« It's more than a game. It's business. » Le slogan d'E. strat Challenge, jeu lancé en 2000 auprès des étudiants du monde entier par L'Oréal, donne le ton. En effet, ces jeux d'entreprise, très en vogue depuis quelques années, ne sont pas que ludiques.

Consistant à mettre en compétition l'inventivité, l'esprit d'initiative et l'intelligence des étudiants, ils se révèlent d'excellents tests de prérecrutement. Il faut re- monter à 1979 pour trouver le premier du genre. Son nom : Euromanager. Son principe : proposer la gestion sur douze mois d'une entreprise industrielle internationale virtuelle à 5 000 équipes. Les compétiteurs : des groupes de 6 étudiants d'école de commerce, d'ingénieurs ou d'universités, de 1re, 2e et 3e années, originaires de 13 pays et parrainés par une entreprise. Que ceux qui obtiennent la meilleure valeur boursière acquise en fin d'exercice gagnent ! Depuis, Euromanager a fait des émules.

Ainsi, en 1997, Bouygues Construction créait le Défi Bouygues. Ce tournoi maison a mis en compétition, encore cette année et pendant vingt-quatre heures, 16 équipes pluridisciplinaires internationales d'étudiants sur un cas réel de management.

Et c'est sans compter le cas marketing Ford, proposé par le constructeur automobile ; les "Négociales", pour les étudiants en formation commerciale ; le concours international de la vente, organisé par l'ESC Le Havre en partenariat avec, entre autres, BNP Paribas Lease Group, Carrefour, Hewlett-Packard et Hilti ou encore le concours de stratégie publicitaire lancé, cette année, par l'association étudiante de l'Essec avec l'agence BETC Euro RSCG.

Quelle que soit la formule, les motivations des entreprises se rejoignent. Pour Françoise Haegel, de la communication de Crédit agricole Indosuez, l'un des sponsors officiels français d'Euromanager, « ces manifestions permettent de faire connaître notre entreprise ».

Ces actions sont également très utiles pour la promotion de certains métiers, souffrant parfois d'a priori. Olivier Carlander, directeur du développement des ressources humaines de Bouygues Construction, explique ainsi que le Défi Bouygues était, à ses débuts, ouvert uniquement aux étudiants d'écoles de commerce, peu enclins à contacter spontanément son groupe. Et si L'Oréal ne souffre d'aucun déficit de notoriété, son jeu E. strat fait découvrir aux étudiants le secteur de la beauté, un univers pas forcément prisé par les ingénieurs. Chaque année, ce leader de la cosmétique approche, par ce biais, plusieurs milliers d'étudiants (17 000 candidats se sont inscrits à la version 2002).

Les moyens déployés sont importants. « Nous choisissons de parrainer 10 équipes, explique Françoise Haegel. Pour chacune d'elles, nous payons leurs droits d'inscription et faisons appel en interne à des salariés chargés de coacher une équipe tout au long de la compétition. »

Pour son Défi, Bouygues Construction mobilise, quant à lui, une équipe projet de 15 personnes. Et chez L'Oréal, c'est l'ensemble des équipes RH du groupe qui sont sur le pont pour présenter ce jeu dans les écoles, aux quatre coins du globe. A cela s'ajoutent les prix distribués aux gagnants (voyage d'études chez Bouygues, 3 000 euros chez L'Oréal, 15 000 euros pour Ford...).

Pour autant, les entreprises restent discrètes sur le financement de telles opérations. Un indicateur, fourni par Françoise Haegel, donne, toutefois, un ordre d'idée puisque, selon elle, « cela coûte moins cher qu'une page d'annonces dans un quotidien ». Et c'est payant ! Depuis l'existence du Défi, plus d'une soixantaine de jeunes ont rejoint l'entreprise. L'Oréal aura procédé, pour sa part, selon Jean-Claude Le Grand, directeur corporate de la stratégie du recrutement, « à un total d'une quarantaine de recrutements en CDI et en stage ».