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Faire du développement durable un atout stratégique

SANS | publié le : 06.05.2003 |

L'obligation de communiquer sur le développement durable a accéléré la compréhension des enjeux de la responsabilité sociale dans les entreprises. La notation sollicitée devrait, en outre, faire émerger les bonnes pratiques et enrichir les informations extra-financières à disposition des marchés.

E & C : Le thème de la responsabilité sociale des entreprises alimente de nombreux colloques. Les entreprises déploient-elles surtout un effort de communication, ou de réelles pratiques ?

Nicole Notat : En France, l'objectif de communication a été déterminant. La loi NRE, qui a obligé les entreprises à fournir un rapport de développement durable, a pris au dépourvu beaucoup d'entre elles, les obligeant à communiquer rapidement sur un thème auquel elles n'étaient pas habituées. Elles ont dû, parfois dans la précipitation, rassembler des indicateurs pertinents pour détailler ce souci de gérer leur croissance de façon responsable. Certes, il y a là un risque d'user de rhétorique plutôt que de se placer dans l'action. Mais la prise de conscience sur les enjeux du développement durable a progressé. Et, dans les secteurs où les entreprises sont souvent interpellées - les activités potentiellement polluantes, par exemple -, nombre d'entre elles ont anticipé la nécessité d'intégrer cette gestion du risque non financier dans leur stratégie de développement.

E & C : Pourtant, l'encours de l'investissement socialement responsable reste aujourd'hui assez marginal...

N. N. : C'est vrai pour l'instant, mais il se développe. La question est de savoir si l'approche classique des investisseurs et allocataires d'actifs, qui consiste à apprécier des risques financiers, va s'enrichir d'une analyse extra-financière. Pour certains, le risque d'image n'est pas décisif pour la rentabilité financière. Mais l'intérêt grandissant pour les questions de bonne gouvernance d'entreprise, notamment, même s'il est en grande partie lié aux récentes faillites et scandales de grandes entreprises américaines, est le signe fort d'une évolution sur ces sujets.

E & C : Sur le marché de la notation sociale, se développe l'activité de notation sollicitée, qui consiste à établir une évaluation des risques sociaux et environnementaux d'une entreprise à sa demande. Pourquoi cette prestation est-elle proposée ?

N. N. : C'est un moyen de venir évaluer une entreprise sur place et sur pièce tant que les informations, voire d'éventuels standards, ne sont pas encore stabilisés. C'est bien une notation et pas du conseil. Pour l'entreprise, il ne s'agit pas seulement de faire émerger des zones de risque, mais aussi d'éventuelles zones d'innovation, d'excellence, de bonnes pratiques dans le domaine de la RSE.

D'autre part, cette activité complète le modèle économique des agences de notation sociale, difficilement viables autrement.

E & C : Sur quels référentiels ou réglementations faudra-t-il se fonder ? Et les pouvoirs publics doivent-ils élaborer des réglementations contraignantes ?

N. N. : Des normes et des réglementations d'organisations légitimes existent. Chez Vigeo, par exemple, notre référentiel est élaboré à partir des normes de l'OIT, de l'ONU, avec le Global Compact, de l'OCDE, mais aussi des réglementations nationales et conventionnelles. Nous les avons organisées et hiérarchisées pour établir nos critères d'évaluation.

Le degré de conformité à la loi est évidemment un socle de base. Mais, au-delà, une série de recommandations peut laisser une marge suffisante aux entreprises dans leur mise en oeuvre, pour permettre une gradation. C'est, par exemple, le cas des principes de l'OCDE sur la valorisation du capital humain et la gestion préventive de l'emploi. Outre la conformité légale, nous pouvons mesurer un niveau d'intégration des problématiques sociale et environnementale dans la stratégie des entreprises.

Quant à encadrer la RSE par des réglementations, je pense que les pouvoirs publics peuvent proposer des dispositifs incitatifs. Mais un cadre réglementaire doit laisser à l'entreprise la responsabilité de la manière dont elle souhaite déployer ces politiques, si l'on veut qu'elle puisse en faire un élément de sa stratégie et de sa performance globale.

E & C : Quel sera le rôle des DRH dans cette évolution ?

N. N. : Ils seront très sollicités dans les entreprises qui veulent faire du développement durable une question stratégique. Les DRH ont souvent déjà identifié les risques sociaux. Ils seront amenés à favoriser l'intégration de ces questions dans les systèmes de gestion de l'entreprise. C'est une bonne nouvelle car ils ont pu avoir l'impression que leurs préconisations n'étaient pas toujours intégrées dans la stratégie. Elles pouvaient parfois être jugées nécessaires, mais traitées en marge des questions stratégiques.

SES LECTURES

Ils vont tuer le capitalisme, Claude Bébéar et Philippe Manière, Plon, 2003.

- Le capitalisme déboussolé, Michel Vigié et Olivier Pastré, La Découverte, 2003.

- Les taches du léopard, Françoise Giroud, Fayard, 2003.

PARCOURS

Nicole Notat est présidente de l'agence de notation sociale Vigeo, dont le capital rassemble une cinquantaine de gestionnaires financiers et fonds de pension, mais aussi des entreprises. L'actionnaire de référence est Eulia, qui a apporté l'agence de rating Arèse au sein de Vigeo (lire Entreprise & Carrières n° 661).

Après avoir dirigé pendant dix ans la CFDT, premier syndicat français, Nicole Notat a « changé de registre » pour « intervenir dans la régulation de la mondialisation ».