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LES START-UP ENTRENT DANS LE RANG

SANS | publié le : 03.06.2003 |

Retour sur terre. Trois ans après l'e-krach, qui a précipité la chute de nombreuses start-up, la gestion des ressources humaines et les modes de management au sein des jeunes pousses se rapprochent des standards des PME-PMI.

Un matin, alors que personne ne s'y attendait, nous avons appris par un des fondateurs que la société n'était plus viable. Les investisseurs quittaient le navire. La déception a été à la hauteur de l'implication des salariés. Nous vivions sur une autre planète et le retour à la réalité a été très difficile. » Comme de nombreux autres salariés, celui-ci s'est réveillé de son aventure dans une start-up avec la gueule de bois. Son employeur, une jeune pousse spécialisée dans l'information en ligne, a été, du jour au lendemain, rayé de la carte de la nouvelle économie. « Pour certaines personnes, notamment les moins expérimentées, la fermeture de l'entreprise a constitué un véritable traumatisme psychologique, illustre Fabien Claire, analyste chez Benchmark Group. Bien payées, elles croyaient dur comme fer au projet et aux dirigeants qui le portaient. Au final, leurs stock-options ont fondu comme neige au soleil. Elles se sont senties flouées, avec le sentiment que la terre entière les abandonnait. »

Enfants gâtés

Les syndicats ? « Ils ne maîtrisaient pas encore les rouages de la nouvelle économie, poursuit cet observateur du secteur high-tech. Pis : quand des salariés en détresse les ont contactés, comme cela s'est produit pour ceux d'ibazar, ils les ont traités avec condescendance, car ils voyaient en eux des enfants gâtés. »

La déconfiture des start-up, provoquée par l'effondrement des valeurs technologiques sur les places boursières au printemps 2000 - ce que les experts ont appelé l'e-krach -, a été d'autant plus mal vécue par les salariés que ceux-ci évoluaient dans un modèle de management des ressources humaines totalement révolutionnaire, tranchant avec les standards des entreprises traditionnelles.

Atmosphère ludique

La philosophie de ces sociétés ? Compenser l'énorme pression sur les résultats en faisant de l'entreprise un lieu de vie ; créer une atmosphère ludique pour booster la créativité. Ce subtil mélange de stress collectif et d'apparence de liberté au travail a donné naissance à une véritable culture que certaines entreprises, comme la suédoise Spray, ont poussé à leur paroxysme. Cet état d'esprit, fondé sur le concept du "funky management", a été concrétisé par des projets atypiques, tels que la construction de saunas ou de salles de musculation au beau milieu des locaux. Autres signes caractéristiques : l'abolition des relations hiérarchiques et la porosité de la frontière entre vie privée et vie professionnelle.

Enrichissement rapide

L'illusion d'un enrichissement personnel rapide, née de l'attribution des stock-options, combinée au sentiment de participer à un nouveau contrat social avec l'employeur, a débouché, pour les salariés, sur des rythmes de travail frénétiques. Meg Whitman, la directrice de l'entreprise américaine eBay, ne qualifiait-t-elle pas ses collaborateurs de « missionnaires » ?

« A la différence de la fonction commerciale, nerf de la guerre, la GRH a été longtemps perçue comme une contrainte dans les start-up », relève Alexia Pestel, consultante au cabinet PAC.

Dans l'euphorie des années fastes d'Internet, de nombreuses entreprises ont, ainsi, compilé les mauvaises pratiques : harcèlement moral et sexuel, salariés rémunérés exclusivement en stock-options, non-respect de la durée légale du travail, absence de représentation du personnel, népotisme des dirigeants...

A l'assaut des parts de marché

« Les start-up n'avaient comme seule feuille de route que la conquête de parts de marché. D'où des recrutements réalisés sur des coups de tête, s'accompagnant de rémunérations disproportionnées au regard des compétences réelles des salariés et du cash flow disponible dans l'entreprise », souligne Régis Nacfaire, président du directoire de Xyleme, un éditeur de logiciels de gestion de contenu.

Selon Marc Rougier, Pdg de Meiosys, une société créée en novembre 2000, c'est la dictature du time-market qui a tué les start-up. « Je ne crois pas, explique-t-il, que l'on peut intégrer 50 personnes en deux semaines. La croissance non maîtrisée a fait beaucoup de tort à ces sociétés. »

Cinq DRH en 2001

Dernier exemple en date : la SSII Fi System, mise en redressement judiciaire le 23 avril dernier. Cette ex-valeur symbole du nouveau marché vient, en effet, de payer la note des années Internet... et l'instabilité de sa fonction RH. En 2001, l'entreprise a vu, selon un représentant syndical, défiler cinq DRH, alors qu'elle enregistrait, dans le même temps, un turn-over du personnel de 56 % !

