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Après l'usine, les promesses se sont aussi envolées

SANS | publié le : 27.05.2003 |

Les ex-salariées de Palace Parfums, qui avaient découvert leur usine vidée de son matériel au retour de leurs congés de fin d'année, désespèrent de voir leur situation s'améliorer.

Un code du travail posé bien en évidence sur le bureau du directeur. Voilà tout ce qu'ont retrouvé, le 6 janvier au matin, en guise d'ultime provocation laissée par leur ancien employeur, les 47 salariées de l'entreprise Palace Parfums à leur retour de congés. De l'usine de conditionnement de parfums de Saint-Nicolas-d'Aliermont, une commune située près de Dieppe (76), il ne reste plus que des hangars désespérément clos.

Aucun reclassement

Cette affaire de délinquance en col blanc qui, en début d'année, a ému la France et soulevé l'indignation de la classe politique, est en train de virer au mauvais feuilleton. On leur avait promis des emplois, des indemnités, de traquer les vrais responsables de ce hold-up de l'outil de travail. Las... Les ex-salariées de Palace Parfums, dont la liquidation a été prononcée le 16 janvier dernier, n'ont plus que leurs yeux pour pleurer. « Une fois que les caméras ont quitté la scène, on nous a littéralement abandonnées. Certaines d'entre nous commencent vraiment à craquer », raconte Sylvie Prevet, ancienne salariée, dont la fille travaillait aussi dans la société. « Le bilan, c'est vrai, est loin d'être satisfaisant », reconnaît Sylvain Bienaimé, secrétaire général de l'Union locale CFDT de Dieppe.

Créée en mars dernier et dotée d'un budget de 2 134 euros par salarié, la cellule de reclassement n'a débouché sur aucun résultat. Un seul salarié, un des rares hommes de l'entreprise, a, depuis, retrouvé - « par ses propres moyens », précise Sylvain Bienaimé - un emploi de chauffeur routier. Pour les autres, le quotidien rime avec intérim et travaux de ménage.

Taux de chômage élevé

Peu qualifiées et peu enclines à la mobilité, en raison de leur situation de mère de famille, les "Palace Parfums" ont aussi la malchance d'être confrontées au marasme économique de leur région. Avec un taux de chômage de 13,8 %, le bassin d'emploi est atone.

« Etant donné cette situation, explique le responsable CFDT, les services locaux de l'Etat ne veulent pas faire d'exception pour les salariés de Palace Parfums ». Ce que dément Claude Viet, délégué aux mutations économiques au sein du ministère des Affaires sociales : « Dans notre esprit, Palace Parfums a toujours mérité un traitement particulier. Nous avons déjà fait avancer certains dossiers, notamment celui de l'antenne emploi, où l'Etat a pris entièrement à sa charge la défaillance de l'employeur. Mais il est vrai, concède-t-il, qu'il faut redonner un coup de fouet pour le reclassement des salariés. »

« Nous poussons, actuellement, un projet de création d'une société de conditionnement de parfums, non loin de Saint-Nicolas-d'Aliermont. Si ce dernier aboutit, le créateur s'engage à reprendre 10 salariées de Palace Parfums », signale, quant à lui, Louis-Michel Bonté, sous-préfet de Dieppe. Reste qu'on est loin des promesses de début janvier, quand Claude Viet, dépêché sur place par François Fillon, appelait à la « mobilisation » des chefs d'entreprise pour qu'ils examinent les candidatures des licenciés. « Depuis le début, les représentants patronaux brillent par leur absence », tonne Sylvain Bienaimé.

Situation critique

Quid, également, des indemnités ? « En janvier, relate Sophie Somont, une ex-salariée, nous avons touché notre paie via l'Assurance garantie des salaires (AGS). Pour les mois de février et de mars, nous avons perçu nos deux mois de préavis. En avril, nous avons reçu la prime de licenciement légale calculée à partir du salaire de base, c'est- à-dire le Smic, et l'ancienneté, qui est très faible dans cette entreprise. En mai, nous n'aurons rien, et les Assedic se déclencheront, conformément au délai de carence, à partir de juin. En résumé, notre situation financière devient très critique. » A tel point que les salariées vont entamer une démarche d'obtention d'un fonds d'aide sociale auprès du conseil général de la Seine-Maritime et de la mairie de Saint-Nicolas-d'Aliermont.

Elles attendent aussi avec impatience le résultat de la procédure prud'homale les opposant à la SARL Palace Parfums, représentée par son liquidateur. Marie-Pierre Ogel, leur avocate, réclame le versement de dommages et intérêts correspondant à un an de salaire par employé, le paiement de quelque 25 000 heures supplémentaires, ainsi que des indemnités pour travail illégal. « Pour assurer des fins de mois difficiles, et de peur d'être mises à la porte, les salariées emportaient du travail à domicile, rémunéré environ 3 euros de l'heure, et qui apparaissait, dans les bulletins de paie, sous forme de prime exceptionnelle », assure Marie-Pierre Ogel. Seul problème : la procédure risque de s'éterniser, car l'AGS, vers qui devrait se retourner le liquidateur pour la prise en compte des dommages et intérêts, tentera de gagner du temps en attendant que la responsabilité des véritables coupables soit établie.

Pour les ouvrières, la cause est entendue : « leur argent » se trouve dans le somptueux château d'Enghien-les-Bains (95), là où résident les anciens actionnaires de Palace Parfums, propriétaires de la société Parfums des Champs, et qui avaient confié à Philippe Nanot, qui était, par ailleurs, interdit de gérance, les clés de l'entreprise normande et... la réalisation des basses oeuvres. Quant à l'usine, elle aurait migré vers l'Espagne ou vers le Maroc.