto (1965-1997), l'industrie de la sous-traitance indonésienne a perdu son principal atout : un immense réservoir de main-d'oeuvre exploitable au plus bas coût grâce à une junte militaire corrompue.

« Après 1997, les syndicalistes locaux ont renseigné la clientèle occidentale sur les conditions de travail dans les ateliers de la sueur, explique Sih Budi, sociologue au Lipi, le CNRS indonésien. Les grandes multinationales (de la chaussure, du textile, du jouet et de l'électronique), qui s'étaient très bien accommodées du système, ont vu leur réputation torpillée. Elles ont tenté de réagir avec des chartes de bonne conduite. » Lesquelles n'auraient abouti qu'à des « changements cosmétiques », selon Dita Sari, une syndicaliste emprisonnée pour avoir dirigé, en 1995, la grève d'une usine de chaussures pour Reeb et Adidas. « Elles se sont attaquées aux excès les plus intolérables comme le travail des enfants en bas âge, mais rien n'a changé sur des questions aussi cruciales que les salaires. A l'époque, nous étions payés 1 dollar par jour. Six ans plus tard, nous touchons à peine plus. »

Pression des partis

En 2001, Dita Sari a refusé un prix de 50 000 dollars,offert par Reeb, pour récompenser « la personnalité ayant le plus oeuvré à l'amélioration du monde ». Un refus motivé, dit-elle, par « les conditions de travail que la firme continue à infliger à ses employés ». Elle a été, en revanche, à l'origine des réformes adoptées par le Parlement, en août 2002 : reva-lorisation annuelle du salaire minimum, interdiction du travail des enfants, limitation du travail de nuit, etc. L'Etat indonésien légifère maintenant sous la pression des partis politiques, eux-mêmes en construction démocratique.

Les firmes internationales voient leurs coûts de production augmenter et se tournent progressivement vers la Birmanie, le Viêt-nam ou la Chine. « Ces pays sont, avec la Corée du Nord, les derniers "paradis politiques" d'Asie pour l'industrie de la sous-traitance », ironise Sih Budi. Ils disposent de gouvernements capables d'étouffer toute forme de revendication sociale. » Quant aux employés indonésiens, autrefois exploités, ils sont maintenant au chômage.