Trois ans après l'e-krach, il semble cependant que les acteurs de la nouvelle économie soient revenus sur terre. « Nous assistons à une normalisation des pratiques RH et des modes de management », soulève Fabien Claire. Un "retour à la normale" lié principalement aux changements d'équipes qu'ont connus les survivantes de l'éclatement de la bulle Internet. « L'arrivée, à leur tête, de managers expérimentés, ayant un passé dans l'ancienne économie, a eu comme conséquence de rapprocher le mode de fonctionnement d'une start-up de celui d'une PME-PMI traditionnelle », indique Jean-Yves Catin, du cabinet de recrutement Mercuri Urval.

Implication

En charge depuis un an des RH du site de vente de vins en ligne Chateauonline, Ludovic Pere note peu de différence avec ce qu'il a connu chez son précédent employeur, un cabinet-conseil. « Seule marque de fabrique, avance-t-il, les salariés sont davantage impliqués dans la vie de l'entreprise. » A son grand étonnement, la société n'a enregistré aucune procédure prud'homale, alors que 80 personnes ont été licenciées en moins de deux ans !

Besoin de reconnaissance

« Nous arrivons à un tournant. Nous sentons, chez nos collaborateurs, qui se sont beaucoup investis ces dernières années, un besoin de reconnaissance et de repè- res », tempère Richard Folliot, DRH de Completel, un opérateur télécom né fin 1998 avec 5 salariés et qui emploie, aujourd'hui, 450 personnes.

Recrutés pour rassurer les investisseurs et faire la chasse au gaspi, ces dirigeants ont pris conscience de l'importance de la GRH, même si, d'après une étude réalisée l'an dernier par France Finance & Technologie et IDC France, seulement 4 % des jeunes pousses déclarent avoir un DRH. « Question de taille critique, soulève Rodolphe Delacroix, consultant au cabinet de conseil Towers Perrin. Certes, nous assistons à une professionnalisation de la fonction, mais, comme dans une PME, la sensibilité RH du dirigeant reste primordiale. »

Préoccupation majeure

Dans les start-up, la fonction RH est souvent, aujourd'hui, entre les mains du DAF ou répartie entre les dirigeants. Comme chez One2- Team, où elle est partagée entre les cinq membres du comité de direction. « Avec 20 salariés, explique son Pdg, Hervé Laumonier, nous n'avons pas les moyens de nous offrir un DRH. Reste que, depuis notre création, la GRH a été une préoccupation majeure. Cette politique s'est tout d'abord concrétisée dans le choix de nos collaborateurs. Notre processus de recrutement est comparable à celui d'un groupe. »

Autre élément déterminant dans l'élévation de la fonction RH dans les start-up : le regard que portent, désormais, les investisseurs sur la gestion sociale de leurs poulains. Lors de sa seconde levée de fonds, Xyleme (28 salariés) a ainsi pu constater que son principal partenaire, la Deutschbank, avait passé au crible les différents éléments sociaux de l'entreprise. Sagesse dans les méthodes de rémunération, fin des recrutements consanguins, respect du droit du travail, les jeunes pousses semblent rentrées dans le rang. Seul l'esprit start-up fait encore de la résistance. Pour combien de temps ?

L'essentiel

1 Pendant les années folles d'Internet, les salariés des start-up ont évolué dans un modèle de management totalement révolutionnaire.

2 Trois ans après l'e-krach, les acteurs de la nouvelle économie sont revenus sur terre. Au programme : une normalisation de la gestion des RH et des modes de management, rapprochant les start-up des PME-PMI traditionnelles.

3 Un "retour à la normale", lié, notamment, à l'arrivée, à la tête de ces entreprises, de managers confirmés ayant fait leurs armes loin de la nouvelle économie.

Club Internet : tour de vis sur les coûts sociaux

Chez Club Internet, l'accord salarial de fin 2002 prévoit une augmentation générale de 2,5 % de la masse salariale, soit à peu près autant que l'inflation. Pour conserver la motivation des troupes, les augmentations de salaire sont individualisées. « Nous avons fait un gros effort de pédagogie pour expliquer pourquoi tel salarié avait vu son salaire augmenter et pas tel autre », explique Cécile Vigneau, la DRH.

Autre mauvaise nouvelle pour les salariés : faute d'avoir pu dégager une réserve, Club Internet ne versera pas de participation à ses 529 collaborateurs. Tour de vis aussi sur le temps de travail. L'accord 35 heures, renégocié en novembre 2001, a fait passer le nombre de jours de RTT, pour les cadres, de 16 à 12.