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Aider les entrepreneurs "sociaux" à émerger

SANS | publié le : 20.05.2003 |

Entreprendre, réseau d'associations de chefs d'entreprise qui accompagnent des créateurs d'entreprise, veut faire émerger ceux dont le projet présente une forte dominante sociale. L'enjeu : susciter davantage de vocations dans une France en mal d'entrepreneurs.

E & C : A quel type de créateurs d'entreprise s'intéresse le réseau Entreprendre ?

Patrick Dargent : Le réseau Entreprendre s'intéresse à une frange particulière de la création d'entreprise : les entreprises qui créent des emplois dès le démarrage (entre 3 et 10) et en comptent 17 en moyenne au bout de cinq ans. Cela représente 4 % des créations en France, mais 40 % des emplois induits.

Le raisonnement du fondateur de Nord Entreprendre, association à l'origine du réseau, était simple : pour créer des emplois, il faut des employeurs. Et si l'on veut avoir une certaine efficacité, il faut aider les créateurs de PME, car ce sont elles qui créent de l'emploi.

Sur les dix dernières années, les grands groupes ont plutôt été destructeurs d'emplois. Sur un territoire, la fermeture d'une unité représente quelques centaines, voire quelques milliers de postes en moins d'un seul coup, avec une capacité quasi nulle des décideurs locaux d'intervenir sur une décision prise loin du territoire. Celui-ci est complètement dépendant de cette situation, pris en otage. Les PME, elles, sont dirigées localement par des gens qui habitent le territoire et irriguent le tissu local. Pour eux, fermer leur structure, c'est supprimer leur propre emploi. Leur implication personnelle est plus forte et, la plupart du temps, ils trouvent les ressources pour traverser une mauvaise passe et se battent pour préserver l'entreprise.

E & C : Parmi ces porteurs de projet créateurs d'emplois, vous souhaitez faire émerger des entrepreneurs aux motivations "sociales". Pourquoi ?

P. D. : Derrière la problématique de la création d'emplois se cache celle du manque d'entrepreneurs en France. C'est une tarte à la crème de le dire, mais c'est la réalité. Il s'agit d'une vraie problématique en termes de choix de société et de choix de vie. Il nous paraît important de communiquer sur l'intérêt d'être chef d'entreprise. On entend parler des contraintes de ce métier - les charges sociales, la paperasse, les impôts -, ce qui n'est pas fait pour susciter des vocations. On entend des explications un peu courtes, comme le goût de l'indépendance ou le fait de gagner de l'argent. Mais l'expérience humaine que représente le fait d'être chef d'entreprise est très mal racontée. Or, ce qui ressort chez beaucoup de créateurs et de chefs d'entreprise comme vital et central, c'est la préoccupation du projet humain.

Il se trouve que ce sont les entreprises qui ont un projet social - par exemple, monter une activité pour des gens qui présentent une fragilité sociale ou un handicap - qui font le mieux apparaître ce qu'est d'être chef d'entreprise. Peut-être qu'à travers cet angle-là, nous allons pouvoir rappeler cette facette du métier d'entrepreneur. C'est une bonne manière de promouvoir l'entrepreneuriat.

E & C : Que comptez-vous faire pour aider ces entrepreneurs "sociaux" ?

P. D. : Le réseau Entreprendre va investir de l'argent et de l'énergie sur cet axe considéré comme stratégique. Nous avons bâti un programme sur dix-huit mois qui devrait engager dix associations du réseau, qui en compte 26 aujourd'hui. Il s'agit, donc, d'une démarche expérimentale que nous mènerons de façon pragmatique et prudente. Chacune dans sa région et dans son bassin, les dix associations feront un travail de communication, de contact avec les structures locales pour qu'elles dirigent ces candidats entrepreneurs vers notre réseau. La direction des petites entreprises et de l'économie sociale de la Caisse des dépôts, très engagée sur ce secteur, est intéressée par le projet et apportera sa contribution financière. Si cette expérience permet d'aider à créer 25 entreprises, ce sera déjà une base de départ significative.

L'idée n'est pas de faire un coup, mais de changer certaines barrières mentales, de dépasser les étiquettes d'entreprises sociales ou solidaires. Ces entreprises sont des entreprises comme les autres. Elles sont faites pour créer du profit dans une économie de marché. Toute la question est de savoir ce que l'on fait du profit. Un partage doit être réalisé entre les actionnaires, les salariés et le projet. Chaque entreprise met le curseur où elle veut dans la distribution du profit. Concrètement, ces entrepreneurs-là ne récusent pas du tout la nécessité de dégager des profits mais en affectent, vraisemblablement, une partie à l'insertion et à la compensation de certaines fra- gilités.

E & C : Où trouver ces entrepreneurs motivés par le social ?

P. D. : Je suis persuadé qu'il y a un potentiel, un réservoir d'entrepreneurs parmi les cadres de 40 à 55 ans, qui ont déjà une grosse expérience, ont rendu compte à de grands groupes, ont réussi leur carrière et n'ont plus grand-chose à se prouver. De plus, nombre d'entre eux ont matériellement bien réussi. Et après ? Certains se posent cette question-là. Ils peuvent être motivés par un projet qui ait un autre sens.

SES LECTURES

La grammaire est une chanson douce, Erik Orsenna, Stock, 2002.

PARCOURS

Ingénieur Arts et Métiers, Patrick Dargent est le créateur et le directeur général d'une entreprise industrielle de 45 salariés, Aquarèse Industries, dans le Pas- de-Calais.

Après un engagement au Centre des jeunes dirigeants (CJD), il a fondé, il y a trois ans, Artois-Entreprendre, une association membre du réseau Entreprendre.

Il est aujourd'hui vice-président de ce réseau de 26 associations de 2 500 chefs d'entreprise bénévoles qui accordent des prêts d'honneur et accompagnent des créateurs pendant trois ans.